CARNETS à l’encre violette

 
 
 
 
 
 
 
 
 
Fleur de Chicorée sauvage © Photo de Laurent Bessière
 
 
 
 
 

Carnet des jours de printemps

 
 
 
 
 
 
 

Samedi 18 septembre 2021

 
 
 

Délesté d’un boulet que j’avais tenté de sauver de peurs aussi irrépressibles, qu’enfantines et grotesques, la liberté qui m’a été rendue a reconstruit ce que son désir de possession malsain avait plus ou moins enseveli en moi. Une jalousie insoupçonnée et maladive, un caractère plus qu’étrange l’avait déjà éloignée à jamais du cercle de mes vieilles amies qui possédaient du vécu, de l’humour, de l’abattage, de la personnalité et du charme. 

 

 

Après les disparitions de Renée, Jeannine, Émilie, puis Meg et Madeleine en 2020, j’avais pris la résolution – privé de ces amies de qualité, irremplaçables, disparitions tristement précédées par bien d’autres – de poursuivre le reste de mon chemin en solitude.

 

 

Le marché de Manzac-sur-Vern en a décidé tout autrement. Je n’y allais d’abord que pour le bio. Trois marchands se succédèrent. Finalement vint David, la bonne humeur et la gentillesse incarnées, la relation avec Lucette, Josette… j’y fis des connaissances, plus d’occasion d’échanges et de partage que de vraies amitiés sans doute. Puis le nouveau conseil municipal sous l’égide d’un jeune maire s’avéra être l’amorce d’une profonde transformation écologique. J’y trouvais vite mon compte et nettement plus d’heureuses relations. C’était inattendu, inespéré. De nouvelles copines, positives, joyeuses et investies.

 

 

Je vais transformer ces Cahiers à l’encre violette, en un Journal un peu comme celui de Michel V. Il sera tenu au jour le jour, avec de brèves annotations.

 
 
 

 
 
 
 

Du jeudi 13 mai au 1er juin 2021

 
 
 

L’habitude perdue, après la disparition de Pierre, en mars 2020, de se rendre sur le marché de Saint-Astier, le jeudi matin, semble vouloir reprendre une régularité. Ciel limpide non sans une certaine fraîcheur, car la pluie précède et suit ce moment de calme printanier. J’ai fait halte sur le parking à l’entrée de la Voie Verte, après le pont de chemin de fer. D’un bon pas, j’ai franchi la passerelle et atteint la halle où je retrouvais Arnaud, ses jeunes plants, sa mère, face à Nicolas et ses fromages des Alpes. Mais il n’avait pas de petit chèvre au thym que je voulais faire découvrir à Arnaud. Cheminant, je rencontre les deux filles de la sœur de Pierre, qui mardi ont déposé l’urne de leur mère à côté de celle de leur père, au columbarium de Neuvic. Ainsi la trilogie des dimanches heureux de Neuvic n’est plus. C’est tout un temps chaleureux et sympathique qui vient d’éteindre ses lumières. Nous sommes, elles et moi, les survivants de ce temps un peu désuet que nous avons aimé, en taquinant Pierre avec affection pour sa passion de ce rituel.

 

Je salue Gérard qui pense que le meilleur moment, pour le marché de Manzac, serait le dimanche matin. Je fais halte un moment pour échanger avec le maraicher bio de Saint-Jean d’Eyraud. Il connaît et travaille parfois avec les successeurs polyvalents du jardinier-phénomène de La Contie, à Saint Géry, lui qui fut précurseur en tout. Je me souviens qu’il a été le premier à me vendre une tomate blanche qui me fait, aujourd’hui encore, l’effet d’un bonbon à un gamin de 3 ans !

 

Tour d’allure vive, avec une halte devant le stand de Sylvain auquel j’ai pris un délicieux morceau de tome de chèvre fermier d’Auvergne, un pot de crème de châtaignes et un carré de pâte de coing, puis devant les miels de Bruno qui reviendra, seulement début juin, à Manzac ; sans faire vraiment halte devant la marchande d’ail des ours, aussi jolie que peu gracieuse. Enfin, j’ai voulu saluer Isabelle, fée et confiturière, qui elle, quoi qu’il en soit, ne se départi jamais de son sourire et de sa grâce !

 

Retour par la passerelle et après avoir déposé mon petit butin, je retraverse pour m’offrir une marche alerte sur les stades, profitant moins qu’espéré du grand soleil présidant mon arrivée. Déjà le ciel se voile pour accueillir la pluie éparse, puis plus régulière, dès le début de l’après-midi où je passerais pour la première fois trois heures et même plus au téléphone avec ma petite cousine Sandrine. Comment les batteries du téléphone ont-elles pu tenir un temps jamais égalé ? Des échanges de photos nous rappellent plein d’heureux souvenirs et de personnes, aussi simples qu’inoubliables. Nous allons chercher du bonheur enfoui dans des tiroirs ou des boites !

 

La boite aux lettres pour la première fois depuis des jours est restée vide. Ce n’est qu’en fin de journée que j’ai réalisé que nous étions un jour férié, le jeudi de l’ascension.

 

Ce temps frais, pluvieux pourrait nous désoler, mais c’est une vraie bénédiction, une chance pour les cultures et le jardin. Aussi sous cette pluie continue, j’ai décidé d’aller à Neuvic récupérer cinq basilics réservés à Rémi et Caroline : Thai, Citron, à grandes feuilles… et quelques pommes de terre nouvelles qui sont un régal, coupées en quatre à la poêle avec un peu de persil et d’aillet.

 

Et finalement, plus nombreux que je l’aurais pensé nous avons comme limaçons et cagouille gargouillés sous cette pluie joyeuse. J’ai fait une entorse à mes principes et j’ai pris trois tomates, deux cœurs de bœuf et une tomate ananas à la jolie demoiselle sur la route à deux pas de l’entrée de l’église. Elles ne sont pas écologiques, mais locales (Lot-et-Garonne) et la tomate ananas est un vrai soleil dans l’assiette lorsqu’il n’y en plus au-dessus de nos têtes comme nous l’espérerions pour jouir du déconfinement progressif !

 

Natalie Barney1 avait 91 ans, lorsqu’elle écrivait à Jean Chalon2 ces mots : « …Romaine se plaint de vieillir, ce qui est en effet un amoindrissement avec son cortège d’humiliations. Mais tant que l’esprit reste vif, je m’accommode du reste3… ».

Vieillir est en quelque sorte la tragédie de la vie, une lente déconfiture que certains vivent avec plus de panache pour bénéficier d’une solide santé et d’une armure psychologique qui dépasse la contingence humiliante des années. Cette semaine sur France 3, une quasi centenaire prenait des positions de Yoga qui seraient tout à fait improbables pour moi, puis saluait avec gratitude la vie, Nice, le soleil… Peut-être une adepte de La Science du Mental sise à Roquebrune-Cap-Martin, Villa Le Phare ! Des lunettes roses qui colorent heureusement l’existence lorsque les évènements et les sensations voudraient signifier tout le contraire ! L’attitude, quoi qu’il en soit, compte beaucoup dans le déroulement de ce temps de vie ultime qui peut facilement sombrer dans la neurasthénie.

 

La fatigue d’un temps à reconduction maussade donnant l’impression d’un confinement prenant la suite de l’officiel, cette fois imposé par les intempéries. De quoi démoraliser !

 

Cette année aura été marquée par une série de retours intenses vers des univers musicaux que je n’avais qu’assez peu fréquentés ma vie durant, exception faite pour quatre œuvres de Verdi. Je fus pris par une sorte de passion investigatrice. Ce fut donc le cas pour Verdi que je découvrais sur toute l’étendue de son répertoire, mais nettement plus improbable pour Dvorak, Alexander Tcherepnine et désormais Serge Prokofiev ! Il est vrai que les ballets de ce dernier composés pour les Ballets Russes auraient pu m’interroger plus tôt. J’avais voulu connaître ceux de Milhaud et de Sauguet. En effet, au-delà des chefs-d’œuvre incontestés que sont Roméo et Juliette, 1935-36 et Cendrillon, 1940-44, c’est faire l’impasse sur Chout (Le Bouffon),1915-20, Le Pas d’acier, 1925-26, Le Fils prodigue, 1928-29, Sur le Dniepr, 1930-31, mais aussi cette partition plus tardive qu’est La Fleur de pierre, 1948-53. Sans doute pour me surprendre et m’étonner moi-même sans le secours de quiconque, car personne que je connaisse ne possède cet esprit d’investigation qui déjà me caractérisait professionnellement et me poussait à mettre à poil les délinquants de l’exploitation salariale.

 

Mardi 25 mai 2021

 

Avoir eu 74 ans hier, comme une punition, d’avoir aimé être jeune et désirer le rester, malgré toutes les incertitudes que la vie semblait vouloir proposer sur l’éventail qui s’ouvrait devant moi. Et lire aujourd’hui Si c’est un homme de Primo Levi, un ouvrage qu’il ne faudrait jamais ouvrir pour ne pas désespérer définitivement de l’humanité ! Je n’ai jamais caché que pour ces bourreaux infâmes je suis favorable à des tortures, des supplices pour, avant de les brûler encore vifs, les réduire à l’infinie merde humaine qu’ils incarnent. Aucun pardon, aucune compassion.

 

Dimanche 30 mai 2021

 

En compagnie de Jean Michel, j’ai désiré savoir ce que Coulounieix-Chamiers proposait d’audacieux en matière d’écologie sous l’intitulé ‟Journée verte en famille”. Ce fut une fusion un peu superficielle et brouillonne de comice agricole, de kermesse, de transhumance d’opérette, de foire, de brocante… Soit un peu de tout et beaucoup de rien. On s’y est gentiment ennuyé. Sous un soleil de plomb, la remontée du parc des Crouchaux ne fut pas une charmante sinécure. Il est vrai qu’il y avait une calèche et des navettes automobiles… mais poiroter puis s’entasser, en ces temps de la Covid, n’est-ce pas ! Where was the peps ? Douceurs et consolations avec mes copines Khadra (merci pour les fèves de son jardin !), Cathy et la si gracieuse Sylvie de Manzac-sur-Vern avec ses créations raffinées ! Nous étions quelque peu échaudés… mais nous aurons tout de même marché notre aise !

 

Quel mélodiste cet Antonín Dvořák, y compris dans ses œuvres secondaires ! Cela chante et enchante. En ce moment je baigne dans une veine fertile entre Bartók, Dvorak et Prokofiev. Un pur régal !

 

1er juin 2021

 

Marché de Neuvic : cerises et melon. Il est 9 h 30 et il fait déjà chaud. Ce beau temps résiduel – pas plus de 2 ou 3 jours de soleil… plus ce serait trop ! – m’a autorisé une marche sur la voie verte, le long de l’Isle. Trois bicyclettes pour me dire « tu ne seras pas absolument seul » ! J’écrivais ces lignes assi sur l’unique banc de cette section, devant un généreux pied de bardane que précédait un gros bouquet d’orties qui avait les pieds dans l’eau ! J’avance un peu vers le pont de la gare de Neuvic, je croise un couple d’obèses avec deux chiens, le Bibendum masculin en profite pour éternuer en toute liberté et de manière tonitruante.

 

Il me faut clôturer cette page qui a duré un peu trop longtemps. Le temps devient lourd, les mouches tournoient et agacent ; je vais descendre sur le marché de Manzac-sur-Vern ! □

 

1 Natalie Barney, dite Natalie Clifford Barney (1876-1972), est une femme de lettres américaine du XXe siècle qui vécut en France, connue pour ses poésies, mémoires et épigrammes, une des dernières salonnières parisiennes. Ouvertement lesbienne, elle a cherché à faire de son salon littéraire une nouvelle Mytilène, une école de femmes poètes qui réponde à l’Académie française d’alors, strictement masculine. Pendant plus de soixante ans, le 20 de la rue Jacob a revivifié un monde littéraire et artistique féminin, à travers les nombreuses conquêtes amoureuses de son hôtesse, telles la courtisane Liane de Pougy, la mécène Élisabeth de Clermont-Tonnerre, la peintre Romaine Brooks, la romancière Colette – à qui elle inspira le personnage de Flossie dans Claudine s’en va (1903) – , mais aussi des  intellectuel(le)s qui ont compté des deux côtés de l’Atlantique, tels Salomon Reinach ou Gertrude Stein, homosexuels ou non, mais favorables à la libération des mœurs et des arts. Par son indépendance d’esprit, sa liberté de mœurs, sa séduction, son goût pour les choses de l’esprit, elle a permis de donner, dans le Paris de la Belle Époque et de l’Entre deux guerres, une bien plus grande visibilité aux lesbiennes. ((Wikipeadia).

2 Jean Chalon (1935), est un journaliste et écrivain français. Il a accompli l’essentiel de sa carrière au Figaro. Amoureux de la nature, surtout des arbres, et admirateur des femmes célèbres, Jean Chalon a écrit et publié les biographies de nombre de personnages féminins, saintes ou courtisanes, écrivaines ou milliardaires : Marie Antoinette, George Sand, Louise de Vilmorin, Natalie Barney, Alexandra David-Néel, Colette, Liane de Pougy, Florence Gould, Thérèse de Lisieux, Lola Flores…

3 Natalie Barney, Toujours vôtre d’amitié tendre – Lettres à Jean Chalon – 1963-1969 –, « Lettre du 20 décembre 1967, hôtel Plaza, Nice », Paris, Librairie Arthème Fayard, 2002, p. 165.

 

 
 
 
 

 


 
 
 

1er mai, 7 & 8 mai 2021

 

 
 
 

Premier mai et premier jour d’un certain bonheur. Avant même le troisième déconfinement progressif, officiel, nous eûmes la joie de nous retrouver pour cette manifestation, après tant de mois de distanciation obligée. L’émulation des camarades qui partagent le désir d’en découdre avec un pouvoir d’ignobles mécréants « vautrés sans vergogne dans une loyauté servile (et très lucrative) au néolibéralisme ainsi que dans la médiocrité (je crois que le terme est un peu faible!) et l’arrogance qui en sont inséparables, ces politiciens encravatés sont responsables de l’aggravation des conséquences funestes de la pandémie, de la destruction des services publics (notamment hospitaliers !!!), de plans de licenciements massifs, de l’appauvrissement galopant des travailleurs et des travailleuses, ainsi que des étudiants et des étudiantes1. »

 

 

Avec nos brins de muguet, nos bonnes intentions, notre plaisir de nous retrouver, notre sentiment permanent d’injustice, sommes-nous dans l’histoire authentique de ce jour si particulier qui couta la vie à pas mal de travailleurs ? En effet, les prémices du 1er mai n’étaient pas symboles de fête, mais d’une grève des ouvrières et ouvriers de Chicago, en 1886. Au troisième jour, les scabs ou briseurs de grève à la solde du patronat sont à l’œuvre. Une compagnie de policemen tire : trois morts et des centaines de blessés. La résistance menée par les orateurs anarchistes sera matée et se solde par une douzaine de morts dont 7 chez les policiers. On désigna des coupables : huit anarchistes, mêmes absents sur les lieux, qui seront pendus. C’est donc en hommage aux martyrs de Chicago que l’Internationale Ouvrière fera, en 1889, du 1er mai un jour d’action et de grève. Et l’année suivante, à Fourmies, dans le nord de la France, la police canarde la foule ; bilan : 9 morts.

 

 

La valeur symbolique du 1er mai est gagnée sur la brutalité criminelle d’une police aux ordres du patronat. Ce n’est pas complètement différent aujourd’hui encore. L’épisode des Gilets Jaunes en France, en 2019, en est la honteuse réplique. Entre-temps, des épisodes d’affrontements violents avec les forces de l’ordre demeurent dans la mémoire populaire : 1906 à Paris, 1929 à Berlin. Et en 1942, un émule de Franco en fera la fête du travail et de la concorde sociale, sous la botte allemande. Signe d’une fête patriotique dans la soumission. Le muguet d’origine bourgeoise-royaliste inspiré d’une tradition moyenâgeuse instaurée par Charles IX pour les dames de la cour, réapparaissait en 1900, publicité sortie de l’imagination d’un grand couturier parisien pour sa clientèle.

 

 

Indignité et confusion d’avoir oublié les huit martyrs de Chicago : Spies, Parsons, Fischer, Fielden, Engel, Schwab, Neebe, Lingg. Une singerie qui voudrait faire oublier au peuple des travailleurs son propre bagne. La fête du Travail, jour de grève, puis jour chômé transformé en jour férié comme une consécration de la défaite ouvrière.

 

 

J’ai pourtant aimé ce moment aux côtés d’un fils que je me suis choisi, Mathieu, qui porte haut de fortes valeurs de loyauté et d’intégrité, depuis sa prime jeunesse. La conscience de l’usurpation, de la confiscation des droits est cruelle à assumer. D’ignobles vendus lui faisaient déjà payer le prix de sa lucidité fraternelle au ministère du travail, dirigé par les scories du conformisme, qu’il dépasse de cent lieux. Ces lèche-bottes sont les misérables scabs d’aujourd’hui ! Mais nous allions au cours de ce long défilé, côte à côte, sans nous être rencontrés depuis de longs mois, avec son fils, Colin, qui déjà assume sa volonté d’être à la fois gâté et indépendant. On sait que les années à venir seront difficiles pour ceux qui sont venus au monde autour des années 2020. Côtoyer des êtres irréductiblement droits, vous redresse, vous tient debout malgré les vents contraires !

 

 

Voilà, qu’après la demande de Sandrine Bureau de faire des reportages pour son magazine bimestriel Ô Nature, Claire Vertongen me propose d’être un correspondant des activités de Manzac-sur-Vern pour l’hebdomadaire Le Courrier Français, alors que j’ai du mal a produire pour Le Jardin d’Épicure.

J’ai perdu samedi vers 22 h 30 la première version de mon texte. J’étais furieux. J’ai, je l’avoue, hésité à abandonner le projet. Mais sans que je puisse trop me souvenir de ma première version, je me suis lancé jusqu’à 24 h 30 dans une réécriture, me laissant la matinée de dimanche pour l’achever. Yannick a trouvé le titre « Le passé au présent à Manzac-sur-Vern » à sa convenance, il est passé relire le texte, en fin de matinée dimanche, et m’a simplement fait ajouter une précision que j’ignorais sur le rôle de Nadine Malavergne. Je ne sais ce que Cora et Emma du Courrier Français en retiendront, si elles retiennent quelque chose. Voici en tout cas ce texte qui m’a donné des sueurs froides :

 

 

Léonce Cubelier de Beynac, poète manzacois (1866-1942) chantait les charmes du pays : « Manzac est un nid de verdure/Fait pour les oiseaux et les fleurs… » Le poète a raison : ce village du Périgord blanc situé entre Périgueux et Villamblard enchante le passant, le flâneur comme le résident. Yannick Rolland, jeune maire, élu en 2020, a entendu le poète, il en a fait sa devise, son engagement, soutenu par un conseil municipal enthousiaste.

