Journal 2019 : Chant des jours [octobre 2019]

 

 
 
 

« L’écriture n’est pas un but en soi, mais une façon de chercher et de dire le sens même de la vie individuelle ou collective. »

 

Francis COMBES, Préface de Ce que signifie la vie pour moi de Jack LONDON.

 


 
 

Journal 2019 : Chant des jours [Octobre 2019]

 

 
 

 

« … J’ai cultivé moi-même mes légumes et mes fleurs, engraissé et arrosé mes massifs, désherbé les allées, scié et fendu des quantités de bois de chauffage. C’était beau et enrichissant, mais cela finit par se transformer en un pénible esclavage. Tant que c’était un jeu, j’aimais jouer au paysan, mais le jeu devenant une habitude et un devoir, le plaisir procuré disparut… »

 

Hermann HESSE, « Sur la rive du lac de Constance », Brèves nouvelles de mon jardin, Calmann-Lévy

 

 

« L’homme est trop faible pour supporter seul ses souffrances ; aussi appelle-t-il son prochain, sa mère, son dieu, à l’aide. Mais il est assez fort pour supporter seul ses plaisirs. »

 

Anarin – José Casajuana, Pensées

 

 

 

« Les disparus ainsi que l’essentiel de leur être qui nous a influencé vivent à travers nous, aussi longtemps que dure notre existence. Parfois nos entretiens et nos discussions avec eux sont plus fructueux qu’avec les vivants, et ils nous dispensent de meilleurs conseils. »

 

Hermann HESSE, « Nous avons enduré maladies et souffrances », Éloge de la vieillesse, Calmann-Lévy, 2000

 
 

 
 

27, 28 octobre 2019

 
 
 

 

Quand refleuriront les lilas blancs

 
 
 
Texte dédié à ma petite cousine Sandrine Beaupuy

 

 
 
 

 

Vendredi 25 octobre. Première de mes tournées de cimetières.

 

Redrol. Ce bout du monde, à proximité de l’Auvézère et du moulin est un Éden qui m’était inconnu de la si charmante commune du Change, où je faisais parfois halte, au gré de mes activités professionnelles, au Clos des Sapins.

 

Habitent là Sandrine ma petite cousine et son père, René Beaupuy. Jusqu’à ce printemps j’aurais pu y voir ma cousine Yvette, la si jolie rousse Yvette. La mort nous l’a arrachée en juin, un mois où l’on préfère mettre des fleurs dans ses cheveux, respirer le printemps à pleins poumons que de mourir. Car juin est le mois le plus plein d’espérance de l’année.

 

Nous fûmes sur sa tombe au cimetière à l’écart du village, non loin de la propriété de Guy Marquet et du lieu de repos de notre camarade Marc Goineau que nous accompagnions pleins de tristesse en 2016, lui qui nous avait escortés aux cuisines si longuement pour nos manifs.

 

 
La tombe Beaupuy au Change
 
 
 

 

Et puis ce fut la route le long de l’Auvézère, que nous prîmes après avoir traversé le pont de Cubjac pour rejoindre le vieux cimetière de Thenon, traversant Brouchaud et quelques hameaux où nous fûmes ralentis à deux reprises par des travaux sur la chaussée. En chemin nous fîmes halte à Surjat (commune de Gabillou) pour y revoir cette métairie où nous fûmes tous conviés comme en une fête permanente, lieu connu pour son abondante table ouverte qui débordait de tourtes, vin du pays, rillettes, pâtés et jambons… Le temps des frottes à l’ail et à la graisse d’oie sur d’épaisses tartines ; l’heureux temps de pépé Marcel et de mémé Thérèse, deux grands cœurs débordant de bonté qui furent l’indéfectible lien de cette famille que le destin avait à plusieurs reprises cruellement frappée.

