Mon frère, Blaine A. Mero

 
 
 

Mardi 17 septembre, dimanche 22 septembre 2019

 
 
 

Mon frère, Blaine A. Mero

 
 
 

 

 

Tout récemment je recevais de Blaine A. Mero, une jolie carte par voie postale avec ces simples, mais très explicites mots : Jean Alain, I love you and wanted you to know, Blaine.

 

S’il y a quelqu’un de véritablement gentil au monde c’est Blaine. Comme mon merveilleux grand-père et parrain, voilà les deux plus aimables personnes que j’ai eu la chance de rencontrer dans ma vie. Sans doute, est-ce la résultante de l’amour des autres qui les anime. Les hommes en général sont peu disposés à la tendresse, elle m’échappe, alors que Blaine l’exprime en permanence. Il suffit d’observer la foule d’amies qui l’entourent de leur affection. De celui-ci on se souvient, il ne s’oublie pas en vertu de l’excellent souvenir qu’il laissa à Périgueux, mais encore en raison  de son affectueuse fidélité au cours du temps qui vient de s’écouler fort libéralement : quelque chose comme quarante trois années.

 
 
Blaine A. Mero, 1975
 
 

 

La maladie le retient par des soins contraignants[1] en Alaska où il travaille et réside, sinon il serait revenu ici semer encore, avec son sourire enfantin, mille graines d’attention, de bienveillance et de bonheur.

 

Périgueux fut sa première affectation lorsqu’il arriva en France. En général, ce n’est pas le lieu préféré des missionnaires, à cette époque en tout cas, car à la fin des années 60, une apostasie initialisée par les missionnaires de Périgueux avait eu un impact sur les missionnaires et les membres de toute une partie de France. Un apôtre fut dépêché qui procéda à un grand nombre d’excommunications ! Être affecté à Périgueux avait, comme l’avoue Guy Moran, un goût de punition !

 

Blaine en eut une toute autre vision. Ainsi il m’écrivait récemment : « Tu es, mon ami, l’un des hommes les plus gentils que je connaisse et je suis tellement heureux que tu aies été à Périgueux quand j’y étais. C’était ma première ville et ma préférée de toute ma mission. Nous avons noué des liens avec les autres Anciens et les membres de la branche. C’était une période merveilleuse… »

 

     
     
 
Impasse Michelet, Périgueux, 1976   Blaine à Périgueux, 1976, avec une de ses réalisations
     
     

 

Pourtant, fin décembre 1975, mon retour de mission à Périgueux n’était sans doute pas exaltant pour les missionnaires affectés dans cette ville. Je ne répèterai jamais assez que ce ne sont pas les conditions de vie d’un missionnaire qui peuvent en expliquer les raisons, mais un très défectueux fonctionnement hépatique, que le Professeur Traissac de Bordeaux (spécialiste des voies digestives) allait détecter et soigner efficacement durant l’année 1976. En tout cas pour Blaine Mero et Wallace Taylor le spectacle d’un garçon de 28 ans totalement épuisé et ne pesant que 35 kgs n’avait pas de quoi les stimuler dans leur propre engagement. Pourtant, ils furent tous les deux pleins d’attention pour moi et assez vite je repris possession de ce corps délabré, par contre une amnésie substantielle demeura. Les autres missionnaires, dont Bruce Beamer, furent aussi attentifs et bienveillants, mais moins proches.

 

 

 

Blaine était comme moi nettement plus petit que nos amis américains dans leur large majorité, il était canadien et ressemblait plus à un adolescent qu’à un jeune adulte. Il avait un beau sourire enfantin, plein de bonté, dont il ne se départait jamais. Il vous accueillait toujours ainsi, comme seul un enfant ravi de vous voir peut le faire. Il fut le bon ange de mon retour qui se fit dans un certain désarroi (général pour tous les ex-missionnaires dont le changement complet de rythme de vie réclame un temps d’adaptation). Quand le soutien d’une bonne vitalité n’est pas là, c’est d’autant plus difficile.