 

Le vendredi 7 mai, dans la vaste salle des fêtes construite par Michel Girard et son conseil municipal sur une durée impressionnante de mandats (1980-2014), en sa présence et celle de son épouse, nous attendions Maurice Biret pour la signature de la réédition de son ouvrage écrit en collaboration avec André Bernard qui fut conseiller municipal et adjoint au maire durant vingt ans, décédé depuis la première publication de Manzac-sur-Vern au fil des siècles, en 2004. Cet ouvrage reçut le Premier Prix au concours des Clochers d’Or. Ainsi, cette réédition se fait au profit de l’actuelle municipalité.

 

En 1963, un jeune couple d’instituteurs, avec leurs deux jeunes fils, arrive à l’école primaire de Manzac. Pierrette avait les plus jeunes, CP-CE1 et CE2, Maurice les grands, CM1 et CM2 et les élèves de Fin d’études qu’il accompagnait jusqu’à 14 ans et qu’il présentait au fameux Certificat de fins d’études primaires, diplôme aujourd’hui disparu. La récession progressive du nombre d’élèves à l’école de Manzac amena le couple Biret à quitter le village, en 1970, non sans regret. Les Biret poursuivront leur activité pédagogique à Neuvic-sur-l’Isle. Pour Pierrette, comme pour Maurice Biret, perdure le souvenir d’un temps heureux, d’ailleurs plusieurs de leurs anciens élèves entourent Maurice, toujours ravi de les retrouver, il y a là deux des anciens maires du village, Bernard Puyrigaud, Michel Girard, leurs épouses, et Nadine Malavergne à l’origine de cette démarche.

 

 

Sous la conduite de leur jeune institutrice, arrive alors la classe des grands de l’école primaire, en silence, dûment masqués, afin de parcourir l’exposition organisée par l’association Mémoire de Manzac, présidée par Michel Girard. Les panneaux révèlent toutes les barbaries dont ce village a souffert ; un grand nombre d’ouvrages sur la déportation, la résistance, sont réunis sur les tables pour éveiller les esprits sur ces temps tragiques, difficiles à imaginer pour nous et, sans doute, plus encore pour cette jeune génération. Les réfugiés juifs furent tous arrêtés et déportés. Hyacinthe Peypelut et son jeune frère Georges, héros de la Résistance furent arrêtés en mars 1944 à Manzac. Hyacinthe fut fusillé, avec 25 autres otages, à Brantôme, le 26 mars 1944. Georges mourut à Buchenwald en septembre 1944. Maguy Peypelut-Marois était présente et nous avons partagé des souvenirs sur sa cousine germaine, Sylvette Peypelut, fille unique de Georges et de Simone Bernard. C’était saisissant de voir ces jeunes réellement attentifs, respectueux et interrogateurs. De par ses vastes connaissances sur le sujet, la secrétaire de l’association, Nadine Malavergne saura les éclairer.

 

 

La cérémonie commémorative du 8 mai 1945, sous un ciel d’azur, se déroula dans le recueillement qui convient à une victoire douloureuse, d’autant que la commune, à l’instigation de Bernard Puyrigaud, avait souhaité intégrer au monument aux morts, les familles juives réfugiées que la milice française avait envoyées vers les camps d’extermination. Après la Sonnerie aux morts, le dépôt des gerbes, la minute de silence fut suivie de l’appel aux morts par Nadine Malavergne et Jérôme Limoges, temps fut donné aux discours d’une grande sobriété des anciens combattants par Francis Senchou, celui du maire, suivi pas une lecture d’un passage de Si c’est un homme par la Première conseillère, Gisèle Chastanet et de quelques mots de la présidente de la LICRA de la Dordogne. Puis ce fut le temps du dévoilement de la plaque des déportés juifs par Madame Betty Wieder, Bernard Puyrigaud et Yannick Rolland, la pose de la gerbe par l’association « les enfants des déportés ». Retentit alors le Chant des partisans avant la pose des bougies par les enfants de l’école devant la plaque et d’une gerbe de fleurs. Chacune des familles des victimes déposa alors une rose blanche. Ensuite, les enfants firent lecture du poème de Paul Eluard, Liberté, avant que résonne la Marseillaise.

 

 

Les mots de Primo Levi sont déchirants, ils permettent d’entrer dans le vécu de ces sacrifiés : « Nous avons lutté de toutes nos forces pour empêcher l’hiver de venir… Si les camps avaient duré plus longtemps, ils auraient donné le jour à un langage d’une âpreté nouvelle. » Nous ne pourrions que demeurer prostrés dans la désolation, sans nous souvenir de la sentence d’André Malraux : « un monde sans espoir est irrespirable ». Il faut donc que la victoire de 1945, aussi cruelles et insoutenables que fussent les blessures, demeure un appel à la résilience et laisse place à l’espérance.

 

1 « Pas d’élus, des luttes ! », trac du 1er mai de la Fédération Anarchiste, Groupe Emma Goldman-Périgueux, sur lequel je relève encore, tant cela est un reflet de ce que nous observons et ressentons tous : « Décidément, les politicards de tous bords, et d’une façon générale tous ceux qui décident arbitrairement du cours de notre vie, ont toujours eu un talent hors catégorie pour planquer sous le tapis tout ce qui pourrait nuire à la préservation de leur propre intérêt. »

 
 
 
 

 
 
 
 

Du 15 au 18 avril 2021

 
 
 

Temps pascal

 
 
 

Le compositeur Bechara El-Khoury publiait sur Facebook, cette très pertinence pensée de Carmen Sylva : « La bêtise se met au premier rang pour être vue, l’intelligence se met en arrière pour voir. » J’en ai observé quelques-uns s’avancer pour se faire remarquer et pourtant être revêtus de l’habit de la médiocrité, lorsque ce n’est pas de la sottise !

 

 

Romain Rolland aimait la musique et a écrit sur elle et les musiciens de son temps. Dans Musiciens d’aujourd’hui il aborde la personnalité de Camille Saint-Saëns : « M. Saint-Saëns a la gloire très rare de se voir devenu, de son vivant, classique. Son nom, longtemps méconnu, s’est imposé au respect de tous, non moins par la dignité de son caractère que par la perfection de son art. Jamais artiste ne songea moins au public, ne fut plus indifférent à l’opinion de la foule et de l’élite. Enfant, il avait une sorte de dégoût physique du succès :

 

« De l’applaudissement

J’entends encor le bruit qui, chose assez étrange,

Pour ma pudeur d’enfant était comme une fange

Dont le flot me venait toucher ; je redoutais

Son contact, et parfois, malin, je l’évitais,

Affectant la raideur...1 »

 

 

Le temps d’avril est gâché par un vent glacial qui ne donne même pas le désir de se balader dans l’enclos dessiné par le gouvernement des pires badernes et prétentieux que nous aurons connu ! Et cette pandémie qui devient endémique va nous poursuivre jusqu’à la fin des temps.

 

Je me demande depuis longtemps où se cache la fraternité, y compris au sein les organisations qui en font un de leurs credo. Et ce n’est pas faute d’être communicant, je crois être même complètement à l’opposé de tous les sidérés ou indifférents de la terre. Je note bien sur France 3 des actions solidaires, en cas extrêmes, après des catastrophes climatiques ou la mort d’un SDF… mais dans l’habituel quotidien, c’est davantage la sidération et l’indifférence que l’on observe.

 

 

J’ai finalement compris que si je ne faisais pas moi-même une page sur Marcel Mihalovici (1898-1985) et sur Tibor Harsanyi (1898-1954), il n’y aurait rien, si longtemps après leurs disparitions, sur ces deux compositeurs d’origine étrangère : roumain pour Mihalovich, hongrois pour Harsanyi. Je me demande si l’élite de la musicologie et de toute la sphère intellectuelle ne se pavane pas, à quelques exceptions près, stérile et puérile comme l’élite de l’ENA dont on jouit des mirobolantes incompétences assorties de prétendues supériorités que l’on cherche en vain. Bla-bla que tout cela ! Le peuple français a beaucoup à apprendre de la vaillance des travailleurs d’origine étrangère qui mettent l’action en priorité dans leurs vies. Le français est adepte du bavardage pseudo-intellectuel qui trop souvent s’asphyxie dans son propre enfumage.

 

 

Deux disques d’importance paraissent pour Mihalovici disparu en 1985, il y a donc 36 ans. Celui de Matthew Rubenstein chez Toccata Records consacré à l’œuvre pianistique du compositeur qui se devait de donner à son épouse, la pianiste Monique Haas, des partitions d’une robustesse et d’une force rare. Milhalovici, on l’a oublié, était à l’avant-garde de la musique française, avant l’arrivée du raseur (Monsieur Table rase) Pierre Boulez ! Il jouissait de la très grande estime et de l’amitié d’Henry Barraud2. Le second disque nous vient du compagnonnage ancien entre Alexis Galpérine et les membres du Quatuor Stanislas pour des œuvres de musique de chambre impressionnantes et admirables. C’est évidemment un second disque très précieux. Mais Mihalovici excellait dans les partitions orchestrales et lyriques. On nous doit toujours ces joyaux de son catalogue.

 

 

Tibor Harsanyi eut la vie plus brève (56 ans), il vécut relativement isolé et dans la pauvreté. Plus de soixante ans de silence sur l’auteur de la merveilleuse Histoire du petit tailleur, qui fait seule exception à ce silence honteux. C’est le label “Grand Piano” qui nous permet de découvrir enfin, en 3 disques, l’œuvre pianistique du compositeur, sous les doigts du compositeur et pianiste Giorgio Koukl, après l’offensive demeurée orpheline d’un disque Naxos de 2016 intitulé « Un hongrois à Paris » qui nous permettait de découvrir des pièces de musique de chambre pour violon et piano. Le troisième volume de l’œuvre pianistique d’Harsanyi nous permet d’entendre le bref autant qu’étourdissant Tourbillon mécanique, écrit pour l’Exposition universelle de 1937.

 

 

Pierre Boulez, chantre de la modernité à tout prix avait bien compris celle incroyable de Béla Bartók (1881-1945), qui lui, avait vraiment quelque chose à dire, même si son langage fait partie des plus audacieux de son temps. J’étais stupéfait à l’écoute de l’Allegro non troppo, premier mouvement du second concerto pour violon de 1937-1938. Il faut dire aussi qu’André Gertler, violoniste et ami intime de Bartók, sous la direction de Karel Ančerl en donne certainement la plus idéale et authentique interprétation. L’enregistrement de 1965 de Supraphon est magnifiquement lumineux. Il n’existe pas de quatuors plus bouleversants que ceux de Bartók. J’en possède trois versions ; celle du Keller Quartet est fabuleuse d’intensité dramatique. Causons encore des deux premiers concertos pour piano et orchestre par Maurizio Pollini sous la direction de Claudio Abbado ; le premier écrit en 1926, le second en 1930-31, avec des sonorités percussives, annonce tout le XXe siècle ! Boulez peut se rendre indispensable en dirigeant Berg, Schoenberg, Stravinsky, Bartók… Le coffret Sony de 4 CD nous offre des enregistrements de référence avec de somptueuses prises de son. Déjà avec Quatre pièces orchestrales, Sz 51 (1912 révisée en 1921), Trois scènes de village, Sz 79 (1926), dont la troisième Lad’s Dance annonce certaines pages de Leonard Berstein, compositeur. Que dire alors de la pantomime Le Mandarin merveilleux, Sz 73 (1918-19, 23, 24 ; révision 1923-1931), pure fantasmagorie, d’une inventivité orchestrale stupéfiante.

Évidemment, le hongrois d’origine Harsanyi n’a pas la dimension de son compatriote Béla Bartók ; si Dieu est absent, on peut trouver du plaisir à côtoyer ses anges !

 

 

Pour la première fois, via internet, j’assiste, de justesse, à la création d’une œuvre musicale, car je recevais l’information à 17 h 00 pour 19 h 00. C’était jeudi 15 avril, en l’église Saint-Roch à Paris, il s’agissait du Quintette n° 2 « Hommage à Notre-Dame de Paris » du compositeur Matthieu Stefanelli que je n’ai jamais rencontré. Assez récemment, il est devenu membre des Amis de la musique française. Mon forfait limité sur Nordnet me laissait peu d’espoir de suivre cet événement dans son complet déroulement, d’une part en raison de la faiblesse du débit, d’autre part de la durée de l’œuvre dont j’ignorais tout. L’introduction par l’écrivain et académicien Michel Zink3, bien que fort intéressante, m’inquiétait pour l’imputation sur mon forfait. J’avais déjà décidé de ne pas écouter, la seconde œuvre au programme, le tragique et sublime Quintette pour piano et cordes, op. 42 (1917-1918), inspiré à Louis Vierne par la mort de son fils Jacques, âgé de 17 ans, tué lors des combats de la Grande Guerre, en 19174. Malheureux Louis Vierne, tant de chagrins et de difficultés auront raison de lui ; le 2 juin 1937, il meurt aux grandes orgues de la cathédrale Notre-Dame de Paris, en plein concert. Il y a une telle densité et profondeur chez ce musicien que Franck Besingrand a évoqué, avec un immense respect, sur notre site.

 

Ne connaissant pas les conceptions musicales de Matthieu Stefanelli, je pouvais aussi m’attendre à être agressé par des sonorités stridentes ou autres dérives dont le sérialisme décadent a entaché notre univers musical, pour la seule gloire d’être moderne à tout prix ! Les audaces ne me font pas peur, elles excitent ma soif de sonorités nouvelles, à condition que la musique et les émotions quelle génèrent soient préservées ou exaltées. Matthieu Stefanelli présente son œuvre comme une sorte de triptyque. Le premier volet c’est l’avant, la construction de cette cathédrale, les forêts, la charpente monumentale, les polyphonies, l’École Notre-Dame, les grandes Orgues, il se déroule en trois parties : Sur le parvis – École Notre-Dame, Forêt séculaire, Les Grandes Orgues. L’incendie, les flammes, l’embrassement, la sidération devant la chute de la flèche, constituent le second volet : Étincelles, La flèche, Désolation. La troisième partie suggère l’après, avec l’espérance que suscite la contemplation de la rosace préservée du cataclysme : Rosaces – Les fleurs du Paradis. La création du Quintette était confiée au Quatuor Girard et au pianiste Sébastian Ené. Dès le début, je fus happé, plongé dans un recueillement que cette œuvre insolite et bouleversante suggère. On est pris par le cœur du début à la fin de cette partition qui évoque la tragédie de l’événement tout en le magnifiant de part sa genèse, son histoire, sa gloire, son sacrifice, sa sauvegarde, à la manière d’une épopée mythique et mystique, en miroir à la vie terrestre du Christ. J’oserais dire que cette partition est écrite comme une transmutation spirituelle. La musique porte en elle, malgré l’effroi et la détresse qu’elle relate, la genèse de la consolation à venir. La construction est rigoureuse, épurée, fluide dans ses enchainements. On s’émerveille des subtiles particularités et innovations du langage, qui intègre et assimile le passé, tout en parlant au présent, nous conduisant à pénétrer l’esprit de l’œuvre. C’est à une communion que nous sommes conviés. Mon adhésion fut immédiate et totale, voilà un langage qui me parle et qui, je le crois vraiment, est accessible à tous, ce qui est relativement rare lorsqu’on parle de musique contemporaine qui trop souvent déconcerte. Il existe donc, je l’ai trouvé chez d’autres musiciens d’aujourd’hui, des modes d’expression qui nous touchent autant que du Schubert, du Mendelssohn, du Schumann, du Brahms… un temps de privilège dans la froidure des jours d’avril.

 

 

Roger Ekirch, dans Le Monde Diplomatique d’avril 2021, évoque Robert Louis Stevenson, en page 3 : « Aux premiers jours de l’automne 1878, Robert Louis Stevenson, alors âgé de 27 ans, passa douze jours à crapahuter dans les Cévennes. Son seul compagnon de voyage était une ânesse du nom de Modestine. Stevenson ne devait publier L’Île au trésor et connaître la célébrité littéraire que cinq ans plus tard. Au beau milieu de son expédition, il installa son campement dans une petite clairière entourée de pins. Après un souper roboratif, alors que le soleil venait de terminer sa course, il s’étendit dans son « sac de couchage », une casquette sur les yeux. Mais, plutôt que de dormir d’une traite jusqu’à l’aube, il s’éveilla peu après minuit, le temps de fumer nonchalamment une cigarette et de jouir d’une heure de contemplation. Jamais auparavant il n’avait savouré «une heure plus parfaite» – libéré, se réjouissait-il, de l’« embastillement de la civilisation ». « Par quelle suggestion informulée, par quel délicat contact de la nature, se demandait-il, tous ces dormeurs sont-ils rappelés, vers la même heure, à la vie ? »5

 

1 Vers lus par M. Saint-Saëns au concert donné le 10 juin 1896, à la salle Pleyel, pour fêter le cinquantenaire de ses débuts. C’est en 1846, et dans cette même salle Pleyel, qu’il avait donné son premier concert public. Romain Rolland – Oeuvres (French Edition) . lci-eBooks. Édition du Kindle.

2 Henry Barraud commence ses études à Bordeaux. En 1927, à Paris, où il suit les classes d’orchestration de Louis Aubert, de composition de Paul Dukas et de contrepoint et fugue de Georges Caussade, il est renvoyé du Conservatoire, pour avoir refusé de suivre des méthodes « orthodoxes ». Chargé de mission à la direction des Beaux-Arts, il joue un rôle important avec Pierre-Octave Ferroud, Emmanuel Bondeville, Jean Rivier dans la constitution de la société musicale Le Triton qui a vocation à faire connaître la musique contemporaine. Il est également critique musical. Après la Libération de Paris, en 1944, il est nommé directeur musical de la Radiodiffusion française. Il fonde la Maîtrise de Radio France en 1946 dont la direction est confiée à Marcel Couraud. En 1948, il devient directeur de la chaîne nationale RTF puis de l’ORTF, poste qu’il conserve jusqu’à sa retraite en 1965.

3 Michel Zink (1945) est un écrivain, médiéviste, philologue et professeur de littérature française. Spécialiste de la littérature française du Moyen Âge, il est le secrétaire perpétuel de l’ Académie des inscriptions et belles-lettres et membre de l’ Académie française (Wikipédia)

4 Vierne apprend tardivement la mort de son fils Jacques survenue le 12 novembre 1917. La douleur de Vierne est d’autant plus grande que son fils, âgé seulement de 17 ans, avait expressément demandé à son père la permission de s’engager, chose qu’il avait fini par accepter. On imagine aisément la culpabilité et la colère de Vierne en apprenant la disparition de son fils dans ces circonstances. (Wikipédia).