 

     
 
L’ancienne métairie de Surgeat, commune de Gabillou
     
     
     

 

 

Sur le côté de cette belle demeure, voici l’ancienne maison des Berbesson, mère et fils. Inoubliable Berbesson avec son âne et ses cuites mémorables. Guy nous conta, un moment plus tard, à Rozas, quelques tours pendables qu’ils firent subir à leurs voisins : couleuvres jaunes au-dessus de la porte pour une bonne frayeur et œufs pourris au creux du lit ! Sandrine, tout en se trompant, semble-t-il, de métairie (cela se passait plus probablement ‟Au Var” commune d’Azerat) me montrait la petite fenêtre au dessus de la chambre de la grand-mère où un séduisant visiteur qui avait caché l’échelle de ses prestations nocturnes dans les orties, montait rejoindre son amoureuse, ni vu, ni connu ! Peut-être tout de même avec quelques grincements des ressorts du sommier ! C’était le temps où fleurissaient les lilas blancs et où la jeunesse égayait un peu cet univers de labeur, d’authentique simplicité.

 

 

     
 
Surgeat face à la maison Berbesson  

Berbesson, l’âne, Lucien, Lucette, Jean-claude et Daniel

©photo Éric Hoctin

     
     
     

 

Je voulus dans Thenon montrer à Sandrine la maison de la Marthe Geoffre, dans cette petite rue La Boétie fort étroite qui ne peut recevoir la visite d’aucune voiture !

 
La Maison de la Marthe Geoffre, rue La Boétie, Thenon © Jean-Daniel Geoffre
 
 
 

Je lui montrais ensuite, au vieux cimetière, la tombe des parents de Marcel Geoffre son grand-père, et de bien d’autres : d’Adrien (époux de la Marthe), d’Angèle, de Marie Rosalie (ma grand-mère), de Louise et Tata Nanie (dont personne ne sait le prénom réel). La tombe d’Adrien et de Marthe est la première de cette allée qui conduit à la vaste tombe des Geoffre et des Larivière. Ici repose un ange de 14 ans, mon filleul de communion, Daniel Larivière. Il est gardé par ses parents et ses grands-parents pour que plus jamais on ne nous le prenne. Nous pûmes immédiatement constater que d’autres venaient de passer ce dont Sandrine avait eu le sentiment dès le moment où je cherchais à garer la voiture pour accéder au cimetière. Nous ne pûmes que nous incliner devant l’harmonie des coloris choisis par nos prédécesseurs. Il est vrai que Jacqueline Larivière, que son père Lucien voulut rebaptiser Lucette, prénom qui finalement s’imposa, fut une fleuriste d’exception qui tenait boutique sur les boulevards à Périgueux, où l’on admirait autant son art des bouquets que sa juvénile fraîcheur et sa ravissante silhouette !

 

Communion solennelle de Daniel Larivière

de gauche à droite, Alain Joubert, Daniel, Jocelyne Lalbat, Guy & Lucette Larivière

 
 

 

Et bien vite, à 16h00, nous fûmes à ‟Rozas” chez André, l’oncle de Sandrine. Lucette, Guy et Annie étaient déjà installés autour de la table. Lucette et Guy sont les enfants de la sœur aînée d’André, Marcelle, épouse Larivière. Discussion à bâtons rompus, joyeuse, autour d’un pétillant de raisin et de petits gâteaux. C’était un peu comme autrefois chez les Geoffre ! Quelques photos pour marquer cette seconde rencontre non concertée à l’heure du souvenir des nôtres disparus.

 

     
 
Sandrine Beaupuy, Lucette Larivière, Annie   Guy Larivière & André Geoffre
     
     
     

 

Sandrine possède un réel intérêt pour l’histoire familiale aussi bien du côté paternel que du côté maternel. Par ses recherches elle a récupéré l’identité de la mère de Thérèse [en réalité Henriette Rochette (1899-1974)]. Celle qu’André nommait Mélanie Rochette était née Jeanne Delrieux le 8 août 1877 à Thenon et y mourut le 17 janvier 1960, seulement 14 années avant sa fille. La grand-mère d’André avait des frères et sœurs et André se souvient enfin qui sont ses cousins Delrieux de Fanlac !

