Pardon & bienveillance

 
 
 

 

Vendredi 30 & 31 août 2019

 
 
 

Chemin d’automne

 
 
 

Texte dédié à Arnaud

 
 
 

 

Un peu solitaire, hier, j’ai suivi un chemin d’automne, le long du canal. La voie est jonchée de feuilles jaunies qui ont chuté des colossaux tilleuls que d’accablantes chaleurs ont assoiffés.

 

La journée aurait pu être banale : marché de Saint-Astier, marche, lessive, vaisselle… si ce n’étaient mes rencontres avec Alonzo, un octogénaire en forme mais que les mensonges de la devise française exaspèrent : Liberté, égalité, fraternité. Comment ne pas partager son sentiment d’indignation en observant cette royauté française de quincaillerie où ont cours toutes les inégalités sous couvert de beaux discours narcissiques ?

 

Mais au-delà de ces rencontres irrégulières, ce fut un coup de fil inattendu qui en a changé la monotonie prévisible.

 

J’avais emporté une languette avec un numéro de téléphone lors de ma dernière visite à la Vie Claire de Chancelade : « JH, cherche heures de ménage… », ayant laissé un message tardivement dans la soirée, le téléphone était demeuré muet sur cette recherche d’emploi durant une semaine.

 

Dans le milieu de l’après-midi le téléphone sonne, d’abord je ne saisis pas bien qui s’adresse à moi, puis je comprends que cet appel fait suite au message que j’avais laissé sur un répondeur.

 

Ce jeune recherche des heures de ménage, d’aides aux familles, il est originaire du nord de la France, est passé par Limoges où il a rencontré Erwan et a milité auprès d’Asselineau. On entend bien, que si ce dernier dénonce les dérives politiques actuelles, il reste dans l’ancrage capitaliste qui autorise la bourgeoisie à vivre plutôt bien grâce à la sueur, voire au sang des exploités. Malgré l’honnêteté affichée de ses propos, je préfère, on l’a compris, non pas miser sur une gauche qui nous a comblés, jusqu’à nous en rassasier, de mensonges et de trahisons, mais sur une forme marxiste, écologique, humaniste de gestion de la vie publique et politique. Si la bête immonde est au pouvoir, c’est grâce à l’arbitrage d’un incapable socialiste notoire.

Chez mes anciens amis Mormons comme chez les nouveaux, on note une contestation des gouvernances de Macron et de Trump, mais l’aversion communiste est toujours sous-jacente. On ne donne pas à Karl Marx ce qu’il faudrait retirer à Jéhovah (même s’il n’a pas d’existence prouvée) et à ses sbires (que nous connaissons souvent que trop bien). Non que je souhaite défendre les aberrations nées sous label communiste, bien que totalement éloignées de l’idéologie Marxiste. Où est Marx chez Staline, Mao… ?

 

Pour autant et très vite j’ai deviné, et pour cause, chez Arnaud, une appartenance spirituelle, et ô surprise, elle est mormone, non de conversion récente, mais de tradition dans une famille certes séparée mais qui avait fait ce choix.

 

La propriétaire de la Vie Claire m’avait recommandé Arnaud et sa mère et elle ne disait que la vérité. Je conteste l’institution Mormone  et son management capitaliste qui serait au-dessus de tous reproches (comment est-ce possible ?), le conformisme de ses membres qui ne sont jamais révolutionnaires ou insoumis (pour la majorité en tout cas), ne présentant donc aucun danger pour le système d’exploitation actuel, sauf si leur nombre et leur pouvoir devenaient plus conséquents. Leur rectitude et leur intransigeance plongeraient alors dans les gouffres infernaux toute notre racaille politicienne. Le « Mormon » aime la probité. Cette ligne de clarté, de limpidité, de dignité est même assez unique dans une organisation qui a aussi remarquablement réussi.

 

En tout cas, la discussion avec Arnaud qui s’est plutôt orientée sur l’Église, son actuel président et ses réformes qui pourraient me séduire, ses rencontres avec mes amis d’autrefois, la famille Garant, Camille Bertrand, Christian Euvrard, Neil L. Andersen qu’il a vu à Bordeaux récemment, fut passionnante. J’ai beaucoup parlé de Randall K. Bennett, car si pour lui rien ne m’a été « révélé », j’ai toujours eu un immense respect pour ce garçon qui incarnait une authentique élégance morale. Depuis 1975, il ne devait, sans doute, pas être seul à réunir autant de qualités justifiant d’accéder au rang de l’élite de l’Église. Et cependant, sans m’avoir consulté, l’Église a appelé Randall à de hautes responsabilités, dans le Conseil des Soixante-Dix !

 

La gentillesse, l’écoute et l’ouverture d’esprit de ce garçon m’ont déconcerté et rendu heureux. L’institution et ses excommunications foudroyantes, la vindicte de certains membres agités du casque sur le dissident ou l’apostat (?) confortent l’image de secte trouble que les associations anti-sectes ne manquent pas de relever et de mettre au discrédit de l’institution. Son expérience familiale conduit Arnaud à avoir une réflexion approfondie et utile. Son père a été limogé, ce qui est ressenti comme particulièrement humiliant et détestable (je me sens solidaire avec lui !). Dans mon cas, même si le mot excommunication a été prononcé c’est moi qui ai demandé à quitter l’Église. Le ressenti est fort différent. Ce sont eux qui auraient pu s’effaroucher du camouflet et en ressentir une souffrance, d’autant que ma demande était explicite et détaillée sur un grand nombre de points de doctrine avec lesquels j’étais en désaccord. C’était bel et bien un désaveu. D’où sans doute la « gueule » que me fait depuis 1977, Neil L. Andersen, tellement convaincu que l’on pourrait croire qu’il est le fondateur de l’institution ! L’offensé au nom de toute l’Église ne pardonne pas. En ce qui me concerne, même si je trouve son attitude stupide, je lui pardonne de se montrer assez peu chrétien, ce qui est plutôt grotesque pour un apôtre, me semble-t-il !

 

Si j’avais un conseil à donner aux dignitaires de l’Église ce serait d’en finir avec cette chasse aux sorcières dans laquelle ils se taxent eux-mêmes de sectaires. Il serait plus judicieux de créer une sorte d’association de sympathisants, d’amis de l’Église qui bien que non membres ou anciens membres, éprouvent une certaine sympathie pour ses principes, sa haute moralité, sans adhérer à toutes ses exigences. Dans l’éternité on attribuerait des strapontins de consolation à ces demis ou quarts de Mormons !

 

Si tout le monde avait l’ouverture d’esprit d’Arnaud, l’Église aurait beaucoup plus de sympathisants. Il accueille l’autre avec respect ce qui est une des plus essentielles qualités d’un authentique chrétien. N’est-ce pas déjà extraordinaire, qu’un ancien membre, bien que non crédule, puisse conserver autant d’estime, de sympathie et d’amitié, pour une institution qu’il ne considère plus comme sienne ? Nous sommes tous en recherche de plus d’altitude dans un monde qui se disloque et où les idées et les pratiques les plus délictueuses ont cours.

 

Il faudrait bien que les justes, même s’ils n’arborent pas tous le même drapeau, finissent par s’unir pour combattre la horde luciférienne qui détruit la planète et ses habitants, sauf à Jéhovah de revenir enfin mettre de l’ordre dans cet abominable lupanar ! ♦