5 Robert Louis Stevenson, Voyage avec un âne dans les Cévennes, Flammarion, coll. «GF», Paris. 2017.

 

 
 
 
 

 
 
 

Jeudi 8 et vendredi 9 avril 2021

 
 
 

Michelle Ranoux ou l’accomplissement du Devoir de Résistance

 
 
 

Montanceix, jeudi 8 avril 2021 : journée de grand deuil pour la famille Ranoux, pour leurs amis, pour les admirateurs de Michelle, pour toute la commune, et bien au-delà. Le rassemblement, eut lieu en plein air, entouré de cette nature printanière, devant la Salle de la rivière. À cette femme d’exception, adolescente résistante, résistante sa vie durant, les honneurs furent rendus par les Anciens Combattants, devant sa dépouille drapée aux couleurs des serviteurs de la France. Nous étions sans doute bien 200 personnes à lui rendre ce dernier hommage. L’après-midi, devant le petit cimetière de Saint-Lazare (Condat-le-Lardin), j’imagine les fidèles et amis de ce couple mythique, empêchés par les consignes de déplacement du troisième confinement, réunis pour s’incliner devant sa tombe. Ce n’est que justice, et encore beaucoup de membres de leurs familles, de leurs amis sont déjà disparus. Michelle Ranoux nous a quittés et c’est une grande tristesse de savoir que nous ne verrons plus cette femme de courage, de bonne volonté et de partage. Comme pour elle-même et très cruellement, en  juillet 2015, lorsque son Grand nous quittait, nous nous sentons seuls, orphelins et privés de la sécurité que seul sait offrir un exemple aussi inestimable.

 

Publié par le bureau du CDM [Centre Départemental de la Mémoire Résistance et Déportation de la Dordogne] j’ai voulu partager de larges extraits de la Notice du MAITRON et les témoignages de ses enfants.

Michelle Ranoux, née Puyrigaud en 1926, alias « Claude », nous a quittés dimanche soir 4 avril 2021. Elle vécut aux côtés de Roger Ranoux, le Lieutenant-Colonel Hercule, co-chef départemental des FFI, qu’elle épousa en 1946. Ils eurent quatre enfants : Jacques, Claudine, Patrick et Sylviane.

 

« Michelle Puyrigaud naquit dans une famille paysanne du nord du département de la Dordogne. Elle est l’ainée d’une sœur et d’un frère beaucoup plus jeunes. Ses parents sont installés à Pierrefiche, un hameau situé entre Saint-Jory-de-Chalais et Thiviers. La famille est engagée politiquement et soutient en 1936, la campagne du député Gustave Saussot. Michelle elle-même participa toute jeune à des actions de solidarité avec les républicains espagnols que sa famille est amenée à abriter. Aussi, en 1939, dès l’interdiction du PCF, elle se sentit impliquée dans le maintien de son expression clandestine. Cette famille fut ainsi d’entrée gagnée à la cause de la Résistance.

 

Michelle Puyrigaud, en 1940, est une jeune écolière de 14 ans. À la belle saison, elle va au collège de Thiviers en vélo et, l’hiver, elle est hébergée par une famille amie, les Galvagnon. Lorsque les Allemands franchissent la ligne de démarcation et envahissent la zone libre, Michelle cessera peu après d’aller à l’école, car l’ennemi est là. L’adolescente sait très bien ce que nazisme, fascisme, collaboration et tout ce qui a trait au contexte de son époque, veut dire. Son père a participé aux grandes grèves de 1934 contre le pouvoir en place. Aussi, dans la famille, on parle aisément de politique. Confrontés quotidiennement à la difficulté de vivre, bon nombre de voisins se sont ralliés à son opinion, d’autant plus que l’occupant se met à leur voler les récoltes. L’union sacrée prend corps dans les villages. Après la débâcle, le Parti Communiste clandestin s’est très vite réorganisé. La famille Puyrigaud est totalement en accord avec les mots d’ordre qui en émanent et l’action à mener contre Vichy et l’occupant. Nous étions révoltés contre le fascisme et contre les conditions de vie du peuple français, explique Michelle. Sa réputation de meneuse de jeunes et son caractère bien trempé attirèrent sur elle l’attention des responsables résistants. André Bonnetot organisateur départemental des Francs-Tireurs et Partisans français (FTPF), la sollicita en juin 1943, dans le but d’organiser un premier maquis. Il lui fut proposé de s’occuper du recrutement de jeunes, de leur organisation clandestine et de la prise en charge des réfractaires du STO à l’échelle de sa région du nord du Périgord. Elle s’engagea avec énergie et détermination à la tâche, avec l’approbation et le soutien vigilant de son père, tout en poursuivant la préparation du Brevet Elémentaire qu’elle obtint à la session de septembre 1943. Les jeunes de 20 ans avaient pour obligation d’aller travailler en Allemagne pour le Service du Travail Obligatoire (STO). Certains faisaient semblant de partir et dès qu’ils avaient quitté la ville, explique Michelle, ils venaient voir mon père pour entrer en Résistance. Les premiers réfractaires sont allés se cacher dans un bois à proximité de chez nous pour y construire un abri. Ce bois marécageux avait pour nom «Le pré pourri». Vincent Bonnetot, vient les encadrer pour assurer leurs premiers pas de résistants. Parmi eux, deux jeunes du village se révèlent aux postes de responsables : Alphonse Puybareau (dit Marius) et Maurice Ouzeau (alias Olive). Michelle les ravitaille, leur procure des vêtements, un vieux fusil de guerre, un revolver et des mots réconfortants. Ils sont restés là près de trois mois, avant de rejoindre un autre groupe, à Sarlande, où ils ont été pris en main par un ancien de la guerre d’Espagne, «Rico». Ils ont été les artisans d’un des premiers groupes FTP de la contrée.

 

Gavroche de la Résistance, Michelle, l’air de rien, toujours écolière aux yeux de tous, circule à vélo, récolte et diffuse moult informations, apportant ici et là nouvelles et instructions, mots d’ordre d’appels à la résistance et à la rébellion. Elle tape sur une machine à écrire des textes contre les réquisitions des produits agricoles et des incitations à l’entrée en Résistance et aux sabotages en tout genre pouvant nuire à l’occupant. Elle a des rendez-vous avec des responsables dans les rues de Thiviers avec lesquels elle discute naturellement tout en marchant, quand ils ne viennent pas jusqu’à la maison, devenue PC de Résistance. Son activité s’accentue. Les contacts à assurer augmentent en nombre et en distance. Il lui faut répartir, distribuer le matériel, mettre en garde, convaincre, communiquer la confiance et l’ardeur en vue de la victoire finale. Cela n’est pas toujours facile, car la répression s’amplifie et rend les divers déplacements et actions de plus en plus risqués. Je savais ce que j’avais à faire. Je prenais beaucoup de précautions. Parfois, l’élan de ma jeunesse me faisait sous-estimer le danger. J’ai eu de la chance aussi. Mon allure de paysanne innocente et mon sourire (apparemment) naïf passaient bien. Pour alibi, j’avais toujours mes livres d’école dans les sacoches de ma bicyclette. Je n’en avais pas envie, mais il me fallait faire l’innocente amusée, pas du tout concernée par ce qui se passait, alors que j’étais informée de tout, y compris des nouvelles internationales diffusées par la radio. Je transmettais beaucoup d’informations orales. Lorsque je portais des documents, je les glissais entre les pages de mes livres d’école et quand il s’agissait de matériel, je le cachais dessous. Je me suis faite arrêter trois fois par la milice et ils ne les ont pas fouillés. Ils se contentaient de regarder la couverture du livre. Lorsque les miliciens se rendent à la ferme des Bappel, au lieudit Les Verderies, mais n’y trouvent aucune âme guerrière, mais embarquent Albert, le jeune fils de 15 ans et l’emprisonnent au siège de leur groupe à Thiviers, un hôtel réquisitionné. Il appartient à la famille Moulinier, des amis de la famille Puyrigaud. Dans les caves de la grande bâtisse, Albert est torturé. Malgré les brutalités, il ne parle pas. Michelle, n’ayant peur de rien, profite de connaître les propriétaires de l’Hôtel réquisitionné pour voir Albert. Elle ne manque pas d’aplomb et explique aux geôliers qu’il n’a rien à voir avec la Résistance. Albert est libéré deux jours plus tard. L’adolescent ne rentre pas chez lui et rejoint aussitôt les autres, dans les bois. Il est le plus jeune résistant du secteur.

 

Jeune et responsable, elle n’a donc que 17 ans lorsqu’elle accepte de prendre une part active dans la Résistance. En fin d’année 1943, nous étions plus de quatre-vingts formés et organisés, répartis en groupes de trois. Outre ces jeunes clandestins, il y avait aussi de nombreux groupes de résistants dits légaux, qui continuaient à mener une vie ordinaire, tout en participant aux actions de Résistance, propagande et sabotages. Pour Michelle, dans son secteur, il fallait se méfier plus de la milice que des Allemands. Ils sont venus à plusieurs reprises à Pierrefiche, mais sans résultat. Ils n’ont pas trouvé la machine à écrire et les armes cachées dans le foin. Une autre fois, il n’y a personne pour les recevoir. Avertie par l’armée secrète d’un encerclement imminent du village, Michelle s’en va illico presto à vélo se réfugier quelques jours chez des commerçants à Thiviers, son père et d’autres résistants actifs ayant rejoint les bois. Sa maman, Élise, décide de rester à la ferme. Une dernière fois, la milice est revenue chez nous et, à leur demande, ma mère leur a fait des casse-croûtes. J’étais à l’extérieur et le chef, me voyant arriver, est venu à ma rencontre. Il m’a fait la démonstration du bon fonctionnement de son fusil mitrailleur. J’ai fait mine d’être vraiment intéressée. Il m’a expliqué qu’il voulait nettoyer le village d’à côté qu’il pensait être un nid de résistants. Durant toute cette période, Michelle est aussi très sensible à la lutte du peuple espagnol contre Franco. Elle le soutient en menant de multiples actions en sa faveur. Le père Dupuy, cheminot et responsable communiste de Thiviers, nous a amenés, un jour José Gonzalvo Ùson, jeune républicain antifasciste, âgé d’à peine une vingtaine d’années. Il devait se cacher. Nous l’avons hébergé quelque temps avant qu’il ne rejoigne Sarlande, étape transitoire pour accéder à la Haute-Vienne où il devint un grand résistant. Son nom de guerre était «Petit Pierre». La population alentour qui connaissait bien la famille de Michelle et qui était largement ralliée à la cause qu’elle défendait sans toujours manifester un soutien ostensible, lui évita, ainsi qu’à son père, plusieurs perquisitions de la part des autorités vichystes, de groupes de légionnaires pronazis ou de miliciens locaux. Son allure feinte de jeune paysanne naïve, si elle lui permit d’échapper à des fouilles fatales lors de ses tournées à bicyclette, elle dénombre néanmoins pas moins de vingt-trois victimes, maquisards ou civils, tués dans son secteur pendant sa période d’activité. À partir du débarquement et jusqu’à la libération du département, ce sont quelque 450 résistants FTPF qui étaient organisés dans son secteur, celui des cantons du nord de la Dordogne, pour combattre l’ennemi. À la Libération de la Dordogne, elle fut, compte tenu de son activité résistante et militante, tout naturellement appelée à la direction départementale des Jeunesses Communistes. Elle fut responsable proposée pour la première école centrale des JC, qu’elle suivit en janvier 1945 en région parisienne, et à la fondation de l’UJRF. Elle y fut désignée parmi les cinquante-et-un membres du Comité national. Ce niveau de responsabilités politiques donné à une toute jeune femme à cette époque était totalement inédit. Il fait d’elle une des femmes politiques marquantes de la Dordogne au XXe siècle.

 

Liberté et Amour vont alors se mêler, car c’est à l’automne 1944, lors d’un défilé sur les boulevards de la capitale périgourdine, qu’elle fait la connaissance d’un chef FTPF et FFI auréolé d’une réputation de rigueur et de droiture, Roger Ranoux, servi de plus par un physique avantageux lui ayant valu le surnom d’Hercule au maquis. Elle le connaît de nom et de réputation. Nous avons fait connaissance et nous sommes tombés amoureux l’un de l’autre dira-t-elle. Nous étions très heureux. Il régnait un tel enthousiasme, un tel bonheur d’être libre à nouveau. La situation était totalement nouvelle. Une fois démobilisé en octobre 1945, Roger Ranoux demanda au sourcilleux père Puyrigaud la main de sa fille, il accepta, mais des problèmes de santé différèrent la vie conjugale et militante de Michelle Puyrigaud. Elle venait de subir, durant ces cinq dernières années, des privations alimentaires en nombre, une vie intensément physique avec des tournées en vélo incessantes dans un pays accidenté et un lot d’inquiétudes finalement traumatisantes. La jeune femme, très éprouvée, et épuisée par le surmenage dû à ses responsabilités connut une grave crise d’anémie qui repoussa le mariage. Les deux jeunes résistants se marient le 15 juin 1946 à Thiviers et, pied de nez à l’histoire, dans l’hôtel réquisitionné par la milice qui en avait fait son siège ! Ce jour-là, à cet endroit, parmi les invités, se sont retrouvés plusieurs responsables périgourdins de la Résistance.

 

Une vie à deux indissociable va débuter. Michelle se dévouera entièrement à sa famille et élèvera au mieux ses quatre enfants tout en soutenant Roger, son époux, dans sa carrière d’homme politique. Leur fils aîné, Jacques, naquit en 1947, puis Claudine en 1952. Le ménage habitait alors dans un deux-pièces en face de la gare de Périgueux. Sur le plan militant, Michelle Ranoux se contenta désormais d’animer une cellule de quartier. Mais Roger était devenu secrétaire fédéral du Parti Communiste de Dordogne, et ses maigres subsides ne suffisaient pas à faire vivre sa famille. Aussi décida-t-il de renoncer à ses responsabilités politiques et il obtint peu après la responsabilité d’un centre de vacances de la Ville de Saint-Denis, implanté dans de la commune de Montrem. Les Ranoux devaient y vivre l’essentiel de leur vie professionnelle. Michelle Ranoux, pourtant accaparée par ses taches professionnelles et maternelles, suivit une formation de sténodactylo aux cours Pigier à Périgueux. Elle n’en fit jamais son métier, mais cela lui fut utile puisqu’elle put ainsi sans rétribution, assister Roger Ranoux devenu député de la Dordogne en 1956 (à cette époque, les députés ne disposaient ni de secrétariat ni d’attachés parlementaires). Ces trois années furent pour elle assez difficiles. Ils durent quitter le centre de vacances, et après une période de transition, ils s’installèrent dans une HLM à Chamiers, en banlieue de Périgueux, son mari étant la semaine à Paris. Deux autres enfants, Patrick et Sylviane naquirent en 1958 et 1960. Passé le mandat d’élu national de Roger Ranoux, ils reprirent leurs fonctions de gestionnaires des centres de vacances de la région. Roger s’occupa aussi pendant plusieurs décennies à gérer les affaires communales en tant que conseiller municipal puis maire de Montrem. Toute leur vie, Michelle et Roger, sont restés très attachés aux valeurs de l’idéal communiste de leur jeunesse : de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins, comme elle aimait à le rappeler.

 

Ils furent, jusqu’à leur dernier souffle, fidèles aux valeurs de la Résistance. Parvenu à la retraite, Hercule bâtit une maison à Montrem, avec l’aide de ses enfants, où ils se sont installés pour vivre une retraite pas toujours paisible. En effet, Roger Ranoux militait très activement dans les associations d’Anciens Combattants de la Résistance, désireux de faire vivre auprès notamment des plus jeunes, les valeurs de la Résistance. Jusqu’au bout de sa vie, il dénonça avec détermination, soutenu par Michelle, les auteurs d’articles et d’ouvrages fantaisistes, voire malhonnêtes, sur la Résistance départementale. À ce titre, Roger Ranoux avait eu à cœur de porter la réalisation d’un ouvrage collectif sur la Résistance en Dordogne au titre de l’association Nationale des Anciens Combattants et amis de la Résistance. L’ambition réussie, était de permettre à chaque organisation de Résistance présente en Dordogne, d’y relater la contribution qui lui revenait et d’illustrer l’union de la résistance à laquelle tenaient tant nos anciens. Michelle, si elle s’effaça sur le plan militant, elle apporta une contribution active à l‘ouvrage collectif Francs-Tireurs et Partisans en Dordogne (de 1996 et sa réédition de 2006) coordonné notamment par Roger Ranoux et Martial Faucon. C’est un travail considérable qui fut réalisé pour collecter les témoignages et documents du plus grand nombre d’anciens résistants et parfois les confronter pour s’assurer de la justesse des faits.

 

Quand elle repense à son histoire, Michelle confie : « Un jour, j’ai eu une prise de conscience doublée d’une certitude. Il fallait tout donner pour qu’Hitler ne gagne pas. La bataille de Stalingrad nous en a apporté la preuve et nous a donné confiance. Il est très difficile, voire impossible, d’arrêter un peuple qui se révolte ». Elle poursuit : « Je souhaite insister sur le rôle oh combien important de ces jeunes filles, de ces femmes, amies, sœurs, épouses, mères, de ces combattantes, courageuses et dévouées. Elles ont apporté une aide considérable à la Résistance. Au cœur même de ce combat, elles ont été une force, mais aussi les garantes de la confiance et de l’espoir. »

 

Michelle nous laisse un témoignage inestimable d’authenticité sur sa Résistance dans un petit ouvrage dans lequel elle associe son ami d’enfance, Michelle et Jeantin, deux jeunes de Pierrefiche pendant l’occupation. »

 

Ma vie, au cours de sa trajectoire, s’est inspirée de personnalités diverses, mais qui m’ont construit et forgé la personnalité qui plait ou déplait, mais qui est, ce que je suis. Parmi toutes ces influences, je peux citer mon grand-père Jean-Léopold Lamaud, ma grand-mère Marie Rosalie Geoffre-Joubert-Andreaux, mon instituteur à Plein-Air, Jacques Mougnaud, madame Lascaud, Jacques Offenbach, Mireille Neyrat, Albert Gazier, mon professeur de philo, Bernard Rolland, Jean-Jacques Beyney, Paul Clint, Neil L. Andersen, Willis D. Waite, Guy Moran, Gustav Mahler, Garry M. Parke, Randall K. Bennett, Thierry Naudou, Hermann Hesse, Krishnamurti, Christiane Jensen, Christine Jensen, Fernando Pessoa, Denise Robin, Jeannine Lasserre, Jean Bellot, Pierre Ancelin, Lionel Pons, Aurèle Duda, Léon-Paul Fargue, Madeleine Milhaud, Marc Honegger, Marie-Françoise Guilhem, Mathieu Le Roch, Paul Nizan, Henry David Thoreau, Roger Ranoux, Michelle Ranoux, Élisée Reclus, Annick Rivière, Julie Delvas-Rivière, Gilbert Chabaud, Yannick Rolland…

Certains ont une influence permanente et renouvelée de par mes propres expériences, recherches, études, lectures…

Je dois remercier le ciel de ces grandes opportunités et des ouvertures sur la vie, la spiritualité, l’écologie, l’humanisme… même si la disparition d’un grand nombre d’entre eux fut une réelle souffrance.