 

 
 
Sandrine & René Beaupuy, Redrol
 
 

 

Retour à ‟Redrol”. Stoïque et bon enfant, René nous attendait en ce lieu où chien et chats circulent en toute liberté dans toute la pièce, afin d’obtenir un câlin, une attention, escaladant prestement un meuble pour surgir sur la table, repartir, escalader ailleurs et contribuer au ballet du chorégraphe de la gens féline ! C’est un lieu idéal pour Marie-Annick qui va vouloir y venir !

 

Si j’ai profité, pour la première fois, de la compagnie de ma petite cousine Sandrine avec un évident plaisir, qui fut très réciproque, j’ai découvert son père qui m’était vraiment inconnu l’ayant rencontré peu souvent, dans des circonstances diverses, mais la dernière fois, accablé par la disparition d’Yvette, son épouse. À 91 ans, on s’attendrait à rencontrer un homme fermé, triste, replié, ce qui se comprendrait. En réalité c’est un homme d’aujourd’hui, moderne, ouvert, communiquant et chaleureux. Je n’en revenais pas, au point où la conversation me retint longuement à ‟Redrol” et que le voyage de retour, par Bassillac et la déviation de Périgueux, se fit de nuit. J’avais des étoiles dans les yeux !

 

 
 
Sandrine Beaupuy & son oncle André Geoffre, Rozas
 
 

 

Lorsque refleuriront les lilas blancs, nous ne serons plus là ! Notre famille n’aura plus trop de retardataires pour se souvenir de ce vieux temps plein de promesses, de peines, d’affections non feintes et de chamailleries tout autant. Nous vivions à ‟Rozas” ce vendredi ce qui peut s’appeler « les derniers jours » de ce temps révolu dont nous sommes témoins et pour certains acteurs depuis des décennies. Notre tour est passé, demeure pour un peu encore le souvenir. ♦

 
 
 

 

 
 

Du 20 au 23 octobre 2019

 
 
 

 

 

Pierrette, le cœur sur la main

 
 
 

 

Il existe encore des personnes qui ont la générosité pour habitude, plus certainement par nature.

 

Nous n’avions pas, hier vers midi, pénétré dans le cimetière de Saint Crépin de Richemont, que nous l’aperçûmes, une rose à la main, pour la tombe de notre cousin disparu. Plus tard j’appris que c’était sa troisième visite de cimetières de la matinée !

 

Avec Pierrette nous pleurons ensemble, nous nous soucions ensemble ou nous rions ensemble, peut-être comme le font les enfants et les adolescents, c’est-à-dire d’un même cœur, d’un même élan. Il existe une affinité spontanée qui nous rattache tous les deux à notre commune origine, notre arrière-grand-père Jean Rivière et son épouse Françoise Parcellier, et toute leur descendance, jusqu’aux jeunes générations de cette lignée.

 
 

Pierrette Martinet, née Rivière

Les tournesols au Prat d’Eyvirat

 
 

 

Rarement, j’ai rencontré une telle empathie, en l’absence de toute militance ou appartenance religieuse, philosophique ou sociale. C’est son tempérament d’avoir un constant intérêt pour les autres, et pas uniquement ceux de sa famille, j’ai pu le constater.

 

D’ailleurs je représente un cousin éloigné, contrairement à Jacqueline Clément qui est une des filles d’une des sœurs de son père, Paul Rivière. Ma mère est née d’une sœur de leur grand-père, Marcel Rivière.

 

Il y a un an nous n’avions aucun rapport, contrairement à notre cousine Jacqueline que chacun de nous connaissait et rencontrait depuis l’enfance. Régulièrement pour Pierrette, très épisodiquement pour moi.

