Roselyne Bordas fête son départ à la retraite

Roselyne bordas et l’actuel RUT (Responsable d’Unité Territoriale) ou Directeur départemental du travail,

©Photo Roselyne Bordas

 
 

Le 27 novembre 2018, Roselyne Bordas nous réunissait pour fêter son départ à la retraite

 
 
 

 
 
 

 

Chère Roselyne,

 
 

En t’observant si fraîche et charmante, je pourrais vouloir adhérer aux idées de mes ennemis de classe, soit être favorable à un départ à la retraite à 70 ans !

Mais ce tout début d’une nouvelle vie mérite aussi ces critères de jeunesse et de grâce qui t’ont toujours définie, en dehors d’une gentillesse exceptionnelle dont personne ici ne niera ce qu’elle a représenté pour nous tous comme bienfaits.

Ce sourire qui a débuté professionnellement à la Cité Administrative, s’est maintenu cours Fénelon, puis rue de Varsovie et s’achève, avant bientôt des destinations rognées et incertaines, rue de la Cité.

Depuis toujours nous nous sommes admirablement entendus, même sans beaucoup de mots, c’est ce qu’on appelle une authentique complicité, que ce soit dans les sombres moments comme dans ceux qui furent studieux, parfois harassants, drôles, heureux ou réjouissants.

Lors de cette traversée professionnelle, qui fut pour moi d’une importance capitale, j’ai pris conscience de l’exploitation honteuse des travailleurs et j’ai rencontré des personnalités inspirantes dont certaines, comme tu le sais, ont eu une grande influence sur moi, sur toi certainement aussi. Quelle opportunité que ces rencontres ! Nous ne pouvons citer toutes ces personnes que nous avons eu la joie de rencontrer tout au long de nos parcours, certaines sont allées poursuivre leur vie dans d’autres lieux… Et il y a toi, chère Roselyne, compagne de tout un parcours avec ses peines, ses espérances, ses petits bonheurs et ce goût d’être à l’écoute des autres, des moins chanceux, d’être au service du public.

À l’évidence, nous étions deux fonctionnaires de tempérament artistique. Toi dessinant, peignant, réalisant de somptueux pastels dont l’un orne mon séjour, moi pour découvrir des talents et participer à leur essor en musique, en peinture…

     
     

 

 

Tu te souviens sans doute des portraits de compositeurs que tu réalisas pour nos éditions : ceux de Darius Milhaud, Francis Poulenc, Jacques Offenbach, Louis Aubert, Alexandre Tansman, les aquarelles délicates et le portait d’Henri Sauguet et d’un de ses chats… Tu as collaboré avec un grand violoniste, Alexis Galpérine, qui possède une plume somptueuse, digne de son arrière-grand-père, Léon Bloy, un périgourdin dont nous fêtions à la bibliothèque Pierre Fanlac, à la même époque l’an passé, le centenaire de la disparition. Ce portrait de Georges Auric est désormais en ligne sur notre site des Amis de la musique française devant le texte d’Alexis évoquant celui qui fut, à 17 ans, dans l’intimité du vieil écrivain et assista à sa mort.

Lorsque je fus immobilisé à la Saf, après tant d’années à sillonner le département en inspection et plus encore au contrôle des demandeurs d’emploi, nous avions pour habitude d’occuper au restaurant administratif, une petite table pour deux, y prenant donc notre repas de midi dans une hilarité propre à suffoquer et irriter l’ensemble des habitués se trouvant dans la tourmente des réformes de l’état sarkoziste et dont parfois le morne silence était assourdissant.

Malgré tout le désagrément que nous inspiraient ces mesures promulguées sans élégance, notre complicité nous autorisait le goût des plaisanteries, des anecdotes, des fous rires… et Dieu sait si tu étais bon public, riant généreusement à toutes mes âneries surréalistes. De cette dérision qui me fait le complice d’Offenbach qui avait pu s’autoriser à se moquer de tous les pouvoirs avec tant d’impertinence et de drôlerie, tout en ayant des relations avec l’Empereur et plus encore avec son demi-frère, le duc de Morny, brièvement ministre de l’intérieur, qui fut le rédacteur du livret d’une de ses œuvres brèves, Monsieur Choufleuri restera chez lui le… une satire burlesque des vanités bourgeoises. Je doute que l’on puisse s’attendre à une collaboration aussi impertinente et cocasse de nos deux récents ministres de l’Intérieur !

Mon propre départ à la retraite, début juillet 2010, nous fit dire : « Adieu notre petite table », ainsi que Massenet le fait chanter douloureusement aux protagonistes de son opéra Manon. Alors, Agria lui trouva un autre usage : cette table accueillit le sel, le poivre, la moutarde… qui sont là pour mettre un peu de piquant dans les assiettes de nos collègues qui ont bien des soucis à se faire pour leur avenir.

Dès lors, puisque tu quittes cette maison, où nous avons laissé beaucoup de notre temps, de notre labeur, de notre passion, il me faut espérer te retrouver comme artiste peintre, pastelliste dans la jeunesse de tes années de liberté.

 
 
   

 

 
 

Je sais que tes fils et tes petits-fils font ta joie, et j’espère qu’ils savent l’immense chance qu’ils ont, ainsi qu’Alain, d’avoir une fée à leurs côtés qui veille amoureusement sur eux, car je crois bien que c’est l’amour qui conduit tous tes pas, ta lumineuse manière d’être avec les autres.

 

Que ce jour s’ouvre donc sur le temps de l’accomplissement de ce que tu portes de plus précieux en toi : savoir Aimer ! Que les années qui sont devant toi te trouvent comblée par la beauté de cette vocation supérieure à tout autre. □

 
 
 
     
     
Départ à la retraite de Roselyne Bordas, novembre 2018 © Photos Roselyne Bordas
 
 

À Roselyne Bordas, 23 février 2010

 
 

Quand je ne serai plus là et que tu marcheras seule

Vers la table des modestes agapes,

Tu te diras « il fut un temps où j’y allais avec un vieux

Si jeune d’esprit que je me croyais encore à la maternelle,

Lorsqu’aucun souci ne pesait aussi cruellement sur mes épaules,

Ni le souci de mon frère, ni celui de mes sœurs,

Pas plus que celui de mes enfants ou de mes parents. »

Qui fait que nous soyons désarmés, jusqu’au jour ultime

À changer nos destins et ceux de nos comparses ?

Les jours s’égrènent, rien ne change,

Seule notre apparence décroit et s’effrite.

Et nous partons ainsi, mine de rien

Après avoir cheminé si longuement côte à côte,

Comme si tout cela ne fut jamais réel,

Seulement un peu ou quelques fois.

Qui s’en souviendra, lorsque les mauvaises saisons

Avec constance auront soufflé sur le souvenir

De ce qui fut, qui n’est plus et ne reviendra pas ?

 

Et que trépas survienne, saura-t-on même encore

Que ce temps si long et court en même temps

Fut tout notre quotidien, notre histoire.

Celle des marcheurs gourmands et complices.