Journal 2019, Chant des jours [Juin 2019]

 
 
 

« L’écriture n’est pas un but en soi, mais une façon de chercher et de dire le sens même de la vie individuelle ou collective. »

 

Francis COMBES, Préface de Ce que signifie la vie pour moi de Jack LONDON.


 
 

Journal 2019 : Chant des jours [Juin 2019]

 

 
 

« Il doit bien exister au monde quelque chose, un lieu qui ne soit pas un rapport de force avec autrui ou soi-même… la tendresse, peut-être… »

 

Gérard PHILIPPE

 

 

« Étant constituée d’êtres humains qui sont envieux, ambitieux, qui croient et qui imitent, la société accepte l’envie, l’ambition, la croyance, l’imitation, bien que toutes ces attitudes soient des indices de peur. »

 

KRISHNAMURTI

 

 


« La vie d’un être ne vaut que par la droiture. Sans droiture, elle ne tient qu’au hasard. »

 

CONFUCIUS

 
 

 


 
 

Dimanche 23 & mardi 25 juin 2019

 
 
 

Artisans & artistes

 
 
 

Je me disais à moi-même, assez fort pour que quelque autre l’entende, que je m’amusais, arrivé à un âge avéré, autant, sinon plus que dans ma prime jeunesse ! Certains diront qu’il s’agit d’une caractérisation de la sénilité. D’autres y verront une qualité d’émerveillement dont on aura voulu me priver en vain. Comme le proclamait Boris Vian, les gens sans imagination voudraient bien en priver les autres et les aligner sur leur résignation. Contre cette morale sclérosante, mortifère je suis entré en résistance depuis longtemps ; le symptôme semble s’aggraver !

La longue marche sous les ombrages du canal de Saint-Astier avait ouvert notre appétit. Après la pastèque rafraîchissante, la goûteuse terrine de sanglier de Pierrette et un cake qui l’était tout autant, nous prîmes, sous un soleil s’affirmant plus généreusement, la route qui conduit à Rouffignac puis à Saint Cernin de Reilhac.

 

 
 
 
     
     
 
     
     

 

Nous étions au Festival Américain à ‟Estréguil”. Si l’Amérique fut mon rêve d’éden à 20 ans, ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. De mon temps de fréquentation d’américains, il ne me reste plus qu’un goût pour le Country folk, en particulier l’univers poétique de John Denver. Les artisans exposants retinrent mon attention, du tourneur sur bois au sculpteur à la tronçonneuse proprement fascinant, Patrice, aux potières accomplies et créatives, Nathalie et Aline. Retour en arrière lorsque Kévin venait comme élagueur ici au jardin ; fluet, il était aussi à l’aise dans les arbres qu’un écureuil ! Son épouse Tiphaine confectionne de magnifiques sacoches, sacs… en cuir et lui-même grave sur bois.

 

         
         
   

Patt d’Arbres ou Patrice Arnaud

sculpteur à la tronçonneuse

  Aline et le tourneur sur bois   Une pièce sculptée par Patrice
         
   
Kévin & Tiphaine Nadot   Le stand cuir et gravure de Kévin & Tiphaine   Détail du travail de Tiphaine
         
     
     
 
Poteries d’Anne-Marie, Nathalie, Aline   L’art d’Aline
     
     

 

La grande révélation, celle d’un talent majeur, furent les dessins imaginés et dessinés à la perfection par Anna, fille d’Aline, qui au-delà d’être une pure beauté, est divinement douée. Une carrière dans le domaine de la bande dessinée pour enfants par exemple, semble évidente. On en reste pantois !

 

 
 
 
 

 

Bientôt nous fûmes à Lacropte pour la fête annuelle de la vannerie et de l’artisanat d’art. Une festivité campagnarde comme nous en connûmes autrefois. Les vieux tracteurs, engins à deux ou trois roues étaient un plaisir des yeux mais pas autant que les vieilles voitures depuis le temps de la Grande Guerre de 39-45. Il y avait là une vieille Mercedes sable comme celle que je conduisais encore l’an passé et qui raviva mes regrets. Quelle élégance de ligne à côté des patates actuelles toutes aussi moches les unes que les autres ! Maintenant Mercedes suit la mode la plus triviale au lieu de la précéder ! Quelle déchéance de goût.