 

Ces retrouvailles sont comme un festin.

 

Quelle démarche riche de conséquences imprévues, lorsque je pris le téléphone en janvier 2019, pour tenter de retrouver Jacqueline Clément, notre Jackie, suite aux indications de l’artiste céramiste et peintre Colette à qui je venais de souhaiter une bonne année. Je croyais que Jean-Pierre Clément était peut-être le fils de Jackie et j’espérais qu’il allait me donner ses coordonnées. Mais ce fut elle, en personne, qui répondit, pas qu’un peu surprise de mon appel. Sans doute le ciel que je conspue, m’invite encore assez souvent par de subites inspirations à faire quelque chose que je n’avais ni planifié, ni envisagé.

 

Jackie ne semblait pas déçue de mon appel, mais sans doute ne m’attendais-je pas le lendemain à celui d’une autre cousine mise au parfum, comme on dit, de ce coup de fil inattendu.

 

 
 
Christiane Rivière & sa fille Pierrette Martinet
 
 

 

Bien sûr j’avais vu Pierrette, pas seulement elle d’ailleurs, lors d’obsèques familiaux, probablement ceux de ma grand-mère Clotilde, sa grand-tante, de mon père, de notre cousine Andrée Girardeau, sœur aînée de son père Paul Rivière et enfin celui de ma mère, en 2010. Nous étions moins présents, pour ne pas dire totalement absents aux départs des leurs. Et elle eut raison de dire que nous ne prêtions pas la même attention à sa famille directe, qu’eux le manifestèrent pour la nôtre. Nous n’y mettions pas d’intention maligne, mais une méconnaissance, en ce qui me concerne, moins pour ma mère sans doute, de leurs vies. Pour Paul et Christiane c’est tout de même de grandes et violentes injustices, et avec le recul, je ne peux qu’en éprouver une grande tristesse et même de la honte. Je ne souhaite pas contourner ce fait pour me défausser. C’était stupide et moche surtout lorsqu’on s’aperçoit de la richesse et de la force de notre relation actuelle.

 

Pourquoi s’être privé de ce qui me régale aujourd’hui ? Je conçois volontiers que certains autres, de la descendance de Paul, moins spontanément généreux que Pierrette puissent en éprouver quelques doutes et peut-être manifester une sorte d’indifférence… après tant d’années de vacuité.

 

Aujourd’hui j’espère que ce ne sera plus le cas, ayant repris contact par son intermédiaire avec ses frères, ses neveux et petits-neveux, la très jeune génération Rivière. Par contre de ses sœurs j’ignore presque tout et ne les ai pas revues ou vues encore.

 

On est toujours surpris de voir arriver un « cousin » au seuil de la vieillesse, surgissant comme un zébulon hors de sa boite. Ce genre de retrouvaille advient en principe nettement plus tôt !

 

Si j’étais heureux de son geste plus audacieux encore que celui qui me fit sonner chez Jackie, je n’imaginais pas du tout la vraie relation, riche, dense et affective qui allait si rapidement s’instaurer, effaçant tant d’années d’ignorance.

 

Cela aurait pu déboucher sur une relation comme nous en avons souvent, relativement distante mais pleine de sympathie. Nous retrouvons ensemble le goût de la famille, de la vaste famille depuis les dernières décennies du XIXe siècle, une sorte d’affection pour ce monde disparu, mais qui eut une existence bien réelle. Nous serons bientôt comme eux oubliés dans la généalogie familiale. Qu’importe, nous nous serons souvenus, presque toujours pour aimer et avec gratitude.