 
 
 

 
 
 
 

Mercredi 24 mars 2021

 
 
 

 

En un jour aussi rayonnant, limpide, splendide, il suffirait sans doute de marcher aux côtés de Khrishnamurti et d’accéder à cette absolue joie qu’offre la nature :

« Et comme nous gravissions la pente, laissant plus bas les sentiers de village et le bruit de la terre, les criquets, les cailles et tous les oiseaux commencèrent à chanter leur hymne matinal, leur adoration de la journée nouvelle. Tandis que le soleil se levait, l’être se confondait avec cette lumière, abandonnant toutes les constructions de la pensée. Il s’oubliait complètement, le psychisme vidé de ses luttes et de ses douleurs. Dans cette montée, cette escalade, nous n’avions plus la sensation d’être séparés, ni même celle d’être humains1… »

 

Jean Michel est venu pour nettoyer les emplacements et les vasques, planter le cerfeuil (à mi-ombre) et l’origan que j’avais pris à Rémi, sous la halle de Neuvic.

 

1 Krishnamurti, Jiddu; Maroger, Marie-Bertrande; Maroger, Diane. Dernier journal (Carnets DDB) (French Edition) (p. 19). Desclée De Brouwer. Édition du Kindle.

 
 
 

 
 
 
 

Mardi 23 mars 2021

 
 
 

Hier soir, j’écoutais enfin le Rigoletto de Giuseppe Verdi que je recevais il y a plus d’une semaine. C’est la version que nous écoutions chez Neyrat-Montaigne avec Michel. Enregistrement réalisé à La Scala de Milan, avec une prise de son spaciale et limpide, datée de 1964 ! Une version splendide avec Carlo Bergonzi dans le rôle du Duc de Mantoue, Rigoletto étant incarné par Dietrich Fischer-Dieskau et Gilda par Renata Scotto, sous la magnificente direction de Rafael Kubelik. Si longtemps après, se replonger dans ce plaisir dont nous usions et abusions ! Un vinyle n’a pas la résistance d’un CD, nous les laissions craquants d’épuisement malgré la haute qualité du matériel d’écoute.

 

Quelle chance pour un petit paysan, d’avoir aimé la musique dite classique, magnifique compagnie pour chaque temps de vie. Ce matin c’est un enregistrement de Michel Plasson avec l’Orchestre du Capitole de Toulouse dans des poèmes symphoniques français : Paul Dukas, César Franck, Camille Saint-Saëns, et quelques raretés superbes de Silvio Lazzari et du trop oublié Henri Duparc. Qui connait Léonore et Aux étoiles ?

 

Laurent part demain en formation, en Occitanie, il ne pourra donc pas être des nôtres pour les Journées biodiversité, de la fin mai, à Manzac-sur-Vern. Mais c’est sa chance de retrouver un emploi qualifié. Le petit écureuil, la mésange et le petit rouge-gorge vont se sentir abandonnés. Je pense que bien de ses admiratrices vont trouver difficile son absence ! J’en suis un peu triste, mais la vie est mobile, pas statique.

 

Dans une correspondance avec le compositeur Anthony Girard, je lui contais ce qui était advenu, il y a bien des années, au ‟Festival Musique en Sol” de Paunat :

 

La musique n’a pas reçu de révélation pour devenir stridente et faire fuir les chats. Bernard Hautefort souhaitait intercaler au cœur du concert classique ou romantique, une œuvre dite moderne ou actuelle, Schoenberg, Stravinsky et cette fois-là Pierre Boulez, avec une pièce intitulée Messagesquisse pour violoncelle solo et six violoncelles. 

 

J’étais assis dans un des premiers rangs de gauche, de l’autre côté de l’allée centrale, à droite, en face de moi, il y avait l’ambassadeur d’Angleterre et son épouse, qui avaient une résidence secondaire à Limeuil. Derrière lui, Bernard Hautefort, directeur et fondateur du Festival. Derrière moi, était assis avec Luce, Bernard Petit, un camarade de lycée extrêmement frondeur ; il composait chez lui avec de vieilles batteries de cuisine et autres ustensiles de récupération une œuvre parallèle à celle de Pierre Boulez qu’il enregistrait, pour se foutre de lui.

 

Cette pièce donnait l’impression, en plein mois d’août, des agaceries de 7 mouches énervées, pourchassées par une rombière excitée agitant son appareil à fly-tox, pour tenter de les éliminer. On grinçait un peu des dents, accablés par les sifflantes en courbes ascendantes et descendantes dans un silence absolu, qui s’apparentait à de la consternation. Exception faite de quelques bobos parisiens, initiés à l’imbécilité régnante, les pauvres paysans périgourdins se demandaient ce qui leur arrivait : jamais leurs vaches, leurs cochons et leurs poules en fureur n’arrivaient à de semblables stridences. Nous devions être environ 400 personnes abasourdies.

 

On espérait toujours la fin de ce carnaval des animaux, version insecte, mais après chaque chute, voilà que ça repartait de plus belle. Puis à moment donné, mon camarade Bernard ayant compris, je ne sais comment, qu’enfin ce vol du bourdon réactualisé était terminé, s’écria tout haut dans l’abbatiale, à la sidération générale, et surtout la mienne qui l’avait amené jusque-là :  « Cà y est, la mouche est morte ! » Applaudissements maigrelets du coup. Inutile de dire la tête du président ! Seul l’ambassadeur d’Angleterre resta impassible !

 

Temps magnifique, marché de Manzac-sur-Vern déserté, engageant le découragement de plusieurs exposants, Isabelle les encourageant à la patience. En attendant, elle nous faisait découvrir sa confiture de fleurs de pissenlits qui une fois encore, se révèle un bonheur gustatif !

 

Dans son Dernier Journal, Krishnamurti, à la date du 28 février 1983, inscrit : « Vous avez dit et répété tant de fois que l’esprit, ou, si vous préférez, le cerveau, doit être calme, se vider de son savoir amassé, non seulement pour être libre, mais afin de comprendre quelque chose qui ne tient pas du temps, ni de la pensée, ni d’une action. Vous l’avez dit de maintes façons dans la plupart de vos causeries, et je trouve terriblement difficile d’en saisir non seulement l’idée, dans toute sa profondeur, mais aussi cette sensation de calme vide, si l’on peut l’appeler ainsi. Je n’ai jamais su m’orienter dans ce domaine. J’ai essayé différentes méthodes pour mettre fin au bavardage du cerveau, à sa constante préoccupation, celle-là même qui engendre ses problèmes. Au cours de l’existence, nous sommes happés par tout cela. C’est là notre vie quotidienne, monotone : les conversations familiales, et, quand ce ne sont pas des bavardages, il y a toujours un livre ou la télévision. L’esprit semble exiger d’être occupé, d’aller d’une chose à une autre, de savoir en savoir, d’activité en activité, dans le mouvement éternel de la pensée1… »

 

En contraste absolu, au retour d’un long voyage, Krishnamurti arrive à Ojaï : « On vient ici depuis soixante ans, et chaque fois qu’on y entre, on est étonné. La vallée est calme, presque intacte. Elle est comme une vaste coupe, un nid. Puis l’on quitte le petit village, et l’on grimpe à environ 350 mètres, en traversant une multitude d’orangeraies et de sous-bois. L’air embaume la fleur d’oranger. La vallée entière est emplie de ce parfum qui pénètre dans votre esprit, dans votre cœur, dans tout votre corps. Vivre dans un parfum qui durera trois semaines ou davantage est une sensation extraordinaire. Et il y a ce calme dans les montagnes, cette gravité2… »

 

Benoit Perret, dans une publication sur Facebook ne disait pas autre chose : « Connexion aux esprits de la nature avec mon handpan accordé en ré mineur celtique… même lieu magique… j’ai fait le pari de me laisser inspirer par les énergies de la nature pour composer des mélodies à la fois douces, sauvages, méditatives et de laisser mon mental de côté. Entre musique de la nature et musique cosmique… ». 

 

1 Krishnamurti, Jiddu; Maroger, Marie-Bertrande; Maroger, Diane. Dernier journal (Carnets DDB) (French Edition) (p. 15). Desclée De Brouwer. Édition du Kindle.

2 Krishnamurti, Jiddu; Maroger, Marie-Bertrande; Maroger, Diane. Dernier journal (Carnets DDB) (French Edition) (p. 14). Desclée De Brouwer. Édition du Kindle.

 
 
 
 

 

 
 
 

Lundi 22 mars 2021

 
 
 

Je reçois ce matin ce message de Lionel, après qu’il eut pris connaissance de mon texte du 17 mars dernier, sur les annotations du Journal de Michel Valprémy :

 

« Bien cher Alain, j’ai lu les extraits du Journal de Michel V. et ta réponse. Il est toujours horrible de constater ce qui se niche dans les replis de l’âme humaine. Eût-il pensé certaines choses que l’humanité lui eût alors dictées de ne les pas écrire, et je n’excuse pas même le fait qu’il les ait pensées. Disons simplement que nous n’avons pas lui et moi la même conception de l’amitié, et que c’est un être à la C. comme tu en as déjà pas mal croisé sur ton chemin. S’il est décédé, paix à son âme, je ne hais pas les morts, mais reconnaissons que ce n’est pas un être d’une grande richesse. Je te redis quant à moi mon affection sincère et te souhaite une belle journée. Avec toute mon amitié. »

 

Je l’admets, j’ai pu développer quelques relations avec des êtres abjects, au comportement à connotation perverse résultant d’une fascination narcissique. Avec le temps, j’ai appris à les tenir à distance comme une sorte de malédiction que m’aura révélée la psychanalyse ; cependant, il me vient parfois assez de ressentiment pour leur souhaiter un sort identique à celui advenu à Michel.

 

Olivier au jardin. Et comme toujours un immense travail réalisé. La disparition chaque année de plusieurs végétaux – éclaircissement ressemblant singulièrement à celui que nous impose la vie dans nos relations – dans nos forces, accentue la beauté et l’harmonie de ce qui demeure, plus aérée, et qui encore demain se raréfiera… Symbole de la vie elle-même qui nous échappe chaque jour davantage.

 

Pour s’offrir toujours plus de détachement, de lâcher-prise, il suffit de se replonger dans les méditations de Krishnamurti, arrivé au seuil du grand départ, consignées dans son Dernier Journal, à la date du 25 février 1983 : « Près de la rivière, il y a un arbre que nous avons regardé jour après jour, pendant plusieurs semaines, au lever du soleil. […] Si vous établissez un rapport avec lui, vous êtes en rapport avec l’humanité. Vous devenez responsable de cet arbre et de tous les arbres du monde. Mais si vous n’êtes pas en relation avec les êtres vivants de la terre, vous risquez de perdre votre rapport à l’humanité, aux êtres humains. Nous n’observons jamais profondément la qualité d’un arbre ; nous ne le touchons jamais pour sentir sa solidité, la rugosité de son écorce, pour écouter le bruit qui lui est propre. Non pas le bruit du vent dans les feuilles, ni la brise du matin qui les fait bruisser, mais un son propre, le son du tronc, et le son silencieux des racines. Il faut être extrêmement sensible pour entendre ce son. Ce n’est pas le bruit du monde, du bavardage de la pensée, ni celui des querelles humaines et des guerres, mais le son propre de l’univers[1]… »

 

[1] Krishnamurti, Jiddu; Maroger, Marie-Bertrande; Maroger, Diane. Dernier journal (Carnets DDB) (French Edition) (pp. 9-10). Desclée De Brouwer. Édition du Kindle.

 
 
 

 
 
 
 

Samedi 20 mars 2021

 
 
 

Un premier jour de printemps glacial ! Il ressemble en pire aux précédents, temps qui me chasse du jardin et m’éprouve.

 

Jeudi après-midi, Béatrice revenait d’une promenade avec sa petite-fille, je me suis avancé pour parler de la santé de Pierre Benito. Catastrophique ! Il est hospitalisé pour la troisième fois. Elle reste persuadée qu’il ne reviendra pas chez lui, aux Rolphies, car son état empire et il n’est plus maître de ses faits et gestes. J’en suis demeuré sidéré. Entre Frugier, anéanti par son parkinson et Pierre par sa dégénérescence mentale, on se demande s’il fait vraiment bon vieillir ici ?

 

Par contre, mercredi en soirée, la visite de Yannick Rolland, pour finaliser l’interview qui sera publié dans la revue dématérialisée Ô Nature de Sandrine Bureau, m’a confirmé dans l’estime que j’ai pour ce jeune maire qui possède une très belle personnalité. C’est un être pur qui n’a rien d’un politique. Sa lucidité m’impressionne. J’espère qu’il puisse avoir tort sur la probable fin de notre civilisation corrompue par le capitalisme et qui va affronter les violences destructrices du réchauffement climatique. Si je pense à ces adorables gamins de 3 ou 4 ans, Léo, Diego, que je vois le mardi sur le marché de Manzac, et encore à ceux de ma famille, aux multitudes que j’imagine, cela me brise le cœur.

 

« La joie que j’ai dans mon cœur… je la touche et je la perds dans le même instant parce que je ne peux pas la partager avec tous. Qu’on m’accuse alors d’avoir trouvé une joie plus terrible que délicieuse, j’en suis fier. Mes délices demeureront quand ils seront communs. Mais quand la misère m’assiège… Et elle est partout dans le monde, mêlée à une sorte de folie. Les hommes ont créé une planète nouvelle: la planète de la misère et du malheur des corps. Ils ont déserté la terre. Ils ne veulent plus ni fruits, ni blé, ni liberté, ni joie. Ils ne veulent plus que ce qu’ils inventent et fabriquent eux-mêmes. Ils ont des morceaux de papier qu’ils appellent argent[1]. »

 
 
 

 

Mercredi 17 mars 2021

 
 
 

 

Un Verdier s’est cogné sur la baie vitrée de la cuisine, pourtant peu transparente. Je l’ai posé sur la petite table du jardin afin qu’aucun chat ne vienne profiter de son étourdissement. Remis du choc, alors que je m’approchais pour le caresser, il s’est envolé !

 

Je pensais trouver dans le Tome premier du Journal de Michel, nos années de fin d’études secondaires. L’ouvrage annonce que ces notes ont été détruites. Voici ce qu’il écrit sur une rencontre postérieure au Bac, à son domicile dont je n’ai aucun souvenir. Il parle d’un Pierre G. qui était présent que je ne devais pas connaître, qui d’après ce que dit Michel s’est alarmé de ses propos désinvoltes, à mon encontre, ce que nous apprenons par sa première note de 1986, donc postérieure à 1968, date des faits.

Sa seconde note est des plus dégoûtantes et conforte le comportement inélégant qu’il pouvait avoir, rejoignant ici des disgrâces verbales que je ne reproduirais pas et une écoeurante manigance avec notre professeur de français. L’écrivain c’était lui et je ne pouvais pas être, comme c’était toujours le cas, premier en français, sur les quarante élèves que nous étions.

 

Je reconnais ne pas être devenu un de ses admirateurs, comme danseur ou comme écrivain publié, mais hermétique pour moi. Je ne me souviens pas d’avoir été désobligeant avec lui. Il lisait mille fois comme moi, mais j’ai préféré aux exhibitionnistes, Anatole France, Paul Morand, Léon-Paul Fargue, Joseph Delteil, Fernando Pessoa, Paul Nizan, Julien Gracq, Pierre Bergounioux…

 

Voici ce qu’il écrit dans son Journal 1[2], à la date du 17 février, 1968 : « Périgueux. Promenade solitaire sur un ciel royalement pur ; reprendre le chemin du lycée pour quelle sensation… manquée ? Visites de Pierre G. et Alain J..* Je me présente comme au spectacle, volontairement déconcertant, ironique, j’étais incapable de me retenir. J’accusais Alain de manquer d’originalité et le blessai. Porte claquée, fuite. J’ai ensuite porté quelques phrases à Pierre pour m’expliquer.**

 

  • * Un ami du lycéen, petit, maigre, fort laid. On partageait le goût de la musique, de l’opéra en particulier. Il composait. Ce fut mon premier lecteur. Rien d’ambigu entre nous (02-1986).
  • ** À Bordeaux, j’avais découvert un autre monde. Je sortais de moi. J’affichais ce « nouvel être » avec insolence. (02-1986) »

 

On serait content à moins ! Petit et maigre sont d’une parfaite exactitude et combien cela m’aura valu de piques et de brimades ? Mais était-ce bien utile d’en faire rappel en permanence comme si je l’ignorais ? Ces deux vérités pourraient justifier la troisième appréciation, sauf qu’elle était inexacte, à cette époque tout au moins ! On se demande pourquoi liquider ainsi un être en le renvoyant à l’inexistence ?

 

Peut-être Michel donne-t-il lui-même la raison de cette cruauté à la page 29, citant deux vers de Toi et moi de Paul Géraldy : « en toi ce que je déteste/c’est le mal que je te fais[3]. »

 

Le premier mot, reçu de Michel que je retrouve, date du 3 novembre 1995 (donc postérieur à sa note de 1986 : « Merci de ton petit mot, cher Alain. Nous reverrons-nous un jour ? Il est loin le temps des JMF, des disques achetés chez NEYRAT, chez ‟Juliette”. Qu’est devenu monsieur ROLLAND ? Je n’ai gardé aucun lien avec les années de lycée. Des noms parfois effleurent, des visages, des paroles, des anecdotes. Personne ne les a jamais exprimés. Je n’en ai pas parlé. Protège ton jardin. Ne m’oublie pas. Ton ami, Michel. »

 

Enfin, voici le contenu du second petit mot, daté du 19 février 2000 : « Cher Alain, merci pour ton petit mot d’après tempête ; la trouille de ma vie. J’ai pensé, je pense à ton jardin. Qu’en est-il ? Ici, les dégâts sont réparables, la toiture surtout a souffert. Porte-toi bien. Si tu viens à Bordeaux, fais-moi signe. (Entendu ce matin un extrait de La Périchole : AMADE, LAFAYE, MARKÉVITCH que nous écoutions dans notre jeunesse). Bien tien, Michel. Tu m’écriras quand tu auras lu Les Baigneurs[4]

 

Mais avant 1995, d’autres pervers narcissiques avaient pris la relève de cet ami très cher. Grâce à mon psychanalyste et au très populaire ouvrage de Marie-France Hirigoyen,  je fis un carnage professionnel sur cette catégorie sociale moins rare qu’on ne le pense.