 

           
           
     
           
           
     
     
 
     
     

Il est déjà plus de 17h00, nous montons jusqu’au village pendant qu’un cocher conduit une carriole attelée de deux chevaux qui redescend chargée de visiteurs. Le ciel est enguirlandé à la manière d’un vaste manège, traversé par un avion qui frôle presque le clocher de l’église et tourne, tourne en boucle, au-dessus de la fête. Très nombreux stands dont nous ne verrons que quelques uns. Anne-Marie, souveraine en son art, enseigne la poterie à Aline et Marie Annick, remplacée parfois par sa fille Nathalie que nous venions de saluer à Saint Cernin de Reilhac. Petits échanges, plus loin, choix d’une planche à fromage massive.

 

         
         
   
Anne-Marie, la potière        
         
         

 

J’observe et admire un sculpteur sur pierre, compagnon du Tour de France, sympathique au possible, un de ces maîtres ouvriers que j’ai tendance, comme le fait Emmanuel Macron, à qualifier de Premier de Cordée. Lui attribuant ce qualificatif aux voyous du fric, moi à ceux qui sont l’honneur et la fierté de notre pays, à ceux qui savent par leur intelligence, leur savoir-faire et leur vaillance rendre beau ce monde.

         
         
   
Les tailleurs de pierre       L’outillage du tailleur de pierre
         
         
         

Il y en a bien d’autres sur la place de l’église qui méritent notre attention, des maîtres vanniers, artistes dans cet art ancien, autrefois tellement utile, indispensable à la vie paysanne, lorsque l’absurde plastique n’avait pas tout remplacé, balayant d’un trait tout un savoir-faire ancestral.

Marie Annick fit le choix d’un panier d’osier sur le stand de Serge Mazaud, avant qu’il ne s’en veuille retourner en sa sauvage Corrèze. À n’en pas douter, ce choix princier va donner du chic aux courses sur le marché de la Clautre du samedi matin !

           
           
     
           
           
           

 

 

Ce pays dans sa simplicité enchanteresse, met des étoiles dans nos cœurs et nos yeux. « Mon vieux pays, donne-moi la main. Souviens-toi… Et dis-moi seulement que tu es toujours la promesse du printemps éternel[1]. »♦

 

[1] Pierre Fanlac, Amour du Périgord (photographies de Bernard Tardien), Pierre Fanlac, Périgueux, 1986, p. 148.

 
 

 
 
 

 

Samedi 22, mardi 25 juin 2019

 
 
 

Le frileux bicentenaire de la naissance de Jacques Offenbach (1819-2019) en France

 

 
 
 

 

 

 
 
 
Jacques Offenbach © José Corréa, 2019
 
 

 

 

 

 

J’aurais aimé dire ma satisfaction de voir surgir un enregistrement d’une des quatre-vingt-dix œuvres méconnues du maître. Je dirais « Que nenni », le ministère de la Culture a cru bon d’occulter ce bicentenaire. Honte à eux qui sans doute se sont trop reconnus caricaturés dans ce corpus assez souvent railleur. Le bourgeois n’aime pas que l’on souligne, même sur le rythme incisif d’une mélodie inoubliable, son ridicule, sa boursouflure.

 

Quel compositeur caractérise mieux l’esprit français que ce juif allemand né à Cologne un 20 juin 1819 ? Offenbach est joué depuis 1855 un peu partout sur la planète, il fut la coqueluche de tout un monde qui allait des palais aux chaumières par des arrangements des thèmes de ses œuvres pour les bals et les guinguettes. Le succès de ses grands opéras bouffes ne se dément pas, même si certains titres ont plus les faveurs des metteurs en scène qui d’ailleurs n’hésitent pas à y ajouter bien souvent leurs marques hirsutes et grotesques qu’ils croient vaniteusement d’un génie égal ou supérieur à cet homme de théâtre accompli.

 

Voici une vexation que je ne pourrai effacer, avec patience, par le prochain centenaire !

 

C’est sans aucun doute de lui que me vient mon amour pour la musique. Vers 12 ans, chez les parents de mon camarade Bertrand Kervazo, si je pouvais écouter ébloui, la si gracieuse Caroline, sa maman, détailler à ravir certains couplets de La Périchole ou de La Belle Hélène (elle avait été cantatrice avant son mariage avec Albert), les écoutes essentielles furent les symphonies de Beethoven et quelques pages symphoniques de Brahms, Dvorak et Liszt.