 

     
 
Patrick & Céline, les enfants de Pierrette et Jean-Pierre Martinet   Pierrette et ses neveux, Alexandre & David Rivière
     
     
     

 

Son intérêt pour les enfants de ses frères et sœurs pourrait être une conséquence de son désir d’être utile, puisque ses deux enfants, Patrick et Céline sont épanouis, charmants et réussissent parfaitement leurs vies. Ne parlons pas d’Ilana et d’Orane, les filles de Céline et Damien qui sont deux merveilles, très différentes de goût et d’intentions pour leurs vies adultes. L’une sera sans doute une sportive accomplie, la plus jeune semble destinée à l’écriture. Patrick marié à Véronique, cantatrice, vit le parfait bonheur.

 

Nous avions fait le pèlerinage jusqu’au petit cimetière de Colombier après avoir suivi les étapes du chemin de croix de Paul qui est aussi celui de Christiane. Je raconte ce douloureux moment dans Le chemin de croix de mon cousin, Paul Rivière, un texte de mars 2019. Ce fut un choc troublant pour moi qui ai eu à cœur tout au long de ma vie professionnelle de tenter de protéger les salariés. Mais il est vrai que le domaine agricole était en ces temps-là sous la coupe d’une Inspection du Travail dédiée dont on sait ce qui contribua probablement à sa fin, le double crime de Saussignac. Les collègues de ces malheureux vinrent en nos murs où j’étais chargé de les accueillir.

 

La dure loi du travail, où le salarié est trop souvent maltraité, voire même traité comme du bétail, que le Libéralisme macronnien rend insupportable, excluant presque toute défense légitime.

 

Aucun doute possible pour moi, ce lien familial mis si longuement sous le boisseau, à deux doigts même de n’avoir jamais eu d’existence, qui s’est développé si rapidement et généreusement restera l’évènement majeur et ensoleillé de l’année 2019. « Que du bonheur ! » dirait avec son sourire radieux Cédric Burgos. ♦

 
 
 

10 & 17 octobre 2019

 
 
 

Anniversaire de Jacqueline Clément, ma cousine

 
 
 

De cette année 2019, je garde précieusement, la résultante de mon initiative de reprendre contact avec ma cousine Jacqueline Clément qui finalement m’émerveille plus encore qu’à 17 ou 18 ans ! Elle a certainement hérité des Rivière la volonté de mettre la tête hors de l’eau et la rigueur de s’en donner le pouvoir, mais sans doute tient-elle plus certainement de Françoise Parcellier, dont ma mère, qui l’a assez peu vue et connue, disait cependant qu’elle était une sainte.

 
 
Jean-Pierre, Laeticia, Jackie, 1970
 
 

 

Son veuvage est une cruelle épreuve, car il y avait une unité rare dans le couple qu’elle formait avec Jean-Pierre. Couple fait de deux êtres discrets, mais déterminés à réussir ensemble une vie pleine de sens. À voir l’attachement que lui portent ses deux filles, on devine que l’attention et la tendresse qu’elles donnent à leur mère résultent de ce qu’elle leur a offert de gage de réussite et d’aptitude au bonheur. Dans cette famille, il y avait un père étonnant, maître ouvrier, mais d’une tempérance et d’une hauteur d’esprit données à peu de personnes. Nous regrettons tous son départ, peut-être plus moi encore qui n’ai pas eu l’opportunité de le connaître et de l’apprécier comme tous les autres membres de la famille qui l’évoquent toujours avec beaucoup d’émotion.

 

 
 
Jean-Pierre, Marion, Jackie, Yoann, 2003
 
 

 

Ma chère cousine débute une nouvelle vie, entourée de l’amour de ses filles et petits-enfants dont elle ne peut qu’être particulièrement fière et je sais qu’elle l’est.

 
 
Laeticia, Jackie, Sandrine, 2019
 
 

 

Nous nous sommes retrouvés pour poursuivre le chemin qui reste, moins seuls, solidaires. Nous formons Jackie, Pierrette et moi, un trio inattendu mais toujours prêt à faire surgir la bonne humeur, la joie et l’affection pour compenser ce que les années nous ont pris.