 
 
 

Lundi 15 mars 2021

 

 

 

André Gide dans son Journal, à la date du 27 septembre 1942 nous confie : « Les peuples, autant que les individus, s’abêtissent dans la paresse. Il n’est pas de doctrine plus funeste que celle du moindre effort. Cette sorte d’idéal qui invite les objets à venir à nous au lieu que nous allions vers les objets méconnaît le « vires acquirit eundo[5] » ; et je crois, en cela du moins, la morale des peuples protestants plus virilisante que celle des catholiques ; encourageant mieux l’effort[6] .»

 

L’effort, lorsqu’il se manifeste, trouve des dérives navrantes, ainsi que René Barjavel l’observe dans son Si j’étais Dieu : « Je lui avais donné les arbres pour lui réjouir les yeux et lui enseigner l’obstination et la patience. Et J’avais mis sur les arbres les oiseaux, pour l’enchantement de ses oreilles et de son cœur. Il coupe les arbres et tue les oiseaux[7]. »

 

Voudrions-nous désespérer ?

 

[1] Giono, Jean. Les vraies richesses : (*) (Les Cahiers Rouges) (French Edition) . Grasset. Édition du Kindle.

[2] Michel Valprémy, Journal 1 (1965-1980), Villegouge, Les Amis de Michel Valprémy, 2015, p. 25.

[3] Ibid., p. 29

[4] Michel Valprémy, Pablo, les baigneurs, Opales, 1998.

[5] L’épigraphe choisie par Montaigne comme devise pour ses Essais renvoie à une formule de Virgile : viresque acquirit eundo, qu’on peut traduire littéralement par : « et elle acquiert des forces en allant ». 

[6] Gallimard, Gide André. Journal 1942-1949 (French Edition) (pp. 23-24). Distributed Proofreaders Canada. Édition du Kindle.

[7] Barjavel, René. Si j’étais Dieu (French Edition) (p. 23). FeniXX réédition numérique. Édition du Kindle.

 
 
 

 
 
 
 

Dimanche 14 mars 2021

 
 
 

En fin de journée, à 18 h 00, pour la première fois de l’année, j’entends le coucou, comme je cesse mes travaux de jardinage ! La marche de ce matin en raison de ce temps contrasté et frais m’a fatigué, sur sa fin. Cependant cet après-midi, j’aurais taillé mieux que je ne l’aurais pensé.

 

Comment ne serions nous pas touchés par l’amour tendre que l’artiste photographe, Laurent Bessière, voue au monde animal, dont les oiseaux qui viennent manger dans sa main ? À l’opposé, André Gide, note dans son Journal, le 22 juin 1942 : « Des enfants arabes ont fait jouet d’un petit oiseau. Ils le traînent au bout d’une ficelle, attaché par une patte, et s’amusent des vains efforts que l’oiseau fait parfois pour leur échapper. J’hésite à le leur enlever ; mais l’oiseau déjà moribond ne peut survivre ; ce ne serait que pour l’achever au plus vite, lui épargner une plus longue agonie. Et je me demande quelle triste « représentation » du monde aura bien pu se faire ce passereau tombé du nid, durant ce court temps de souffrance et de refoulements ?1… » Nous sommes des êtres assez bruts, cruels, qui doivent acquérir un peu de civilisation, mais jusqu’où ?

 

Une certaine dose d’aliénation, souvent conduite par la peur est notre lot, et pour un certain nombre, leurs destins. C’est encore André Gide qui l’écrit le 1er juillet 1942 : « …l’excellent Père X., par exemple (que j’aime et vénère), cherchant à restaurer en nous le sens du sacré et à obtenir de nous une soumission de l’esprit, sans examen ni contrôle, à une autorité intangible, à des vérités reconnues par avance et échappant à la discussion — que cette route, dis-je, est aussi dangereuse pour l’esprit que celle même de l’hitlérisme, à l’encontre duquel il se dresse, et peut-être plus dangereuse encore, et je vous dirai tout à l’heure pourquoi. C’est au nom de ces vérités admises et indiscutées, que l’Église condamnait naguère Galilée, et que demain… Tout l’effort d’un Descartes, d’un Montaigne même, sera-t-il à recommencer ? L’on avait cessé de comprendre en quoi, pourquoi, cet effort avait été si important, si libérateur. On ne peut opposer au despotisme qu’un autre despotisme, il est vrai, et le Père X. a beau jeu de soutenir que mieux vaut se soumettre à Dieu qu’à un homme ; mais, pour moi, d’un côté comme de l’autre je ne consens à voir qu’une abdication de la raison. Pour échapper à un péril très évident, nous nous précipitons vers un autre, plus subtil, non encore apparent, mais qui, demain, n’en sera que plus redoutable. Et c’est ainsi que viennent à sombrer, d’une manière qui cesse vite d’être compréhensible, les civilisations qui paraissent les mieux établies2… » 

 

C’est bien une semblable réflexion qui m’a fait m’éloigner des mormons. Élisée Reclus n’en disait pas autre chose, sur cette croyance particulière, Gide l’exprimait, lui, globalement :

 

« D’ailleurs les rites de l’initiation mormone qui font partie du culte religieux sont de nature à supprimer en germe toute pensée d’indépendance chez les fidèles. Les mormons doivent jurer une obéissance absolue, implicite, non discutée, à Brigham Young et aux chefs de l’église  ; ils promettent, sous les serments les plus terribles, de sacrifier famille, fortune et vie au bien-être de la communauté, jurent de renoncer à leurs propriétés en faveur de l’église, quand le moment en sera venu  ; ils s’engagent à ne jamais discuter les ordres, même les plus infâmes en apparence, à commettre jusqu’aux crimes d’impiété et de trahison pour plaire à leurs chefs3… »

 

Un article du Monde, daté du 7 mars 2012, au sujet des élections américaines, s’intitulait : Mitt Romney, les tribulations d’un mormon en France. J’ai vu Mitt Romney au moins une fois à Périgueux, probablement en 1967 ou 1968, alors qu’il rendait visite aux premiers missionnaires que je venais de rencontrer, Elder Paul Clint et Elder Paul Peterson. Il était alors affecté à Bordeaux-Talence. Sa mission entre 1966 et 1968 a été marquée par un fait dramatique dont j’avais connaissance, mais pas dans son détail. Sa mission, curieux apprentissage politique, l’aura peut-être aidé à être un gouverneur Républicain surprenant par ses innovations sociales et sa prise immédiate de distance avec Donald Trump, ce qui lui fait grand honneur. Mon ami Guy Moran, de New York, un rare démocrate mormon, ne cache cependant pas, son admiration pour lui.

 

« Une route nationale qui serpente dans la campagne bordelaise, un virage serré à l’entrée du village de Bernos-Beaulac devant un bureau de poste rural. C’est dans ce paysage banalement français que, le 16 juin 1968, a failli s’arrêter net la carrière de Mitt Romney, probable adversaire de Barack Obama et potentiel futur président des États-Unis. Une Mercedes a déboulé en sens inverse et a manqué le tournant. Elle a heurté « de plein fouet » la DS 21 conduite par le jeune missionnaire mormon Romney, alors âgé de 21 ans, « fils du gouverneur du Michigan, aux États-Unis », précise à l’époque le quotidien Sud Ouest. Sur le coup, un gendarme écrira : “Il est mort sur le passeport du jeune prosélyte américain. En réalité, Mitt Romney s’en tirera avec un bras cassé. Mais Soeur Leola Anderson, l’épouse du président de la mission mormone de Paris, Duane Anderson, lui-même blessé, laissa sa vie dans l’accident. 4» Fait exceptionnel, le jeune Mitt Romney remplaça, momentanément, le président retourné aux États-Unis pour le service funèbre de son épouse. Fait quelque peu surréaliste dans ce drame, la Mercedes fautive était conduite par un prêtre catholique, passablement alcoolisé !

 

1 Gallimard, Gide André. Journal 1942-1949 (French Edition) (p. 13). Distributed Proofreaders Canada. Édition du Kindle.

2 Gallimard, Gide André. Journal 1942-1949 (French Edition) (p. 14). Distributed Proofreaders Canada. Édition du Kindle.

3 Reclus, Élisée. Le mormonisme et les États-Unis (French Edition) . UNKNOWN. Édition du Kindle.

4 Philippe BERNARD, Mitt Romney, les tribulations d’un mormon en France, Le Monde du 7 mars 2012.

 

 
 
 

 
 
 
 

Samedi 13 mars 2021

 
 

Les deux disques généreusement reçus d’Aline Piboule, amie de la violoniste Stéphanie Moraly et du pianiste Romain David, sont à ranger parmi les meilleures interprétations possibles d’œuvres trop rares au disque comme au concert. Il y a chez elle une intériorité pleine de délicatesse, ses interprétations respirent et la technique n’est qu’un support à l’âme de ces partitions subtiles ! Et voilà même que je me surprends à aimer la musique pianistique de Fauré, que je goûtais peu jusqu’alors, exception faite du merveilleux disque de Billy Eidi, interprétant les treize barcarolles, chez Timpani.

 

Temps de giboulées, changeant et désagréable. Si hier j’ai pu, malgré tout, entreprendre avec succès la taille d’un rosier liane, en forme de jet d’eau, aujourd’hui rien ne fut possible.

 

Manzac-sur-Vern devient une ville fleurie du Périgord blanc. Ce matin, les adjoints et conseillers municipaux fédérés et engagés, sous l’égide de leur maire, Yannick Rolland, sous l’œil enthousiaste du maire de Jaure qui traversait le village, ont procédé à une étape importante de leurs engagements de campagne municipale. Plantation, sur la longueur de la traversée du bourg, d’amélanchiers au port gracieux et léger, à la floraison mellifère, et à la fructification en grappes pourpres violines, garantie de délices pour les oiseaux, pourvoyeuses de suaves gelées à qui s’arme de patience. S’y ajoutèrent des iris, de robustes vivaces et un abondant semis de fleurs sauvages favorisant l’activité pollinisatrice des abeilles et insectes. Ce grand travail s’ajoutant aux parterres de jonquilles variées, de tulipes multicolores face à l’église et en amont du restaurant Le Lion d’Or. Ce village devient UN RUCHER. Il cesse d’être un simple lieu de passage entre Périgueux, Marsac, Saint-Astier et Villamblard, Vergt, Bergerac…

 

Compost de Michel Valprémy se referme sur une chronologie qui m’évoque, en effet, bien des souvenirs, déjà du second prénom de mon camarade qui me paraissait impossible à porter, Angel. J’apprends que c’était celui de son grand-père paternel. La famille habitait à Périgueux, mais séjournait, au temps des vacances dans le ribéracois, à Douchapt, chez Angel et Marie dite « Texille ». J’ai connu la grand-mère de Michel qui ne disparaitra qu’en 1979, nonagénaire. C’était une femme de la campagne sans façon, courageuse et aimante. Michel dans une lettre à Joëlle D. décrit fort bien l’ambiance modeste de la campagne d’autrefois, que j’ai connue chez mes propres grands-parents, à Coulounieix. La relation très émouvante qui l’attachait à sa grand-mère Marie est relatée dans une lettre à François Huglo que celui-ci reprend dans L’entrevoyant (Interview semi-imaginaire) qui ouvre Compost : « Scène. C’est la fin du repas chez mémé ; je suis toujours assis à côté d’elle ; c’est ma place, le dos à la cheminée. Je pose la tête sur les genoux de mémé qui sont un coussin noir. Mémé ne bouge pas. C’est notre moment de tendresse, moment élu. Je soulève le «tombant» de la toile cirée qui est un peu usée à cet endroit. L’usure de la toile, petites pastilles, miettes, écorchures comme des nids de vers, d’insectes, dessine une géographie miniature qui laisse passer la lumière (la toile n’est pas déchirée, il n’y a pas de trous, d’accrocs, la trame est intacte), une lumière chaude, d’or et de miel1. »

 

Gémeaux, nés à quelques jours d’intervalle, nous eûmes des amusements d’adolescents moqueurs ; nous étions d’insupportables taquins vis-à-vis de nos professeurs et en particulier de notre pauvre professeur de mathématique, Landrau, que nous nous appliquions à faire «chevrer», sans pitié. Je le raconterais, sans doute, un jour. Nous verrons si Michel aborde le sujet dans le premier volume de son Journal.

 

Mais en ces lieux ma fascination fut vite pour Albert Gazier, guérisseur, rosicrucien, qui voyait nos auras et dans nos pupilles, nos maladies. Albert faillit faire de moi son associé en herboriste. Je le suivais parfois dans ses consultations. Toujours est-il qu’il m’aida pour ma propre santé et sauva ma grand-tante Marthe Geoffre, que nous aimions tous tendrement, d’une septicémie, dont elle se mourrait à l’hôpital de Périgueux.

 

Autre détail, dont je ne me souvenais pas, c’est que vers 1955, dix ans avant que nous sympathisions au Lycée Bertran de Born, Michel avait pris des cours de danse avec Pierre Chatel, jeune danseur de l’Opéra de Paris, paralysé par la sclérose en plaques. Ensuite comme je le note à la date du 10 août 1985 dans le troisième volume de son Journal, c’est la visite de Madame Frapin qu’il reçoit à Douchapt, lors de laquelle il accepte sa proposition de donner des cours de danse à Périgueux. Je n’ai pas connu son temps d’obésité, mais la fin de sa période noire, vêtements et repli, volets fermés, dans sa chambre. Il commence son journal en 1965, à l’époque où nous nous connûmes. Il n’est donc pas impossible que je me retrouve dans les pages du Journal 1 (1965-1980), et il se peut même, cruellement !

 
 

Jeudi 11 mars 2021

 
 

La revue Euterpe 36 va être distribuée. Ce matin, j’adressais les étiquettes à Étienne. Le sujet m’intéresse particulièrement, Les compositeurs étrangers en France de 1918 à nos jours. L’École de Paris sera abordée par son spécialiste, le québécois Federico Lazzaro dont j’attends la bible sur le sujet, publiée chez Vrin, Écoles de Paris en musique 1920-1950 : identités, nationalisme, cosmopolitisme. Mon abonnement au Monde m’a permis de noter la tristesse de René Dumesnil au moment de la disparition, à 56 ans, du hongrois Tibor Harsanyi (1898-1954) : « Harsányi a des droits que sa modestie l’empêchait de rappeler. Il a aimé le pays qu’il avait adopté; en 1939 il s’engagea pour le servir et lui témoigner ainsi sa reconnaissance. Un noble cœur, un musicien pur, qui laisse chez tous ceux qui l’approchèrent plus qu’un regret, presque un remords : n’avoir pas eu, à cause de sa discrétion, assez d’occasions de lui montrer qu’on l’aimait.2 » La musicologue France-Yvonne Bril ne cachait pas son admiration pour ce compositeur qui vivait dans des conditions d’une grande modestie à Paris, dans une pièce unique. Alexandre Tansman, son collègue de l’École de Paris, écrivait à son sujet dans ses mémoires, intitulées Regards en arrière : « Jamais je n’aurais cru qu’il vivait dans une pareille pauvreté. Musicien de très grand talent, il était loin d’occuper la place qu’il méritait. Cela créa en lui une certaine amertume, mais, sous son aspect ironique et mordant, il gardait un cœur d’or… » Ses maîtres dans son pays d’origine, Zoltán Kodaly et Bela Bartók avaient souhaité lui inculquer le goût de leur rigoureux travail ethnomusicologique, mais il se sentait davantage héritier de l’esthétique de Brahms et Reger, se tenant à l’écart des trop grands individualismes qu’incarnaient Wagner, Schoenberg et Debussy. Enfin, après un si long silence, Naxos a proposé ces dernières années un disque de musique de chambre et voici l’intégralité de son œuvre pianistique enregistrée chez Grand Piano par le compositeur et pianiste Giorgio Koukl. Ainsi il nous est permis d’entendre sa Sonate pour piano de 1926 et le fabuleux Tourbillon mécanique écrit pour l’Exposition universelle de 1937.

 

Qui se souvient de ce merveilleux conte pour enfants qui fit sa gloire, Histoire du petit tailleur. Pourquoi ne le joue-t-on plus, à l’égal du Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns ou de Pierre et le loup de Sergueï Prokofiev ?

 

René Dumesnil nous rappelle ce petit drame musical en 1 acte composé également pour l’Exposition universelle, de 1937, Les Invités, qu’il qualifie de chef-d’œuvre : « Il y a en effet dans Les Invités un tel accord entre la partition et un sujet si neuf, si étrangement difficile, proposé par J.-V. Pellerin (il touche aux rapports du subconscient et de l’action), que bien peu de musiciens eussent été capables de réussir ce qu’osa tenter Harsanyi : laisser parler la musique pour faire comprendre le cheminement de la pensée dans le rêve.3 »

 

Ayant commandé le volume 1 (1965-1980) du Journal de Michel Valprémy, je reçois le volume 3 (1985-1994). Combien de volumes sont parus ou à paraître ? D’après mes recherches, probablement quatre volumes. Le vendeur a retrouvé le volume 1. J’en aurais donc au moins deux sur quatre, car l’association des Amis de Michel Valprémy me semble en sommeil. J’ai laissé un mail au gestionnaire du blog qui lui est consacré et qui est très remarquable.

 

Je viens à 22 h 00 de terminer une conversation téléphonique avec mon ami Lionel Pons lors de laquelle nous avons évoqué Tibor Harsányi, l’École de Paris, Bohuslav Martinü… Le final « Di si felice innesto »,du second acte du Barbier de Séville de Rossini, sous la direction de Claudio Abbado, sonne l’heure des braves.

 
 

Mercredi 10 mars 2021

 
 

Effondré au retour du marché d’après-midi, hier, à Manzac. Deux policiers sont venus s’installer entre la mairie et le marché. À vos masques ! Demeurez muselés même au grand air !