 

Ce musicien facétieux, pour autant romantique me fut révélé par les dessins animés de Walt Disney qui usaient musicalement de certains thèmes du maestro. J’entrais littéralement en transe dès les premières mesures de ces notes qui courraient, s’envolaient… Puis je pus acquérir, avec le soutien financier de mon grand-père, un disque vinyle 25 cm avec cette Gaîté Parisienne[1] assez peu d’Offenbach. Un amour fou vous dis-je ! Et une soif invincible d’en connaître toujours plus.

 

La musique d’Offenbach est un véritable antidote contre la morosité, l’abattement, les tristesses de la vie. Elle devient vite irremplaçable et devrait être remboursée par la Sécurité Sociale, tant elle est tonifiante, stimulante, euphorisante ! Elle a été la compagne d’une adolescence chétive et perplexe.

 

Ce goût, que certains n’hésitent pas à contester, n’a pas le moins du monde entravé ma passion pour l’univers musical de quelques grands musiciens au rang desquels je mets en premier Gustav Mahler suivi de Franz Schubert, Robert Schumann, Jean Sibelius, Bohuslav Martinů, Darius Milhaud… La musique française demeure aussi un important centre d’intérêt comme l’association Les Amis de la musique française, que j’ai fondée en 2001, avec quelques amis, le laisse supposer.

 

Les partisans de la réincarnation m’ont fait, tout au long des années, des suggestions étonnantes à propos de mon émotion inexplicable à l’écoute de cette musique. Mon contentement devant leurs assertions n’a jamais été aussi démesuré que celui que j’observais chez eux.

 

Le nouveau directeur de la maison de disques Opera Rara (l’ancien avait tant réalisé pour le compositeur : Robinson Crusoé, Vert-Vert, deux compilations en quatre CD d’airs extraits d’œuvres peu fréquentées), a simplement annulé les projets offenbachiens qui étaient de premier ordre. C’est une lourde malchance au temps du bicentenaire !

 

Le Palazetto Bru Zane a amalgamé son hommage à Offenbach avec un hommage à son rival et ami Hervé, né en 1825 ! et avec certains de ses successeurs : Lecocq et Planquette, comme si tout ce petit monde était d’égale grandeur. De plus ce n’est guère élégant de minorer un bicentenaire en proposant une telle salade !

 

Nous sommes assurés que la reprise à l’Opéra-Comique, le 20 juin 2019, de Madame Favart (un des derniers ouvrages du maestro, créé fin 1878) trouve enfin tout le succès que cette œuvre en demi-teinte mérite. La recréation de Barkouf, en début d’année 2019, son premier opéra comique qui fut un échec retentissant en 1860, n’a pas fait l’objet d’un enregistrement que le succès de sa reprise aurait justifié de par la grande originalité de cette partition. Le Palazzetto Bru Zane vient d’éditer une Périchole, déjà enregistrée dans de somptueuses distributions. Marc Minkowski est effectivement un chef offenbachien idéal et respectueux de la partition, mais une intégrale de Barbe-Bleue aurait été plus judicieuse, nécessaire et bienvenue. Dimanche soir[2], nous avons eu à entendre sur les ondes de France Musique, la diffusion d’une captation de Maître Péronilla de mars 1878, donné le 1er juin 2019, en concert, au Théâtre des Champs-É֤lysées, à Paris, sous l’égide du Palazzeto Bru Zane. Grand moment que cette reprise dans d’excellentes conditions d’une œuvre rare dont je possédais un enregistrement Radio France des années 1970, moins complet. Ce qui prouve avec ces deux créations de la même année 1878, Maître Péronilla et Madame Favard à l’Opéra Comique (toujours avec le soutien du Palazzetto Bru Zane), que le maestro très affaibli physiquement, était toujours hautement inspiré. Ce que confirment les partitions de La Fille du Tambour Major qui connut un retentissant succès, en 1879, puis Belle Lurette (création du 30 octobre 1880, le compositeur étant mort le 5 octobre), et celle Les Contes d’Hoffmann dont la création eut lieu le 2 février 1881. Même si j’ai enregistré la diffusion de Maître Péronilla, il y aurait nécessité d’un enregistrement sur CD avec les habituelles études que propose utilement le Palazzetto Bru Zane.