 

Je suis très heureux de compter au nombre de ceux qu’elle a choisi d’inviter pour fêter son anniversaire, car même si nous nous sommes assez peu rencontrés au fil des ans, il existe depuis toujours une indéfectible affection entre-nous et de ma part une très vive admiration. Ce que Jackie a fait de sa vie est exemplaire. Son parcours donne raison à Jean Rivière et à Françoise Parcellier de s’être battus pour une descendance qui leur fait grand honneur. ♦

 
 
 

 
 

 

Samedi 5, mercredi 9, vendredi 11, samedi 12 octobre 2019

 
 
 

Clément et son stand sur le marché de Mussidan

 
 
 
     
     
 
La Crempse traverse Mussidan   Souvenir de la Félibrée de 1985
     
     

 

 

Ce matin, Michel de Saint Géry se tenait à la droite de Clément sur le marché de Mussidan. Il y a bien longtemps que je rencontrais Michel pour la première fois ; son jardin à ‟La Contie” était une vraie vitrine magique de ce que la nature offre, en bio, comme diversité et en richesse de coloris. C’est chez lui que je trouvais mes premières tomates blanches ramenées chez moi comme des trophées. J’aurais parié que Clément était un de ses fils cachés tant il y a de filiation dans l’émerveillement qui habite l’un et l’autre. Mais à sa gauche, très fière de son fils, se manifeste une mère qui soutient pleinement ses choix. Voilà qui est assez inusuel pour que l’on doive le saluer.

Mussidan s’honore de quatre stands bio.

 
 

 

 
 
Clément Dubreu, sur le marché de Mussidan
 
 

 

 

 

 

 

 

Ce qui étonne chez le réservé Clément, c’est son succès. Il me voit pour la troisième fois et déjà, il a un geste amical de bienvenue ; de toute évidence, ses clients l’apprécient, il semble être l’enfant chéri de ce marché. Ce marché, comme tous les marchés réunit les retraités du secteur. Pour autant, ce sont aussi de jeunes couples avec de petits enfants qui viennent le saluer, l’embrasser, lui faire une visite avec une évidente joie.

 

     
     
 
     
     
     

 

Son étal est assez restreint mais de très haute qualité : des carottes traditionnelles et des jaunes trapues, d’énormes choux-fleurs, des salades rutilantes, des aromatiques en opulents bouquets : persil frisé, plat, aneth, thym, romarin, coriandre ou fines herbes. Au-dessus, s’alignent les eaux florales, les petits flacons d’huile essentielle de lavande, des sachets de plantes aromatiques et médicinales séchées. Tout cela est soigneusement présenté, aligné, et on l’imagine sans peine préparé avec le plus grand soin. Surprenant personnage, qui semble hors du temps, orfèvre dans sa spécialité, son banc atteint une sorte de perfection, où l’on devine aisément la passion, une forme de délectation.

Timide dit Alaric – qui lui l’est si peu –, non, je ne crois pas que ce soit le mot juste. Humble, avec une âme d’enfant, sûrement. Il manifeste une forme de grâce, syncrétisme de sourire et de silence, révélant une incontestable spiritualité. Nous avons à faire à un être pur, heureux de ses options, de son activité. Adieu civilisation cynique, avide de consommation stupide. Il a fait le choix résolu d’un mode de vie idéalement modeste. Comment ne serait-il pas adepte de la décroissance heureuse ? En tout cas, il en donne l’exemple en se déplaçant avec une bicyclette électrique et une remorque. On reste admiratif, confondu devant une telle authenticité. ♦

 

     
     
 
Le port de Mussidan sur l’Isle autrefois  

L’Isle aujourd’hui recevant son affluent, La Crempse

 

     
     

 

 
 
 

 
 

Samedi 5 octobre 2019

 
 
 

 

Les dernières heures de Jacques Offenbach

 
 
 
 
 

Bronze de Jacques Offenbach (1819-1880)

Cimetière Montmartre, Paris

 
 

 