 

Le grand-père de Léo qui offre les premiers frissons à son petit-fils, lui faisant, pour sa grande joie, bien qu’accompagné, conduire sa mobylette sur le trottoir et le parking, fut le premier apostrophé et inquiété. Le plus jeune des gens d’armes si joyeusement fustigés dans Geneviève de Brabant par Jacques Offenbach, n’est pas fait, à mon avis, pour la Wehrmacht et ne restera pas dans les rangs de l’écurie fascisante. Par contre le gaillard qui l’accompagnait s’en donnait, semble-t-il, à cœur joie. Avant de s’attaquer à d’autres, il semblait vouloir s’acharner sur ce pauvre grand-père, démasqué dans son amour pour le petit bout de choux dont il égaye l’éveil à la vie. Je restais sidéré, écœuré par cette scène. Lorsque j’exerçais les prérogatives policières de mon métier, c’était pour protéger la veuve et l’orphelin des prédateurs, des exploiteurs. J’ai su plus tard que cela c’était fort judicieusement et humainement terminé, autour d’un verre amical, à l’épicerie.

 

Pendant mes vacances scolaires, je passais d’heureux moments chez mes grands-parents. Mon grand-père Jean Léopold, qui était cantonnier à la Ville de Coulounieix, souvent m’amenait sur le porte-bagage de sa mobylette. Et une fois installé sur les talus des routes qu’il entretenait soigneusement, je comptais les voitures peu nombreuses à l’époque. Quelles joies j’avais à noter le passage des merveilles de la série princière de Simca : Vedette, Trianon, Régence, Marly, Beaulieu, Chambord et mieux encore Versailles ! En ce temps, nous n’étions pas envahis par une foule policière. Mon grand-père les connaissait et ils se saluaient amicalement.

 

À croire que la France néo-libérale et criminelle a formaté une race à part, venant du peuple, parmi les moins instruits, qui s’entend à confondre « assurer l’ordre », avec exercer une revanche, étaler son désir de puissance, se conduire comme de gros bourrins, s’affirmer ennemis de sa propre classe sociale, totalement servile aux exploiteurs.

 

Cela a gâché le plaisir que j’ai eu à partager la bonne humeur de tous ces braves gens qui proposent le nécessaire à vivre, avec le retour attendu de notre joyeuse et courageuse Josette, aussi querelleuse que sexy !

 
 

Lundi 8 mars 2021

 
 

La naturopathe Sandrine Bureau nous proposait de faire une petite marche de santé avec le docteur Louis Fouché, grâce à une courte vidéo intitulée Après la pluie. Il ne croit absolument pas à l’hypocrisie destructrice du Capital et en dénonce les conséquences désastreuses pour l’individu : « il faut bien détruire pour recréer quelque chose… “disrupter”… “disruptons” jusqu’au bout ce système de merde qui ne créait que l’inégalité, que du pouvoir, de la domination, qui créait de la brutalité, de la violence, qui sépare les gens les uns des autres, qui créait des gens tout seul, juxtaposés les uns aux autres… »

 

Dans un texte percutant, suggestif, inspiré, François Huglo, ami de Michel Valprémy, l’avait parfaitement défini, lors de la création de l’association qui lui est dédiée : « Ce que cherchent à diffuser ces amis, en élargissant le cercle et en permettant aux «œuvres vives» d’émerger, c’est la chance d’avoir connu, par la lecture et parfois la rencontre, l’échange, de vive voix, un artiste rare et familier, tonique et paradoxal. Un ascète espiègle. Un théâtreux monacal. Un sage à l’école (et à l’écoute) des fous. Un athlète compatissant. Un précieux primesautier. Un moderne archaïque. Un citadin bucolique. Un désespéré hilare. Un poète qui écrit peu de poèmes. Un critique exigeant qui n’a jamais écrit une note critique. Un arbitre des élégances qui fraternise avec les clochards, les travestis, les prostituées. Un écrivain dont les œuvres ramifient en diverses directions un journal secret. La jouvence des mots usés. La sève, l’eau croupie. L’oiseau, la charogne. Une prose qui, comme on le dit de certains crûs, ne se pisse pas, s’éjacule. La langue en miettes, la langue en sauce. Le noyau, la pulpe. Souple, incorruptible. Sociable, sans concession. Chenapan janséniste. Une exception où chacun peut se reconnaître. Multiple, unique. Pas plus contradictoire que l’acier : deux faces opposées, leur synthèse sur le fil d’une lame1. »

 

« Et en même temps » – formule magique de notre petit président –, ici plus appropriée, je viens, juste en levant la tête, de remettre la main sur Compost édité en 2013, en hommage à Michel par Les Contemporains favoris (Orthez). Une heure plus tôt, j’avais passé commande de son Journal, volume 1 (1965-1980). Vais-je me retrouver entre 1965 et 1967 en ces pages ? Je découvrais encore ce matin un Facebook dédié à son œuvre, page peu active, le message que j’ai laissé sur Messenger, restera sans doute sans réponse.

 

1 François HUGLO, L’Entrevoyant (Interview semi-imaginaire) (La situation de l’interview est imaginaire, puisque les questions sont postérieures aux réponses, mais celles-ci, généralement extraites de lettres de Michel Valprémy à François Huglo, ne le sont pas), Compost, Arras, Les Contemporains favoris, 2013, p. 17.

2 René DAUMESNIL, Tibor Harsányi est mort, Le Monde, 21 septembre 1954.

3 Ibid.

 
 
 

 
 
 

Dimanche 7 mars 2021

 
 

Anniversaire de notre grand-mère Clotilde, qui aujourd’hui, aurait 124 ans (7 mars 1897-8 mars 1988).

 

Temps frais, morose : j’ai annulé notre marche. Resté au repos.

 

En vain, j’ai recherché Compost, anthologie de textes de Michel Valprémy. Ce fort volume est préfacé par François Huglo dans lequel il résume bien ce que j’ai connu de l’adolescent et de son écriture : « Une œuvre vivante et nourrissante, mais ambiguë, entre passion de vivre et pulsion de mort, liaison et décomposition, en perpétuelle transformation-germination… » Si bien que cette perfection biographique 1947-2007, m’apparait, avec sa phobie du corps qui se dégrade, comme une volonté délibérée. Mais que peut-on pour les âmes tourmentées ? J’arrive enfin un peu mieux à entrer dans son jeu verbal, énigmatique, masqué, tout à l’opposé de mon désir d’écrire limpide. Je dirais même que parfois c’est un vrai régal d’imagination, point trop éloigné du surréalisme. Apparait, au détour d’un spleen prégnant, une truculence provocante comme dans Fontaines : « Midi chauffe les FONTAINES, Neptune en sueur, Vénus humide, muses, tritons, Grâces par trois trempées, dryades emperlées, sirènes mouillantes, rascasses, grenouilles, chevaux d’écume, putti bouffis. Midi brûle. À bout de souffle, penché sur le bassin, un Écossais bon teint offre, kilt par-dessus tête, sa raie rousse et boulue aux reporters nippons1… »

Souriez, vous êtes photographiés sur trame écossaise : souvenir burlesque !

 

1 Michel Valprémy, Albumville, « Fontaines », Liège, Atelier de l’agneau, 2002, p. 19.

 
 
 

Samedi 6 mars 2021

 
 

Le soleil s’impose, le printemps règne en maître. Le prunus Mount Fuji était déjà hier, en fleur, comme un vaste nuage blanc bruissant d’abeilles.

Dans les textes de Michel Valprémy, il y a une recherche presque fervente du vocabulaire en accumulation, en parentèle. La barrière des mots cache, il me semble, une solitude intérieure implacable. Adolescent, il se lovait parfois sur lui-même, mais ce gémeau savait sortir de son silence pour un temps de pétillement, qu’autorisait une vive intelligence.

 

Samedi 27 février, vers 17 h 30, alors que je venais de relever le linge et de le poser sur la table, j’eus la visite surprise de Yannick Rolland. Nous aurions pu croiser le fer à repasser, mais nous n’y sommes ni l’un ni l’autre expert, si bien que nous discutâmes à bâtons rompus ! Yannick est un jeune homme de taille moyenne, doté d’une fine silhouette post-adolescente, qui surprend par sa manière sobre et colorée de se vêtir. On oublie vite qu’il fut, très jeune, investi de grandes responsabilités, cela lui est naturel. Issu d’un milieu modeste du nord du département, il me sidère par son goût pour Mozart, mon gros coffret sur les étagères, le fascinant. Hors toutes conventions, il a ce don rare de rassembler et de fédérer depuis toujours. On lui fait confiance. Il ose, mais avec une rigueur qui assure la réussite des projets. Délégué de classe, sans en être le premier, président deux années des jeunes socialistes de Périgueux, co-gérant d’entreprise et aujourd’hui maire de Manzac-sur-Vern : gérer et conduire au succès est son affaire, il sait s’entourer, motiver les autres, mais en étant le premier sur le terrain de l’action. Pas du genre à envoyer les autres sur le front des hostilités, à diriger les opérations depuis son smartphone ou un ordinateur. Il y a en lui du général Bonaparte au milieu de ses soldats. Sa franchise lui vient d’une honnêteté qui ne fait pas loi dans l’univers politique. J’ai devant moi un personnage très atypique : droit, recte, franc, nous avons les mêmes aversions, y compris parmi la faune des renégats et autres faux-culs de son bord. Il n’aboiera pas avec la horde des tricheurs. Il sait que toutes les étiquettes recouvrent des vilenies, celles de l’égoïsme, de l’avidité de pouvoir, du désir de domination et de ses dérives. En observant son conseil municipal marcher à ses côtés avec dédicace et respect, j’ai deviné en lui l’étoffe d’un député ou d’un conseiller général propre à marquer d’une forte empreinte les consciences, surtout lorsqu’on connait ses lignes directrices en faveur de l’écologie et du social ; il est de ces hommes attendu du XXIe siècle, un de ceux qui auront à cœur de relever le défi écologique, ceux du réchauffement climatique et de la cohésion sociale. Il porte dignement l’oriflamme que brandissait avec ardeur et dévotion Jaurès. Si Anatole France revenait, il accorderait à ce jeune maire la même confiance qu’il avait en son ami.

Manzac-sur-Vern, contiguë du village avant-gardiste de Bourrou, pourrait bien sous l’égide de Yannick, celle de ses adjointes et adjoints, devenir une université de la citoyenneté.

 

Jeudi 4 mars, en début d’après-midi, Claire Vertongen apparaissait pour récupérer des primevères multicolores. Nous avons discuté de Manzac et de ce qui fait sa toute nouvelle opportunité, à laquelle elle participe comme troisième conseillère responsable du marché et des relations publiques. C’est une maitresse femme, munie d’un très grand charme, énergique autant que gracieuse qui aura conduit ce marché, auquel je suis très attaché, à être un des mieux achalandés et des plus riants de la région. Il y a à Manzac chaque semaine, le mardi après-midi, un temps convivial et festif qui soulève la chappe de plomb des confinements et autre couvre-feu. Sa visite du matin au crématorium l’avait bouleversé. Rien n’est plus difficile que d’abandonner tout au long du chemin nos relations, amis et famille. Un jour vient où l’on n’est plus du temps qui nous abrite encore.

 

Claire avait fait une brève apparition dimanche 28 février pour admirer cet engazonnement coloré par les primevères, me laissant avec Gisèle que je connais depuis la fin des années 80 et les premières années de 90 ; nous nous côtoyions alors dans les activités de la Société Botanique du Périgord avec la si charmante Hélène Schweiger de “La Couture”. Nous nous entendions fort bien. Mon éloignement de la Société botanique du Périgord, mes amitiés dans le Lot et sur ses confins en Dordogne me conduisirent ailleurs et pour longtemps. Aujourd’hui, il ne reste plus que Joan (Joannes Antoinette van Limburg Stirum) qui vient d’avoir 99 ans et réside essentiellement dans son estancia en Argentine. En janvier 2020, nous accompagnions avec grande tristesse notre chère amie Meg au petit cimetière du Vigan.

 

Il y a quelque temps, en 2018 sans doute, j’ai revu, par hasard, Hélène, qui ensuite est passée au jardin. Et je découvre bien mieux la première adjointe de Yannick, Gisèle Chastanet, dévouée, sérieuse, investie syndicalement et professionnellement, et qui demeure sans conteste possible une alternative potentielle pour le poste de maire de Manzac-sur-Vern, de par sa grande expérience de l’action municipale, sociale, possédant une souplesse tellement nécessaire à la gestion collective. Elle incarne l’action qui, pas son dévouement, invite aux motivations collectives.

 
 
 

Vendredi 5 mars 2021

 

 
 

Comment n’aimerions-nous pas la vie lorsque le jour s’éclaire de bleu, avec les cascades joyeuses de L’Italienne à Alger de Rossini sous la direction de Claudio Scimone, les lettres de Natalie Barney à son cher Jean Chalon Toujours vôtre d’amitié tendre, dernière affection de l’Amazone, et les premières pages énigmatiques du Maitre du jugement dernier de Leo Perutz ? C’est sans doute la réunion de toutes les douceurs de la vie qui avec longueur et patience s’éloigne, au temps du fleurissement des primevères multicolores magnifiant toute la vitalité du printemps.

 

Ce fut une journée de solitude, que seul Riccardo Muti, en un double album Giuseppe Verdi, vint à peine enchanter. Dans l’après-midi, une publication du Facebook de Patrick Ochs vint perturber la lenteur inutile de cette journée ; Patrick Dupond, étoile de la danse, venait de disparaître à 61 ans. Sa collaboratrice, Leïla Da Rocha annonçait cette sombre nouvelle par ces mots : « Patrick Dupond s’est envolé ce matin pour danser avec les étoiles. » Les noirceurs des vies d’artistes sont dévorantes, c’est ainsi que Michel, lui-même, ex-danseur au Grand Théâtre de Bordeaux, disparaissait trois mois après son soixantième anniversaire, laissant une œuvre d’écrivain publié, mais peu accessible. J’ai en main son Albumville publié par l’Atelier de l’agneau, en 2002 : « Dans les BUS, il y a des poivrots qui cuvent coudes aux genoux, des rombières jouant du parapluie, des voyous de douze ans qui disent bonjour et sortent leur cutter […] il y a les resquilleurs qui inventent des noms, des adresses que je jalouse, il y a mon vague à l’âme qui m’embarque avec le nombre, troupe que je frôle et abandonne au dernier arrêt, au terminus, rue des Épaves

 
 
 

 
 
 
 
 

19 & 24 février 2021

 
 
 

Printemps pour tous !

 
 
 

Je reconnais avoir une certaine fascination pour Sandrine Sarroche, à la royale beauté et au talent confondant. Chansonnière d’exception, possédant une superbe voix et des idées de mise en situation originales et drôles. Cette fois, elle arbore pour sa démonstration irrésistible, une épaisse moustache grise à la Brassens, parodiant sa délicieuse chanson : Brave Margot

Vous en souvenez-vous ?

 

Quand Margot dégrafait son corsage

Pour donner la gougoutte à son chat,

Tous les gars, tous les gars du village

Étaient là, la la la la la la …

Étaient là, la la la la la…

 

Et Margot qu’était simple et très sage,

Présumait qu’c’était pour son chat

Tous les gars, tous les gars du village

Étaient là, la la la la la la

 

Après avoir griffé la mémère Schiappa et la rombière Bachelot, Véran prend son élan et se sacrifie :

 

Quand Véran dégrafa son corsage

Pour sa piqûre d’AstraZeneca

Toutes les caméras du voisinage

Étaient là, la la la la la la

 

Soucieux de soigner son image

Son téton aussitôt il cacha

Et laissant l’infirmière toute en rage

S’en alla, la la la la la la

 
 

Nous pouvions lire dans la Dordogne Libre du 19 février 2021 que Laurent Labadie, artiste imprévisible, s’était donné pour mission d’apporter du bonheur, partout où il passe. Ses déguisements (Zorro, scout à grandes oreilles…) suscitent la bonne humeur, avec toujours l’espoir sous-jacent pour lui, de promouvoir l’occitan au quotidien. Chaque semaine, il arbore un costume surprise, reconnaissant :  « Appartenant au milieu des comédiens et du spectacle, j’ai mal vécu ce deuxième confinement. On ne peut pas mourir comme ça, délaissés. Il faut résister d’une manière ou d’une autre ». Oui, il faut rire, oui, il faut résister à cette hérésie « confinatoire » qui devient confiscatoire, pour une mortalité (gonflée : chacun de nous est informé d’au moins une personne, dont la mort n’est pas due au Covid, mais classée dans cette rubrique) de 0, 035%. Le problème ne serait-il pas le manque de lits dans nos hôpitaux ? Entre 2003 et 2018, en 15 années, on relève la fermeture de plus de 68 000 lits ! Sublime libéralisme. Il faut montrer du doigt encore la gestion répressive de cette pandémie, les annonces journalières s’apparentant presque à une gestuelle contrite des Pompes funèbres, décourageant et déprimant inutilement la population ! La fermeture de tous les lieux de culture et de spectacle aggravant encore ce sentiment de confiscation de nos libertés.

 

Le vent ne cesse pas, il a balloté l’éolyre sous l’auvent toute la nuit. Agacement de ses sons clinquants. Autant en emporte le vent. Sans doute pas. Que sont devenus toutes celles et tous ceux que j’ai aimé, cette foule innombrable de ma famille, de mes camarades, de mes amis, de mes relations… vaste vide qui étreint. Si nous restons-là c’est que la vie s’est assurée de tout nous prendre. Jean Michel que j’ai connu alors qu’il avait 25 ans, si cruellement blessé par une mère indigne, m’accompagnait après le marché de Neuvic où j’emportais une agapanthe bleue du stand de Caroline et Rémi. Nous avions rendez-vous à Marsac aux abords de la voie verte pour une marche avec Arnaud, un jeune mormon de 22 ans. Ne le voyant pas arriver, nous fîmes la marche, seuls, non sans avoir tenté de l’apercevoir sur le pont qui enjambe l’Isle. Notre marche terminée, patient et confiant, il avait attendu notre retour et la conversation où mon monologue, déversoir de souvenirs, nous retint là jusqu’à 13 h 30 ! Pendant ce temps, je vis passer, sans en croire mes yeux, Patricia, l’épouse de Cyril, ici avec ses deux derniers fils. Elle devait être de passage pour récupérer les deux enfants de son premier mariage. Comme elle me regardait sans me voir, cette intrusion m’apparut comme une illusion, mais aujourd’hui je n’en crois rien. La vilenie morale existe aussi…

C’est toujours cela de moins à regretter, il en reste tant dont l’absence est profonde meurtrissure.

 

 

C’est Arnaud qu’il faut féliciter pour sa patience et sa gentillesse. Les circonstances de sa vie ne sont pas aisées, très loin de là , mais s’il se referme parfois dans le silence, il n’en reste pas moins disposé à écouter, réfléchir et penser par lui-même. Il vaut bien mieux qu’il ne le croit, sans doute. Il possède des qualités chrétiennes qui aujourd’hui font défaut à presque tous, même à moi !