 

Deux disques sont à signaler plus particulièrement en l’absence d’une intégrale d’une œuvre non enregistrée du compositeur. Un récital et un disque d’Ouvertures, et pièces symphoniques au programme assez innovant puisqu’on y trouve des pages d’œuvres regrettablement peu visitées : Les Bavards, Les Bergers, Le Roi Carotte, Geneviève de Brabant, Monsieur et Madame Denis, La Créole, La Princesse de Trébizonde, Madame Favart, L’Île de Tulipatan.

     
     
 
     
     

 

On nous annonce un second enregistrement CPO avec le ballet « Le Royaume de Neptune » qu’Offenbach composa pour la reprise en opéra bouffe féerie en 4 actes et douze tableaux d’Orphée aux Enfers, le 14 août 1874.

 

Le récital de Julie Devos chez Alpha-Classics, intitulé Offenbach Colorature sous la direction de Laurent Campellone (autre publication sous l’égide du Palazzeto Bru Zane) nous révèle trois pages du très décrié Boule-de-neige (opéra bouffe en 3 actes de fin 1871) qui méritent bien mieux que ce que l’on en a eu dit. Deux valses peu connues, absolument superbes émaillent ce récital, « Conduisez-moi vers celui que j’adore » de l’opéra comique de 1867, Robinson Crusoé et « J’entends, Ma Belle » de l’acte Un mari à la porte (1859). Ce disque est un pur joyau de l’art du compositeur.

     
     
 
     
     

On notera aussi la parution de plusieurs enregistrements d’œuvres pour violoncelle, instrument dont Offenbach était un virtuose.

 

Deux ouvrages sont d’un apport intéressant et de qualité. Jean-Claude Yon a réuni et présenté les lettres du compositeur au Figaro, et quelques-uns de ses propos, M. Offenbach nous écrit, ouvrage édité par Actes Sud/ Palazetto Bru Zane. Le compositeur écrivait parfaitement le français et possédait un humour légendaire. Par exemple alors qu’il s’apprêtait, en 1876, à partir pour l’Amérique afin de s’y refaire une santé financière et où il rencontra un succès monumental, un de ses confrères connaissant ses difficultés lui dit avec un accent de faux intérêt :

 

«  ‒ Vous avez tort, mon cher, de vous exposer à de telles fatigues, car enfin vous n’êtes pas un colosse !

‒ Oh ! fit Offenbach en souriant, rassurez-vous, j’ai une santé si délicate que je n’ai pas même la force d’être malade ! »

 

     
     
 
     
     

 

Le second ouvrage imposant, publié par Symétrie (avec le soutien de La Région Auvergne-Rhône-Alpes), est signé de Dominique Ghesquière. La Troupe de Jacques Offenbach est significative de la manière dont il travaillait avec ses acteurs-chanteurs. Il écrivait chaque page pour tel ténor, telle soprano… en mettant en exergue leurs talents bien spécifiques. Clés évidentes du succès de ses œuvres où chaque personnage était porté par une mélodie, des intonations propres à lui offrir un succès personnel confortant la réussite générale de la pièce.

 

Autre initiative du Palazzetto Bru Zane qui nous vaudra une publication, le colloque intitulé Offenbach, musicien européen, qui s’est déroulé à l’Opéra Comique à Paris les 21 et 22 juin derniers.

 

France Musique a salué cet anniversaire. Il convient de saluer cette juste et compensatrice initiative.

 

La plus grande espérance nous vient de l’action permanente, passionnée, méticuleuse du compositeur, chef d’orchestre, musicologue et grand spécialiste d’Offenbach, Jean-Christophe Keck. Depuis de nombreuses années, il s’évertue, par un travail de fourmi, à réaliser l’Offenbach Edition Keck (OEK), chez Boosey & Hawkes. Avec un esprit d’authenticité et de respect, il s’investit dans la publication des partitions complètes (y compris les ajouts que fit Offenbach pour les représentations de ses œuvres à l’étranger) et s’évertue à retrouver l’orchestration originelle du compositeur. Ainsi, même si, semble-il, il s’est vu évincé des manifestations du bicentenaire, son action à long terme, déjà hautement fondée, lui donne une prépondérance qui va persister en dépit de tous les aléas.

