Artisans & Artistes
Artisans & artistes
Dimanche 23 & mardi 25 juin 2019
Je me disais à moi-même, assez fort pour que quelque autre l’entende, que je m’amusais, arrivé à un âge avéré, autant, sinon plus que dans ma prime jeunesse ! Certains diront qu’il s’agit d’une caractérisation de la sénilité. D’autres y verront une qualité d’émerveillement dont on aura voulu me priver en vain. Comme le proclamait Boris Vian, les gens sans imagination voudraient bien en priver les autres et les aligner sur leur résignation. Contre cette morale sclérosante, mortifère je suis entré en résistance depuis longtemps ; le symptôme semble s’aggraver !
La longue marche sous les ombrages du canal de Saint-Astier avait ouvert notre appétit. Après la pastèque rafraîchissante, la goûteuse terrine de sanglier de Pierrette et un cake qui l’était tout autant, nous prîmes, sous un soleil s’affirmant plus généreusement, la route qui conduit à Rouffignac puis à Saint Cernin de Reilhac.
Nous étions au Festival Américain à ‟Estréguil”. Si l’Amérique fut mon rêve d’éden à 20 ans, ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. De mon temps de fréquentation d’américains, il ne me reste plus qu’un goût pour le Country folk, en particulier l’univers poétique de John Denver. Les artisans exposants retinrent mon attention, du tourneur sur bois au sculpteur à la tronçonneuse proprement fascinant, Patrice, aux potières accomplies et créatives, Nathalie et Aline. Retour en arrière lorsque Kévin venait comme élagueur ici au jardin ; fluet, il était aussi à l’aise dans les arbres qu’un écureuil ! Son épouse Tiphaine confectionne de magnifiques sacoches, sacs… en cuir et lui-même grave sur bois.
Patt d’Arbres ou Patrice Arnaud sculpteur à la tronçonneuse |
Aline et le tourneur sur bois | Une pièce sculptée par Patrice | ||
Kévin & Tiphaine Nadot | Le stand cuir et gravure de Kévin & Tiphaine | Détail du travail de Tiphaine | ||
Poteries d’Anne-Marie, Nathalie, Aline | L’art d’Aline | |
La grande révélation, celle d’un talent majeur, furent les dessins imaginés et dessinés à la perfection par Anna, fille d’Aline, qui au-delà d’être une pure beauté, est divinement douée. Une carrière dans le domaine de la bande dessinée pour enfants par exemple, semble évidente. On en reste pantois !
Bientôt nous fûmes à Lacropte pour la fête annuelle de la vannerie et de l’artisanat d’art. Une festivité campagnarde comme nous en connûmes autrefois. Les vieux tracteurs, engins à deux ou trois roues étaient un plaisir des yeux mais pas autant que les vieilles voitures depuis le temps de la Grande Guerre de 39-45. Il y avait là une vieille Mercedes sable comme celle que je conduisais encore l’an passé et qui raviva mes regrets. Quelle élégance de ligne à côté des patates actuelles toutes aussi moches les unes que les autres ! Maintenant Mercedes suit la mode la plus triviale au lieu de la précéder ! Quelle déchéance de goût.
Il est déjà plus de 17h00, nous montons jusqu’au village pendant qu’un cocher conduit une carriole attelée de deux chevaux qui redescend chargée de visiteurs. Le ciel est enguirlandé à la manière d’un vaste manège, traversé par un avion qui frôle presque le clocher de l’église et tourne, tourne en boucle, au-dessus de la fête. Très nombreux stands dont nous ne verrons que quelques uns. Anne-Marie, souveraine en son art, enseigne la poterie à Aline et Marie Annick, remplacée parfois par sa fille Nathalie que nous venions de saluer à Saint Cernin de Reilhac. Petits échanges, plus loin, choix d’une planche à fromage massive.
Anne-Marie, la potière | ||||
J’observe et admire un sculpteur sur pierre, compagnon du Tour de France, sympathique au possible, un de ces maîtres ouvriers que j’ai tendance, comme le fait Emmanuel Macron, à qualifier de Premier de Cordée. Lui attribuant ce qualificatif aux voyous du fric, moi à ceux qui sont l’honneur et la fierté de notre pays, à ceux qui savent par leur intelligence, leur savoir-faire et leur vaillance rendre beau ce monde.
Les tailleurs de pierre | L’outillage du tailleur de pierre | |||
Il y en a bien d’autres sur la place de l’église qui méritent notre attention, des maîtres vanniers, artistes dans cet art ancien, autrefois tellement utile, indispensable à la vie paysanne, lorsque l’absurde plastique n’avait pas tout remplacé, balayant d’un trait tout un savoir-faire ancestral.
Marie Annick fit le choix d’un panier d’osier sur le stand de Serge Mazaud, avant qu’il ne s’en veuille retourner en sa sauvage Corrèze. À n’en pas douter, ce choix princier va donner du chic aux courses sur le marché de la Clautre du samedi matin !
Ce pays dans sa simplicité enchanteresse, met des étoiles dans nos cœurs et nos yeux. « Mon vieux pays, donne-moi la main. Souviens-toi… Et dis-moi seulement que tu es toujours la promesse du printemps éternel[1]. »♦
[1] Pierre Fanlac, Amour du Périgord (photographies de Bernard Tardien), Pierre Fanlac, Périgueux, 1986, p. 148.