 
 
 

* * *

 
 
 

Dans sa lettre du 21 février 2021, le Docteur Willem nous informe que « des traitements à base d’anticorps font grandir l’espoir d’avoir une nouvelle méthode pour lutter contre la pandémie de Covid-19. « Les anticorps monoclonaux neutralisants ont plus de chances d’être efficaces chez les sujets âgés, dont le système immunitaire peut être affaibli », explique le spécialiste. Le groupe pharmaceutique américain ELI Lilly, a certifié que celui-ci permettait de réduire de 70% les hospitalisations et les décès chez des patients à haut risque récemment testés positifs au coronavirus. C’est ainsi que les autorités sanitaires américaines ont autorisé en urgence le traitement conçu par la société de biotechnologie Regeneron, qui a été administré à Donald Trump lorsqu’il a été contaminé par le coronavirus. » Nous avons pu douter qu’il fût véritablement atteint par le coronavirus, en l’observant sortir de l’hôpital, en relative forme, après seulement quelques jours de traitement, à 74 ans !

 

 

Après les disparitions de Juliette Gréco, puis d’Anne Sylvestre, le décès d’Hélène Martin m’a vraiment affligé. Ces trois emblèmes de la chanson à texte disparaissant presque en même temps est déroutant d’autant que cette nouvelle n’a pas été annoncée par la télévision. Hélène Martin, comme Anne Sylvestre, interprète de talent, était principalement auteure et compositrice.

 

 

Yann Plougastel, lui rend un juste hommage, en publiant ces lignes dans Le Monde : « Voix chaude d’alto, regard bleu acier qui, en un éclair, passait de l’intransigeance à la malice, Hélène Martin, autrice-compositrice-interprète, appartenait à la génération des chanteurs, dits « rive gauche », celle de Jean Ferrat, d’Anne Sylvestre, de Guy Béart, Catherine Sauvage, Maurice Fanon ou Pierre Perret. Morte le 21 février, à l’âge de 92 ans, à Cordemais (Loire-Atlantique), elle fut une des premières à mettre en musique des poèmes d’Aragon, Audiberti, de Colette, Genet, Guillevic, Neruda, Queneau, Seghers, Soupault et Supervielle, qu’elle chanta d’abord sur les petites scènes de cabarets parisiens comme La Colombe ou Milord l’Arsouille. Née le 10 décembre 1928, à Paris, fille d’un historien géographe, professeur à Sciences Po, Hélène Martin aurait pu se contenter d’une vie bourgeoise et intellectuelle au cœur du Quartier latin. C’était mal connaître cette jeune fille au caractère trempé chez qui pointait déjà l’engagement féministe, autre fil rouge d’une carrière bien remplie. Après des études aux Arts décoratifs, elle fréquente le Cours Simon et tente une carrière de comédienne au théâtre, ce qui lui permet de côtoyer Michel Bouquet ou Jean Vilar. À partir de 1956, elle trouve sa véritable voie sur l’étroite scène de L’Écluse (là où Barbara débutera également) en se donnant pour mission de mettre des mélodies sur les mots d’Arthur Rimbaud ou de François Villon. En 1962, Jean Genet l’autorise à adapter son texte Le Condamné à mort, autour de l’exécution de Maurice Pilorge, en 1939, un assassin beau comme un Dieu. « Nous n’avons pas fini de nous parler d’amour/Nous n’avons pas fini de fumer nos Gitanes/On peut se demander pourquoi les cours condamnent/Un assassin si beau qu’il fait pâlir le jour », chante-t-elle d’une voix rauque, et c’est tout le tragique absurde de la guillotine qui sourd de son interprétation. Bien des années plus tard, en 1998, Étienne Daho, un de ses grands admirateurs, s’en souviendra en reprenant cette version avec Jeanne Moreau sur la scène de l’Odéon… » Elle a publié, en 2010, par ses soins, un imposant coffret réunissant l’ensemble de ses chansons interprétées par elle-même et quelques interprètes choisis. Étant l’heureux possesseur de cette somme, je ne serais jamais privé de son immense talent au service de la poésie. En effet, la chanson engagée et la chanson à texte sont d’autres de mes passions.

 

Manzac-sur-Vern. Hier, Gisèle m’annonçait deux jours consacrés, le dernier week-end de mai, à la nature, aux abeilles, avec le photographe Éric Tourneret, que je ne connaissais pas, mais qui animera ces deux journées. Avec la présence de Gilbert Chabaud, accompagnée je l’espère de Sandrine Bureau et de Benoit Perret, il se peut encore de Stéphane Wagner de Bourrou, sera réunie l’élite de la défense de l’écosystème.

 

Yannick Rolland comme Stéphane Wagner sont tout à fait d’accord pour un interview à la fois pour le magasine Ô Nature de Sandrine Bureau et pour Le Jardin d’Épicure. Je vais travailler sur ces deux projets, après m’être entretenu, ce matin une bonne heure avec la naturopathe d’Oradour-sur-Vayres (à proximité de Chalus et Abjat-sur-Bandiat) au sud de la Haute-Vienne.

 

Le printemps est là, il faut en convenir ; j’ai aperçu, surpris, ce soir le premier papillon jaune de l’année 2021. ☼

 

 
 
 

 
 
 
 
 

12-13 & 19 février 2021

 
 
 

Premiers pas de l’année 2021

 
 
 

 

La page de l’année 2020 est tournée, sans de véritables changements.

 

Une direction du pays manifestant l’improvisation, l’improbabilité, accentuant le sentiment de désarroi chez les étudiants, les actifs, les anciens… une France paralytique, prostrée, asphyxiée par des relents fascistes.

 

Certains, y voient comme une intoxication, une sorte de terreur verbale, d’un surréalisme morbide, entre annonces et réalité, trop souvent en contradiction. Être dirigé par de tels amateurs, corrompus, soudoyés et agenouillés devant les multinationales a de quoi angoisser plus que le virus lui-même. Beaucoup de voix s’élèvent, parfois d’envergures, médiatiques ou le devenant, qui jusqu’à présent, étaient demeurées silencieuses.

 

Ainsi, donc notre auguste président n’a pas encore commencé à devenir un être humain, il est encore un jouet du capital, une babiole, un gadget pour milliardaire ! En aucun cas, il n’incarne le Père de la Nation. Il faudra bien, un jour plus tard, évaluer une aussi minable faillite politique, sociale et humaine.

 

Je découvre la page de Nicolas Bouvier par un post sur le Facebook de Gilbert Chabaud. L’homonymie m’a un peu surpris, mais les posts de ce jeune homme m’ont interpellé. Adeline Lalet a réagi à mes partages avec des louanges : « Ce jeune homme est beau à tous les sens du terme : agréable, admirable, élégant, intelligent, remarquable, important. » et d’ajouter en aparté : « J’ai rencontré Nicolas Bouvier au dernier salon du chocolat à Chamiers (sa compagne est chocolatière). Il m’a impressionné par sa culture, ses propos, ses actions et son côté ‟décalé” vu son âge. Il est aussi très sympa et toujours souriant. »

 

En 1955, Gustave Thibon, couchait ces lignes dans son ouvrage, Notre regard qui manque à la lumière : « Nous entrons dans une ère où l’homme cultive et multiplie tous les moyens de ne pas mourir (médecine, confort, assurances, distractions) – tout ce qui permet d’étirer ou de supporter l’existence dans le temps, mais non pas de vivre. Nous voyons poindre l’aurore douteuse et bâtarde d’une civilisation où le souci stérilisant d’échapper à la mort conduira les hommes à l’oubli de la vie. »

 

Sur TVL, la généticienne Alexandra Henrion-Caude concède beaucoup de talent à ses confrères, mais leur reconnaît une disposition dangereuse à la compromission, ne reculant pas toujours devant les conflits d’intérêts.

 

Il existera toujours les immuables inutiles, affectés uniquement à eux-mêmes, à leurs médiocrités, leurs petitesses, promenant leurs culs d’un lieu à un autre avec nonchalance, mollesse, inconsistance. Parasites, sangsues, être vindicatifs, uniquement de leurs prérogatives, c’est l’humain nul, sans le moindre intérêt. Existent encore ceux qui malgré les accrocs, les périls et les difficultés poursuivent inlassablement le travail de conscience, d’éveil, de mise en garde, d’interrogation. Et puis, n’oublions pas les infâmes qui ont tous les droits : viol, droit de cuissage, d’exploitation ; ils incarnent la lie humaine fière de sa corruption, se goinfrant sur le malheur des autres : marginaux, laissés pour compte, foule des serviles et des contraints par nécessité de survie.

 

Notre maraicher bio, le jeune sportif (corps et esprit) David Hivers, publiait un document (Le Télégramme) sur le Professeur François Carré, de l’université Rennes-1, spécialiste en cardiologie et maladies vasculaires. Le Professeur a été entendu au Sénat au sujet des bienfaits de l’activité physique sur la prévention et le traitement des maladies chroniques et la covid-19. Il est aussi l’auteur de l’ouvrage Danger sédentarité, paru aux éditions du Cherche Midi. Son diagnostic n’est certes pas inutile ni anodin : « Les effets de la sédentarité sont importants sur cette maladie qui touche particulièrement ceux qui ne pratiquent pas ou peu d’activité physique. Aujourd’hui, nous prenons en charge des patients à covid persistant : avec trois fois 15 minutes, par semaine, d’activité dans un escalier, nous constatons une amélioration de la qualité de vie de 45 %, une baisse du stress de 25 % et une amélioration du capital santé d’environ 17 %. Il suffit de descendre et monter des marches pendant 15 minutes, trois fois par semaine, pour obtenir de tels résultats. À l’inverse, une pratique excessive du sport, de type surentraînement, peut conduire à une diminution de l’immunité, par la fatigue qu’elle engendre. »

 

Mon texte-hommage sur Verdi m’a fait découvrir dans la préface de l’ouvrage Tout Verdi (sous la direction de Bertrand Dermoncourt, Bouquins, Robert Laffont), une exégèse inattendue de Dominique Fernandez sur le petit paysan de Busseto. Il ne cache pas son admiration pour ce terrien, défenseur des peuples opprimés, des laissés pour compte, des déclassés et des parias. En effet, derrière les trompettes d’Aida, il y a les vaincus de la vie. Dans son ouvrage de près de 700 pages, Le Voyage d’Italie, l’écrivain ne manque pas d’évoquer le patriarche, héros du Risorgimento, sous l’intitulé ‟Un marginal dans ses lieux”.

 

Ma grande surprise vint de ce que Fernandez dit de Rossini : « Je considère Rossini comme un ami personnel, non comme un membre de l’innombrable communauté artistique. D’amis personnels parmi les créateurs, je ne compte que deux autres : Stendhal et Schubert. » Il lui consacre trois chapitres dans Le Voyage d’Italie ! Rossini n’est pas un compositeur auquel je prête beaucoup d’attention. En 1813, lorsque nait Giuseppe Verdi, Rossini, né en 1792, a 21 ans, et peut s’honorer déjà de 10 opéras dont un certain nombre connut un grand succès. Cas uniques, comme Mozart et Schubert : avoir avant 25 ans écrit des œuvres immortelles [Tancrède, L’italienne à Alger, Le Turc en Italie, Le Barbier de Séville] ! Je dois, il me semble, être moins indifférent à ce musicien, qui devint dans son époque parisienne tardive, un remarquable cuisinier, raffiné, réputé et célèbre pour ce talent en même temps que celui de compositeur.

 

Didier Ballesta, par ses séries photographiques prises lors de ses ballades dans nos villages, nous fait observer les innombrables beautés de notre univers immédiat, devant lesquelles nous ne sommes que très peu attentifs, cherchant au loin ce qui est notre héritage, ce qui me fait souvenir, lorsque j’envisageais, aux alentours de mes vingt ans, d’aller vivre aux USA, de ce que me disait mon grand-père, Jean Léopold : « Pourquoi Alain, veux tu aller si loin chercher ce qu’il y a ici ? » Comme je lui répondais : « Mais je ne vois rien ici, grand-père, que toi, le pré, ta vache et son licou. » « Et bien, tout est dans ce que tu vois ici ! » Comme il avait de petites hémorragies cérébrales qui finirent par avoir raison de lui, je pensais qu’il divaguait un peu ! Dix ans plus tard – il n’était plus là –, je commençais à comprendre toute la sagesse de ses paroles, alors que tout était tellement moins bien sans lui.

 

Le soleil s’est enfin invité et le printemps arrive, comme souvent, un peu avant la date… mais en ces temps troublés et moroses, nous ne pouvons que nous en réjouir et en profiter ! ◊

 

 

 
 
 

 
 
 
 
 

Jeudi 31 décembre 2020

 
 
 

Merci à l’année 2020

 
 
 

Depuis des années je me suis glissé dans l’idée de la « décroissance heureuse » surtout sur le plan philosophique, me préparant à la vie ou à l’absence de vie, au-delà de la vie terrestre, même si en ce moment, elle ne représente pour moi qu’un vide sidéral, mais au moins un vide inaltérablement serein. Mon étude de Krishnamurti aura finalement permis ce recul, que je ne vois que peu de monde aborder sereinement, tous se cramponnant à ce qui va disparaître, surtout eux-mêmes. Je n’espère rien, je n’attends rien pour moi-même, sauf bien entendu, et c’est essentiel, moins de périls pour les jeunes générations.

 

Si j’avais vingt ans à vivre, je pourrais comme certains autres, vouloir jeter l’année 2020 à la géhenne, faire fi de ces douze mois d’existence, ne leur trouver que des désagréments. Les invectiver de reproches. Toute expérience, toute épreuve portent en elles des valeurs, de la maturation, il est utile parfois de marquer le pas et d’observer notre manière de marcher ou de courir, sans vrai but.

 

Ce temps a été non seulement celui de la pandémie, mais aussi celui des séparations, le plus souvent avec des amis relativement âgés. Meg Jones, Pierre Jouin, Françoise Decroix, Madeleine Marcoux furent les deuils les plus marquants en raison de l’ancienneté de nos relations comme de la force de nos liens. Les disparitions d’artistes n’ont pas eu de cesse toute l’année, y compris en cette Saint-Sylvestre avec les disparitions de Robert Hossein et de Claude Bolling.

 

Si une malheureuse asociale a pris le large, m’octroyant ainsi beaucoup plus de liberté, car le soin accordé aux névrosés de la peur ne génère jamais beaucoup de joie. Par chance, Jean Michel que j’ai aidé durant de nombreuses années est réapparu au moment de l’envol de la colombe antique. Ces retrouvailles, pour moi, qui commence à vieillir, sont une vraie chance, je peux compter sur lui pour des tâches favorisant l’autonomie, nous marchons, nous rions et « déconnons », ce qui allège l’atmosphère pesante résultant de la pandémie. Ma vie auparavant trop contrainte et maussade par une fréquentation morose a donc repris des couleurs, en juillet.

 

Il est vrai que je vis depuis 1984 dans la nature, un peu moins depuis l’installation de deux couples en vis-à-vis, et que, par ailleurs, j’ai la chance d’avoir entouré ma petite maison d’un parc fort agréable. En réalité, j’y vais peu, pas assez, étant plus derrière l’ordinateur ou en cuisine ! Mon seul vrai manque fut mes marches quasi journalières, tellement favorables à la santé.

 

Mais il y eut aussi, toute une série de rencontres qui ne sont pas anodines, toutes liées à l’écologie, au mieux être et au mieux vivre. D’abord, il me faut saluer Laurent Bessière fabuleux photographe de l’univers végétal et animal, ami sur Facebook que je n’ai jamais rencontré. C’est un amoureux de notre environnement naturel et par ses clichés il nous fait partager son émerveillement de chaque jour, soutenu dans sa démarche par Muirgheal Desrois, écologiste passionnée.

 

Reprise active et organisée des marchés du mardi, cet été, accueillant de nouveaux commerçants, après la confirmation de l’élection du nouveau conseil municipal de Manzac-sur-Vern sous l’égide d’un jeune maire de 32 ans, Yannick Rolland, très engagé écologiquement un élu qui fédère une équipe manifestement très impliquée et fière de travailler avec un personnage dont il m’apparait très clairement qu’il fera du chemin, comme j’en avais eu le puissant pressentiment pour mon jeune collègue, Mathieu Le Roch, en 2008.

 

Ce marché est le plus convivial de la région, on y échange et côtoie des camarades, amis, voisins, et commerçants vraiment sympathiques. Ils sont tous à citer pour leur bonne humeur malgré les difficultés qu’ils doivent affronter, certains sérieusement, sur le plan santé. Dans mon dernier texte j’évoquais d’Isabelle dont la gentillesse et la fraicheur nous ont fait supporter l’absence de l’Happycultrice, la jolie Claire Lamargot, qui vient d’être l’heureuse maman d’une petite Agathe.

 

Je suis allé en juillet à Bourrou, le lundi soir, où je n’ai pas d’ami pour le moment, découvrant semaine après semaine l’intérêt de ce marché associatif, Lo Comin Bio, qui propose des produits de haute qualité : pain, fromages de vaches ou de chèvres, pommes, agrumes, légumes, bières, miels, champignons, poulets et plats préparés délicieux, idéaux pour un célibataire qui ne voudrait pas uniquement cuisiner.

 

Manzac est demeuré un village vivant, de l’été 2020 à cette fin d’année. Village animé par plusieurs manifestations écologiques ou festives qui nous ont, avec le marché hebdomadaire, fait oublier la grande solitude dont ont soufferts beaucoup de citadins. Claire Vertongen s’est considérablement investie pour apporter des joies aux habitants qui auront voulu profiter de ces opportunités, tout en respectant les gestes barrières.

 

Une invitation chez mes cousins Rivière avec toute la famille, une autre chez Pierrette et Jean-Pierre à Lembras, la visite de Pierrette et d’Annick en décembre, une marche avec ma cousine Jacky, notre rencontre au cimetière d’Eyvirat pour y fleurir les tombes, la visite de ma sœur Christine avec Sophie et ses deux fils, le repas champêtre ici avec mes nièces, leurs conjoints, leurs enfants et mes deux cousines Pierrette et Jacky, ma visite à mon cousin André à Rosas avant Noël… mes marches avec Jean-Michel… devrais-je compter tout cela pour rien ? Si cela n’est pas une portion du bonheur, c’est qu’alors il n’existe pas !