 

On le retrouve au théâtre de L’Odéon de Marseille, au Festival de Bruniquel qui cette année encore va se démarquer des éternelles redites avec La Princesse de Trébizonde (opéra bouffe en 3 actes de 1869) et dans bien d’autres manifestations en sa qualité de chef d’orchestre ou de conférencier… on ne dira jamais assez son implication miraculeuse qui porte ses fruits. Nous avons grâce à ses recherches et éditions des enregistrements de Die Rheinnixen (le grand opéra du maître) de trois opéras comiques Robinson Crusoé, Vert-Vert, Fantasio. Nous espérons Barkouf. Le retour en grâce de Fantasio est proprement hallucinant : le pire revers d’Offenbach, au début de l’année 1872, poursuit aujourd’hui, une trajectoire internationale éblouissante !

 

France Musique a salué ostensiblement cet anniversaire. Il convient de saluer cette juste et compensatrice initiative.

 

L’ami José Corréa aura réalisé pour moi le beau portrait de cet Offenbach des années 1878 et rédigé un texte sur ses pièces de jeunesse pour violoncelle et piano qu’il affectionne.

 
 
 
 

 

Sait-on jamais si d’heureuses surprises ne viendront pas nous consoler de ce manque d’enthousiasme officiel du pays d’adoption du compositeur, ce qui n’est pas le cas en Allemagne, où le compositeur est choyé ! ♦

 

[1] Gaîté Parisienne est un ballet composé sur des thèmes d’ouvrages d’Offenbach. En 1938, à la demande des Ballets russes de Monte-Carlo, le compositeur Manuel Rosenthal écrivit cette partition dont l’orchestration recherchée et moderne s’éloigne du style du compositeur de La Belle Hélène.

[2] Dimanche 23 juin 2019.

 
 

 
 

Vendredi 21 juin 2019

 
 

 

 

Comme un air de famille

 
 
 
 

 

En ce jour de la fête de la musique devenue un rituel plutôt tambourinant, voire assourdissant, qui se trouve être celui du départ au Parnasse du compositeur Henri Sauguet (1901-1989) il y a trente années, anniversaire auquel personne ne songe, nous fêtons le solstice d’été !

Henri Sauguet dans ses mémoires La Musique, ma vie déclarait : « Être simple en usant d’un langage complexe n’est pas facile. Il faut écouter le conseil de Rameau qui prescrivait de cacher l’art par l’art même et croire avec Stendhal que seules les âmes vaniteuses et froides confondent le compliqué, le difficile, avec le beau. »

Demain, sera l’anniversaire de la disparition de Darius Milhaud (1892-1974). Grand ami de Sauguet, il repose avec Madeleine (1902-2008), son épouse, au cimetière d’Aix-en-Provence

 

Un début de mois de juin qui accumulait les nuages : ceux du ciel avec la tempête de vent du 6 au 7 juin (coupure électrique de presque 19 heures) après une journée de pluies intenses, échanges insultants avec le jardinier, travaux qui mirent la maison sans dessus dessous, les plus cruels furent liés au décès d’Yvette Beaupuy, ma cousine, filleule de mon père que m’annonçait André Geoffre, dit Dédé, son frère, le 4 juin à 9h45, visite le lendemain au funérarium de Trélissac, et inhumation au cimetière du Change après la messe organisée par mon ex-collègue Guy Marquet et un prêtre polonais ; Marie-Annick m’accompagnait pour ces circonstances douloureuses où je retrouvais mes cousins Geoffre et Beaupuy du côté paternel.

 
 
Yvette Beaupuy, née Geoffre
 
 

 

L’après-midi du vendredi 14 nous fîmes un pèlerinage aux sources familiales, côté paternel. André Geoffre à Rozas me proposait livrets de famille et quelques nouvelles photos ; en particulier celle en très bel état d’Adrien Geoffre en habit militaire, quelques autres avec ma défunte cousine Yvette, enfin une autre avec Marissou ou Marie Geoffre épouse Leyssenot que je ne pense jamais avoir vu. Nous nous sommes rendus sur ses traces à Mayac (son ancienne ferme à ‟Loubatou”) et au cimetière où André à fait joliment recouvrir la tombe de marbre rose. La cueillette des cerises à ‟Surgeat”, commune de Gabillou, fut assez furtive vu la dégoulinante qui nous accompagna jusqu’à la fin de notre ballade. Pour autant, quelle métairie magnifique où je suis venu avec mon père, plusieurs fois, rendre visite à ces saintes gens, mon grand-oncle Arthur dit Marcel et à sa tendre épouse Thérèse Rochette-Geoffre.