 

 
 

1976, pique-nique aux Petites-Brandes, Coulounieix

avec Christine Jensen, Caroline Subrenat, Blaine Mero, Wallace Taylor, Bruce Beamer…

 
 

 

Nous eûmes vite un point commun, notre admiration pour Randall K. Bennett devenu un des Assistants du Président de la mission française de Toulouse et que pas un seul missionnaire n’eut apprécié d’avoir pour compagnon de travail. De par son humilité, sa discrétion, sa bienveillance, sa courtoisie, Randall incarnait l’exemple idéal d’un missionnaire de l’Église de Jésus Christ des saints des derniers jours. Lorsque Randall et mon ultime compagnon à Toulouse, Jeff Smith (un garçon très sympathique), devenu le sien, venaient soutenir l’équipe de Périgueux, j’avais droit à une petite visite de réconfort comme en atteste quelques photos.

 

     
     
 

Visite des Assistants : Jeff Smith, Randall Bennett

Les missionnaires de Périgueux

 

Président Broschinsky et un groupe de missionnaires

dont Blaine Mero et Bruce Beamer

     
     
     

 

Je me souviens que Blaine parlait avec passion de ses expériences d’acteur dans les ateliers d’étudiants, il possédait un tempérament affectif et artistique. On sentait son puissant désir d’être aimé et il l’était. Il avait en plus un superbe coup de crayon et il réalisa toute une série de panneaux pour faire connaître l’Église sur le motif très porteur à l’époque d’Astérix et Obélix. C’était un beau travail dans le style de celui que nous avions réalisé, fin 1974, à l’occasion de la Foire Exposition de Bayonne avec mon compagnon, Chris Breivik, qui lui aussi ne jouissait pas d’une excellente santé. Mais cette fois, c’était la créativité et les qualités graphiques de Blaine qui firent tout l’intérêt de cette réalisation. Les tableaux furent exposés sur les boulevards de Périgueux et permirent aux missionnaires de parler de l’Église avec les périgourdins, en dehors de la contrainte formelle du porte à porte, froide et assez rébarbative. C’était, je trouve, une approche avenante et intelligente.

 

         
         
   
 
Présentations de l’Église avec les dessins de Blaine Mero, Blaine et Wallace Taylor, en direct sur les boulevards à Périgueux, 1976
         
         

 

Avec le départ de Blaine, les discussions que j’avais avec Thierry Naudou, mon collègue de bureau, les lectures de Hermann Hesse et de Jiddu Krishnamurti, m’éloignèrent ostensiblement de l’Église qui ne répondait pas ou plus à tous mes questionnements. Certes Blaine en fut témoin, mais jamais son affectueuse amitié ne me fit défaut et demeure à ce jour intacte. Il est avec Guy Moran mon plus fidèle ami rencontré grâce à l’Église. On oublie trop souvent la qualité de ces rencontres inattendues, improbables qui jalonnent toute une vie, plus encore, bien entendu, lorsque toute notre vie se construit dans l’appartenance à l’Église.

 

Pour évoquer vraiment Blaine, je crois que rien de plus évocateur n’a été écrit que ce qu’il affichait tout récemment sur sa page Facebook, sous la plume de Christophe André :

 

« Je crois en une contamination de l’amour, de la bienveillance, de la douceur et de l’intelligence. Chaque fois qu’on pose un acte de tendresse, d’affection, d’amour, chaque fois qu’on éclaire quelqu’un en lui donnant un conseil, on modifie un tout petit peu l’avenir de l’humanité dans le bons sens[2]… » ♦

 

[1] Message de Blaine du 16 septembre 2019 : « Ma santé est stable en ce moment. Je vais à Seattle pour voir mon oncologue et d’autres médecins à la fin du mois d’octobre et j’en saurai plus à ce sujet. Je ne sais pas trop à quoi ils pensent car je ne les ai pas vus depuis 6 mois, mais je me sens plutôt bien et je travaille à temps plein, en prenant un jour à la fois. »

[2] Christophe André, Matthieu Ricard, Alexanre Jollien, Trois Amis en quête de sagesse, L’Iconoclate, Allary Éditions, 2016.