Nuit du 4 au 5 octobre qui, en 1880, voyait Jacques Offenbach disparaître. Il quittait ce monde qu’il avait fait danser, rire et s’émouvoir durant des décennies. Le 30 octobre suivant, au théâtre de la Renaissance (Léo Delibes ayant achevé l’orchestration de cet opéra comique en 3 actes), est représentée Belle Lurette une partition charmante où tout l’art du compositeur se retrouvait. Le 10 février 1881, l’Opéra Comique à Paris affichait une version réorganisée par Ernest Guiraud des Contes d’Hoffmann. Ce fut l’absolue consécration, cette fois définitive dans ce théâtre où Offenbach désira toute sa vie se faire jouer.

 

 

 
 

Tombe de Jacques Offenbach à Montmartre

Fin des années 1970 

 
 

Jean-Christophe Keck aura réussi à exhumer toutes les œuvres majeures du compositeur pour les théâtres de l’Opéra ou de l’Opéra Comique : Barkouf, Die Rheinnixen, Robinson Crusoé, Vert-Vert, Fantasio et pour Les Contes d’Hoffmann une version amplement révisée avec la découverte de manuscrits autographes du compositeur. Offenbach a un sauveur, même si le bicentenaire n’a pas été salué à la hauteur qu’il méritait, aucune parution d’un enregistrement d’une œuvre majeure du maître ; il est vrai qu’il y en a tant qui attendent d’être révélées au public. Gravement atteint par la goutte, très affaibli, Offenbach avait cependant livré trois autres chef-d’œuvres, Maître Péronilla et Madame Favart, en 1878 et La Fille du Tambour Major, en 1879. ♦

 
 

 
 
 

Jeudi 3 octobre 2019 

 
 

Méditation sur la vieillesse

 
 
 

Sans doute a-t-on le temps de la voir élaborer son œuvre de destruction et parfois instiller la sagesse qui manquait aux années de vitalité, d’expériences répétitives, d’énergies dilapidées.

 

L’homme renonce difficilement à son délit de fuite en avant. La griserie de la vitesse perd ses droits lorsque les forces reculent. Cet effritement, cette usure se produit souvent insidieusement, on s’habitue à être moins que ce que l’on était, jusqu’à être l’ombre de soi-même. J’en connais qui à près de cent ans ne lâchent pas prise, considérant que cette volonté farouche fait obstruction à ce qui ruine les autres et effectivement, sauf accident de santé majeur, les emportent avant soi. D’autres prennent la résolution de s’effacer doucement comme la nature le fait au cours des saisons, se couvrant de silence, pour finir le cycle de l’existence en union avec le cosmos environnant. La vanité humaine invite à faire face et à compenser les avanies de l’âge, la simplicité et l’humilité à se fondre au sein de ce qui nous entoure et nous ressemble. Sans doute le choix est difficile et on n’est jamais certain d’avoir choisi la bonne voie.

 

 
 
 
 
 

« Nous avons enduré maladies et souffrances, la mort nous a enlevé quelques amis ; elle ne s’est pas non plus contentée de frapper du dehors à notre fenêtre, elle a fait son travail en nous aussi et progressé. La vie qui paraissait autrefois évidente s’est muée en trésor toujours menacé. Ce bien que nous pensions naturellement posséder semble à présent nous être alloué pour une durée incertaine.

Cependant ce prêt assorti d’un délai de résiliation indéterminé ne perd pas pour autant de sa valeur. La menace qui pèse sur lui le rend plus précieux encore. Nous aimons la vie aujourd’hui autant qu’hier et désirons lui rester fidèles pour l’amour de la passion et de l’amitié qui, comme un vin noble, gagnent en profondeur et en qualité avec les années au lieu de s’affaiblir[1]. » ♦

 

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[1] Hermann Hesse, « Nous avions enduré maladies et souffrances », Éloge de la vieillesse, Paris, Calmann-Lévy, 2000, p. 172.