 

 

 

     
     
 

L’ancienne ferme de Marie [Marissou]

Geoffre à Loubatou, Mayac

  Ex métairie de Surgeat, Gabillou
     
     

 

Dimanche 16 juin, nous fêtions au jardin, sous le parasol, l’anniversaire de Marie-Annick après une marche d’une heure et demie sur les bords du canal de Saint-Astier où se mêlaient les exhalaisons des tilleuls et du chèvrefeuille.

 

 

     
     
 
Le bouquet d’anniversaire   15 juin : une nouvelle jeunesse
     
     

 

Belle surprise mardi 18 juin en fin d’après-midi, sur le marché de Manzac-sur-Vern, un nouveau venu, prévenu par Lucette moins d’une heure auparavant, s’en venait de ‟ Fouricat ” (Salon de Vergt) pourvoyeur d’un étal appétissant. Personnage tonique et joyeux, David Hivers, installé en bio, formé chez Françoise David, anima ce marché placé sous le rare mais chaud soleil de juin. Botte gargantuesque de radis, salades voluptueuses, fèves, petits pois à cosses violettes. Intrigué et subjugué par ce coloris qui ne persiste pas à l’intérieur de l’enveloppe, je le questionne sur l’intérêt de ce coloris inusuel ; sa réponse joviale et concrète ne manquait pas d’humour : « Ramasser les petits pois est difficile tant les gousses se confondent avec la tige et le feuillage, avec cette couleur, ils se distinguent et donc je les ramasse sans difficulté ! ».

 

     
     
 
David HIVERS maraîcher du Jardin d’Hivers   Les petits-pois à gousse violette © photo Claire Lamargot
     
     

 

Le clafoutis de cerises de ce jeudi 20 juin était plus goûteux encore que celui de dimanche pour être agrémenté d’une dose de kirsch. Le repas ne fut point sans alcool comme j’en ai l’habitude. Une petite bouteille de Saint-Émilion fut concurrencée par les apéritifs confectionnés par mes cousines respectueuses d’une tradition ancestrale, vieux pineau de 2000 et un vin de noix de 2018. L’entrée était succulente, demi-melons délicieusement sucrés avec un fond de Porto blanc que m’avait ramené Marie Annick de son voyage au Portugal. Sa carte postale vagabonde a mis plus d’un mois pour arriver dans ma boite aux lettres. Pour conclure, mais inégalement, une petite goutte de gnôle de poire vint choir dans la tasse à café. Pierrette et moi commencions à gazouiller autour de cette table enfantine et colorée.

 
 
Photos de Marie Annick, Pierrette et Jackie
     
     
 
Table Arcimboldo   Mes deux cousines Pierrette et Jackie, Marie Annick
     
 
Les cousins   Joyeux triolet
     
     

 

 

Date essentielle pour moi que celle de la naissance, le 20 juin 1819, de mon cher Jacques Offenbach, à Cologne. Ce repas familial de retrouvailles avec deux de mes très charmantes cousines avait tout le charme ludique qu’implique cet anniversaire, curieusement non inscrit aux célébrations nationales !

 

Ainsi que j’écrivais ce matin à mes cousines : « Vous m’avez un peu trop gâté hier. Toute modestie dans les présents me convient parfaitement surtout si vous êtes là pour rejouer à la dînette, pleurer et rire, comme autrefois.

L’insouciance de l’enfance est très réjouissante même à nos âmes pétries d’expériences plus ou moins douloureuses.

En ce qui me concerne j’ai passé un excellent moment ; si l’éternité existe et que nos parents, grands-parents et arrière-grands-parents nous regardaient, ils devaient jubiler eux aussi !

Quoiqu’il en soit, c’est aussi en hommage à leurs efforts et à l’amour plus ou moins exprimé qu’ils nous ont offert durant tant d’années, que nous étions réunis.

Sans doute nos retrouvailles resteront pour moi comme la plus essentielle chance, pour ne pas dire la plus essentielle bénédiction, de l’année 2019.

N’oublions pas ceux qui nous ont devancés. Pensons à eux avec gratitude et tendresse : à Jean Rivière, Françoise Parcellier, Marcel, Clotilde, Mathilde, Gaston, Henri, André Rivière et encore à Andrée, Paul et Arlette, à mes parents, à notre génération et aux générations qui nous succèdent déjà et promeuvent celle qui suit ! » ♦

 

 
 

 
 


Mercredi 5 juin 2019

 
 

 

À ma cousine Yvette Beaupuy, née Geoffre

 
 
 
 

Au début des années 2000, alors que nous discourions au jardin avec le Père Pierre Pommarède et Monseigneur Jean Briquet, nous évoquions la manifestation divine par excellence, cette force spirituelle qui produit des miracles : l’AMOUR DIVIN.

 

Celle qui vient de nous quitter laissant un époux à la solitude du grand âge et une fille éplorée, est issue d’une famille que je porte dans mon cœur, je le dis en mon nom et en celui de mon père, André Joubert, que vous appeliez Robert. Par l’infinie bonté de la mère d’André Geoffre et d’Yvette Beaupuy, Thérèse Geoffre, et celle de leur père Marcel Geoffre, mon père eut un foyer de tendresse pour l’accueillir bébé, lorsque ma grand-mère le mit au monde. Notre gratitude va à ce couple qui avait placé si haut les valeurs de l’AMOUR, du respect de l’humain, malgré la grande modestie de leurs vies de métayers. Mon père adorait son oncle et sa tante et leurs quatre enfants, Marcelle Larivière, Marissou, André Geoffre et Yvette Beaupuy. André ici présent est le survivant de ce nid familial constitué de gens simples, travailleurs, accueillants et dévoués. Nous nous sommes retrouvés l’an passé avec mon cousin dans des circonstances d’épreuves répétées : sa chute et ses conséquences puis la disparition d’une merveilleuse personne, sa cousine[1], qui incarnait un Évangile au quotidien.

 

Mettons un moment de côté, notre fierté d’être des Geoffre pour saluer la filiation maternelle de cette famille, celle de Thérèse la maman d’Yvette et de ses sœurs qui toutes furent la bonté incarnée[2]. Notre cousine Yvette qui nous réunit aujourd’hui est un exemple de ces femmes belles pour s’être vouées à l’amour des autres, au don de soi.

 

 
 
Yvette BEAUPUY née GEOFFRE et le chien Perlou, Surgeat, Gabillou
 
 

 

 

Comment n’évoquerais-je pas cet ange qui depuis longtemps déjà veille sur cette famille tant éprouvée, le jeune Daniel, dont je fus le parrain de confirmation en l’Église de La Cité, qui repose avec ses grands-parents et ses parents au cimetière de Thenon. Cet enfant fauché dans la fleur de la jeunesse qui était doux et sage, attend aujourd’hui celle qui nous quitte ; Yvette était sa marraine.

 

Chère Yvette, filleule de mon père qui t’aimait tant et à qui tu rendais sa grande affection, tu ne nous quittes pas totalement, tu as ces derniers jours réuni par cette force spirituelle que je viens d’évoquer, cette vaste famille, qui sans toi ne sera peut-être plus aussi chaleureuse et lumineuse, mais qui par ton exemple peut recueillir l’inestimable don que tu lui offres aujourd’hui, celui de l’unité dans ce qu’il reste après tant de séparations et d’épreuves.

 

Je conserve le précieux souvenir d’une très jolie jeune femme, sage et pieuse ; les années ont démontré, même derrières quelques rides dues à un immense travail, à de longues souffrances physiques, à une grande abnégation, ce qu’est la vraie beauté, l’éternelle beauté, celle qui ne ressemble pas au temps des roses, la beauté qui autorise à entrer dans le royaume des Cieux.

 

À ceux qui restent et que le chagrin tourmente, à Sandrine, René, André, Lucette, Guy, mes cousins, à vos cousins, parents et amis… nous partageons votre peine mais aussi le don de tendre affection dont Yvette nous a montré la voie lumineuse, sereine, pour être d’essence divine. ♦

 

[1] Édith Pichon, que nous accompagnions à l’église de Thenon, une de nos patries, le 22 octobre 2018.

[2] Édith Pichon exemple solaire, était une des descendantes de ces sœurs.