 

Il y eut l’éblouissement de ma visite à Saint-Pierre-de-Frugie, accompagné de Jean-Michel. J’ai raconté en détail cette visite. Gilbert Chabaud, le maire qui a fait de son village à l’abandon, un lieu phare pour ce que l’écologie peut faire surgir comme ressource à l’extinction de nos campagnes. L’exode rural observé en 2020 pourrait, après la disparition de la pandémie, rencontrer un réel déclin. Ainsi Benoit Bréville dans Le Monde Diplomatique de décembre 2020, concluait son article intitulé La Revanche des campagnes par cette phrase taquine : « Le « modèle sociétal » qui verrait les « cols blancs » quitter massivement les métropoles pour télétravailler dans leur maison du Perche ou du Vexin produirait pourtant un étalement urbain considérable, avec, à la clé, une dépendance accrue à la voiture et aux géants d’Internet, de Zoom à Amazon. Un « retour à la nature », vraiment ? » Ce n’est donc que de vraies convictions pour un autre mode de vie qui peuvent décider les cadres citadins à s’installer durablement dans la ruralité afin d’y réaliser leurs rêves d’utopies désormais indispensables à la survie de la planète et de ses habitants. C’est ce qui s’est passé à Saint-Pierre-de-Frugie !

 

 

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J’ai révisé mes connaissances en médecines naturelles grâce aux conseils avisés de Benoit Perret, en particulier en gemmothérapie, aux superbes magazines de Sandrine Bureau et à ses vidéos, dont celle du docteur Jean-Pierre Willem, dont je connaissais les recommandations et que j’avais un peu, et même beaucoup oubliées. Mes soins contre les refroidissements sont donc devenus d’autant plus pertinents, sans avoir à recourir aux poisons qu’offre la société de consommation si fallacieuse pour son exploitation éhontée des individus qu’elle tente de terroriser par sa nouvelle insulte à la mode : « complotistes » !

 

Pour ses vœux 2021, le président de la République, citant les parcours exemplaires des héros de la nation en cette année 2020 : Marie-Corentine, Jean-Luc, Anthony, Maxime, Gérald, Lucas, Rosalie, Romain, Arno, Cyrille, Rémi, Tanerii, Quentin, Dorian, Medhi, a voulu souligner les ressources du peuple de France, ressources que l’on n’a pas trouvées, regrettablement, en lui et en sa clique.

 

La confiance vient de la droiture, de l’exemplarité, de l’absence de ce double langage propre à Emmanuel Macron. Nous ne pouvons pas accorder notre confiance à des gens qui n’ont pas de parole.

 

Comment pouvons-nous accepter les récentes ignominies rapportées sur Facebook par Louis Witter, journaliste, et publiées dans Le Parisien : « Après avoir été empêchés par la police de rendre compte des expulsions de réfugiés à Calais et Grande-Synthe ces derniers jours, nous avons déposé avec mon confrère Simon Hamy un référé liberté pour enjoindre la Préfecture à nous laisser travailler. Depuis plusieurs jours, à chaque expulsion, c’est le même scénario qui se répète pour nous ainsi que pour les associatifs de Human Rights Observer notamment. Tenus à distance des opérations, contrôlés, papiers d’identité photographiés. Ainsi aucune image, aucun témoignage ne sortent. C’est ce qui est arrivé encore une fois hier matin. Bloqués, empêchés d’approcher, nous avons quand même pu ruser en contournant et c’est ce qui a permis la capture de ces images de tentes lacérées, dont ils voudraient par tous les moyens qu’elles n’existent pas, jamais, nulle part. Photographier ou filmer l’action de l’État n’est pas un petit privilège de journalistes à défendre de manière corporatiste, c’est le droit de tout citoyen et il est également refusé aux associations présentes ici les 365 jours de l’année aux côtés des exilés qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige comme @Utopia_56, @AubergeMigrants, @HumanRightsObs et les autres… Merci aux juristes, au syndicat SNJ, à Reporters Sans Frontières qui nous ont accompagné ce jour pour rapidement tenter de faire cesser ces atteintes à nos droits fondamentaux de journalistes et de citoyens. Ce référé liberté est tout simplement la traduction dans le droit de notre demande : pouvoir informer. »

 

Alors vos jolies paroles, Monsieur Macron, dissimulées derrière votre double jeu, en s’appuyant sur l’exemple de ceux qui ne trichent pas, même jusqu’au péril de leurs vies, nous n’y croyons plus, plus du tout.

 

Invité de Anne Élisabeth Lemoine sur France 5, le 8 décembre 2020, le comédien Albert Dupontel s’en prend à nos élites : « […] ça fait 40 ans que j’entends parler de réchauffement climatique, d’épidémie… donc je suis très étonné que des gens arrivent au pouvoir… qui manifestement, n’ont pas lu les mêmes livres que moi ou vu les mêmes documentaires… c’est depuis mes années de médecine que j’entends parler d’épidémie, donc au milieu des années 80. Je suis donc surpris que ces gens-là n’aient pas eu l’info. C’est très bizarre. Je pense qu’il y a d’une élite qui s’entretient dans une éducation qui n’est pas altruiste, qui n’est pas vraiment tournée vers les autres, qui est dans une compétition avec eux-mêmes justement. Cette information n’est pas arrivée jusqu’à cette élite-là. »

 

Puis à la question d’Anne-Elisabeth Lemoine: « Est-ce qu’on irait jusqu’à dire qu’ils font partie des cons? » Albert Dupontel répond : « Un peu, un peu, un peu. Ils les incarnent bien. Mais ceci dit, quand on dit adieu les cons, je parle de vous, je parle de moi et quelque part de la bêtise qu’on a en soit. Et je nous excuse parce que l’on a fait l’école et l’école souvent nous éduque vers cette bêtise, elle nous apprend la collectivité beaucoup plus qu’elle nous apprend l’aventure intérieure que celle finalement qui nous occupe toute notre vie. Elle nous mène à la compétition très tôt, elle nous inculque des valeurs qui ne sont pas forcément les bonnes. Voilà, c’est pour ça que je me pardonne en pensant que j’ai fait l’école donc ce n’est pas de ma faute. Je suis un peu con, vous aussi. Voilà, vous avez tous fait l’école, vous êtes pardonnés… On a une chance d’être autodidacte, on a une chance d’être plus à l’écoute des autres et surtout, vous comprenez la religion, les marchands, la politique ce sont des gens qui nous éduquent très tôt dans notre vie et qui transforment notre goût, notre perception des choses et c’est une vraie tragédie ; voilà, c’est ce qui nous amène aujourd’hui à ce que la planète fonde, à ce qu’elle chauffe… parce qu’on est dans un ego qui n’arrive pas à s’arrêter. »

 

Être autodidacte aujourd’hui n’est pas non plus une garantie d’intelligence ou de pertinence. Ce à quoi répond Albert Dupontel: « Ça dépend ce qu’on va chercher sur Internet, il y a des choses très intéressantes. J’ai vu de grands économistes, je pense à Gaël Giraud, je pense à un grand climatologue, Jean Jancovici que je ne connaissais pas. C’est Internet qui m’a apporté la connaissance de ces gens-là depuis plusieurs années d’ailleurs. Donc ça dépend, on peut tout trouver sur Internet, le pire comme le meilleur. Après, c’est à son esprit critique de faire le tri et ça, avec un peu d’éducation, ça arrive ; mais l’éducation, ce n’est pas forcément l’école. L’école nous éduque, les parents, la lecture, l’éveil et surtout, justement, l’amour qu’on peut recevoir autour de soi… Éduquer, ce n’est pas aimer. Aimer, c’est écouter l’autre, c’est le regarder. Il y a beaucoup d’enfants qui ont été éduqués, mais qui n’ont pas été écoutés. Et des fois, ils finissent à l’Élysée. »

 

 

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Dès novembre, mon ami Lionel ‒ et il avait ô combien raison, aux vues des retards postaux scandaleux de cette fin d’année 2020 (merci aux putassiers d’actionnaires qu’il faut engraisser coûte que coûte, et aux compressions d’emplois permanents pour les satisfaire !) ‒ voulut choisir le traditionnel cadeau de Noël. Le choix se porta sur un opéra bouffe de Giuseppe Verdi, sa seconde œuvre, un échec redoutable qui advenait dans une période horriblement cruelle de sa jeune vie familiale. J’avais découvert Un giorno di regno, dans ma jeunesse, en vinyl. Elle me revenait en version CD. L’adresse qu’il partagea avec moi m’autorisa à compléter en occasions de qualité, à très petits prix, mes intégrales du maestro. Je découvrais ainsi Alzira, Macbeth, Aroldo, Falstaff … plus encore le summum méconnut qu’est Simon Boccanegra sous la baguette de Claudio Abbado un chef qui m’est particulièrement cher pour sa passion pour Gustav Mahler. De plus, l’enregistrement de ce grand chef-d’œuvre bénéficie d’une prise de son d’une rare présence. Retour donc vers une de mes passions de jeunesse que j’abordais principalement par la célèbre trilogie que forment Rigoletto, Le Trouvère, La Traviata, à laquelle j’avais ajouté Un Bal masqué et le Requiem. Mon exploration du corpus du maestro de Busseto n’est pour autant pas tout à fait achevée !

 

Cette année toujours, j’ai pu écrire de nombreux textes afin d’évoquer le présent immédiat ou le passé qui aura marqué mon parcours, et ce n’est que le début !

 

Enfin, terminons par une grande fierté venue du travail très professionnel d’un jeune maître de conférence en musicologie de l’Université d’Aix-Marseille, notre ami Étienne Kippelen, qui donne à la revue Euterpe ‒ que j’ai voulu il y a bien des années ‒, ses lettres de noblesse, l’autorisant à devenir une référence dans l’univers de la musicologie. C’est par la qualité de l’engagement d’Étienne que cet accomplissement et cette fierté sont advenus.

 

Alors, merci à beaucoup d’entre vous, pour les beautés de cette année qui s’éteint dans quelques minutes. □

 
 
 
 
 

 
 
 

18 & 25 décembre 2020

 
 
 

Une année couronnée d’épines et de moments de grâce

 
 
 

« Nous voici arrivés à la fin de l’année. Nous avons réussi à passer à travers les méandres de la crise sanitaire. Malgré la gestion catastrophique par un président incompétent, un gouvernement au diapason, avec un changement qui n’en était pas un, une représentation nationale aux ordres sans conscience, nous sommes toujours là. […] Cette maladie du bout du monde ne nous inquiétait pas encore, elle était loin, elle ne semblait pas venir à nous. Les messages officiels, du gouvernement, des médias ne nous inspiraient pas de crainte. Il faut le dire aussi, notre attention était portée sur cette réforme inique et nos forces étaient tournées vers la lutte et la prise en compte des salariés des dangers qu’elles entraînaient en son sein.

Et puis patatras ! La maladie arrive, vite, et bouleverse toute notre organisation sociale, y compris le monde syndical. Le confinement, brutal ! Des éléments de langage gouvernemental qui ne reposent sur rien d’autre que sur la volonté de vouloir nous faire accepter l’inacceptable. Des messages contradictoires, blancs le lundi, noirs le mardi, et toute une variété de gris les autres jours. »

Ainsi, est résumée l’incurie d’un gouvernement, hideux agglomérat de tous les ambitieux et traîtres de la politique française d’aujourd’hui dans l’éditorial du bulletin de l’UD CGT 24, signé de main de maître par Frédéric DOUSSEAU, Secrétaire au Revendicatif de l’Union Départementale CGT de la Dordogne. Tout est résumé de cette année fallacieuse qui en annonce une nouvelle, on s’en doute, peu avenante.

 

Il ne semble pas que ce qui demeure des lambeaux du Grand Secouriste du Ciel ait approuvé les porcs de la planète : Bolsarono, Trump, Johnson, Macron n’échappent pas à ce zest de justice immanente. Sauf que, dans tous les cas, c’est le virus qui est vaincu par ces « arpettes » lucifériens.

 

Jamais les riches ne désarment, la planète, le fruit du travail des autres, tout est à eux, croient-ils. Les riches, comme l’exprimait Léon Bloy, le sont de la sueur et de sang des pauvres. Nous ne le savons que trop bien, « les riches n’abandonnent que face à une menace sociale. » (Richard Wilkinson).

 

Je reste très dubitatif sur cette admiration que les trimeurs vouent trop souvent à la classe des exploiteurs, des « sans vergogne ». Christopher Boehm[1] nous exhorte : « Notre regard sur les riches doit changer, il faut en finir avec l’admiration, où la déférence. On devrait les considérer comme des égoïstes, des antisociaux, les mépriser, et qu’ils le sachent. »

Et aux qualificatifs de Christopher Boehm j’ajouterai : « des prédateurs et trop souvent des criminels ». Des gens pareils, cela ne s’admire pas et oui, ils doivent être méprisés, jugés et condamnés pour exploitation de la personne humaine et, d’autres fois, pour crime contre l’humanité.

 

Une semblable indignation, révolte, gronde en moi comme chez Louise Michel : « S’il y a des miséreux dans la société, des gens sans asile, sans vêtements et sans pain, c’est que la société dans laquelle nous vivons est mal organisée. On ne peut pas admettre qu’il y ait encore des gens qui crèvent de faim quand d’autres ont des millions à dépenser en turpitudes. C’est cette pensée qui me révolte. »

 

Federico Garcia Lorca l’avait aussi signifié : « Dans ce monde, moi je suis et serais toujours du côté de ceux qui n’ont rien et à qui on refuse jusqu’à la tranquillité de ce rien. »

 

Raison pour laquelle j’inscrivais hier soir sur Facebook, mon credo pour ce Noël : « Noël 2020, étrange non ? Alors je vais penser aux endeuillés, aux malades, aux esseulés, aux SDF, aux bien trop nombreux pauvres en ce pays et en tant d’autres… à ceux pour qui la lumière ne brille pas souvent. »

 

Il faudra bien, le plus vite serait le mieux, en revenir à de vraies valeurs sociétales, concernant tout être humain, non pas une minuscule franche d’ultras riches comme Macron s’y emploie outrancièrement avec sa théorie grotesque et hypocrite du ‟ruissellement” ! Et ces valeurs progressistes ont toujours étaient incarnées par ce qu’il convient de qualifier de LA GAUCHE. Le sociologue et philosophe Edgar Morin nous en donne une remarquable définition : « Qu’est-ce qu’être de gauche ? À mes yeux, c’est se ressourcer dans une multiple racine : libertaire (épanouir l’individu[2]), socialiste (amélioration de la société), communiste (communauté et fraternité), et désormais écologique afin de nouer une relation nouvelle à la nature. Être de gauche c’est, également, rechercher l’épanouissement de l’individu, et être conscient que l’on n’est qu’une infime parcelle d’un gigantesque continuum qui a pour nom humanité. L’humanité est une aventure, et ‟être de gauche” invite à prendre part à cette aventure inouïe avec humilité, considération, bienveillance, exigence, créativité, altruisme et justice. Être de gauche, c’est aussi avoir le sens de l’humiliation et l’horreur de la cruauté, ce qui permet la compréhension de toutes les formes de misère, y compris sociales et morales. Être de gauche comporte toujours la capacité d’éprouver toute humiliation comme une horreur. »

 

Gilbert Chabeau, dans le bulletin municipal de Saint-Pierre-de-Frugie, première ville Bio d’Aquitaine, nous propose une évaluation de cette année étrange et en même temps des pistes pour garder foi dans l’avenir : « …Pour l’heure, toute l’Équipe Municipale tenait à vous souhaiter de bonnes Fêtes de fin d’année. Même si nous savons que, pour beaucoup, ce sera encore un temps où la pandémie abîmera notre liberté de célébrer ensemble.

Mais, nous n’oublions pas que Noël est un moment fort d’espoir dans la culture de notre territoire, et ce bien au-delà des dimensions religieuses que chacun lui donne librement.

Un temps dit de « trêve des confiseurs », celui où nous pouvons nous apaiser.

Celui où nos proches sont plus que jamais dans nos cœurs, qu’ils puissent être physiquement près de nous, ce qui est bien entendu l’idéal, ou pas.

C’est aussi le temps de nos valeurs d’entraide et de solidarité, de chaleur et de partage.

Les plus anciens se souviennent des Noëls d’Antan, un peu images d’Épinal, où avec «rien» ou presque du point de vue matériel, il y avait tout de même un moment de grâce que chaque famille s’attachait à mettre en place.

Les anciens de l’École de la République, à Saint Pierre se rappellent eux des contes égrenés par les maîtres et les maîtresses, du chocolat chaud et des bonbons simples qui donnaient tant de joie.

Noël ce sont aussi des lumières ; un double symbole : la chaleur pour se réchauffer l’âme et le cœur, et la lueur de l’espoir, du renouveau à venir… »

 

Je peux affirmer que la découverte de ce village discret du nord du département de la Dordogne, limitrophe de la Haute-Vienne, aura été le moment le plus exaltant de l’année. J’ai raconté notre escapade, nos découvertes porteuses d’espoir pour le monde rural, en septembre 2020, sur ce site. Mais l’espérance est également venue, dès son élection repoussée par la pandémie, de l’action du jeune maire de Manzac, Yannick Rolland, dont la philosophie correspond précisément à la définition « être de gauche » d’Edgard Morin, entraînant tout son conseil municipal dans une action constructive et écologique, exemplaire et euphorisante. La fierté et la joie existent même pendant des périodes dites sombres où la peur est plus nocive même que le Covid19 !

 
 

 

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Simon Boccanegra, opéra, peu joué, mais divinement enregistré par Claudio Abbado, très grand chef mahlérien, est un absolu trésor que je découvre bien tardivement. Verdi après La Traviata compose Les Vêpres siciliennes pour l’Opéra de Paris (création 1855), puis Simon Boccanegra (création de 1857, sans les succès précédents, sur un livret médiocre de Francesco Maria Piave (d’après une pièce d’Antonio García Gutiérrez). C’est donc une œuvre de la période médiane, celle des plus marquants succès du compositeur où les airs à succès abondent. Il est suivi par Aroldo (1857) qui est un remaniement de Stiffelio de 1850, et ce sera toujours dans cette veine mélodique si fertile Un bal masqué de 1859, avant La Force du destin (1862). La dernière période, influencée par Richard Wagner, mais restant très italienne par son lyrisme, si différentes des deux premières par son raffinement orchestral, débute avec Don Carlos (1867), suivi par Aida (1871), Otello (1887) et enfin Falstaff (1893). Verdi n’avait pas renoncé à son Simon Boccanegra en faisant remanier le livret par son génial ultime librettiste, Arrigo Boito, apportant musicalement de grandes modifications à sa partition de 1857. L’ouvrage fut donné avec succès à la Scala-Milan, le 24 mars 1881, donc 24 ans après sa première création. C’est de toute évidence une partition majeure de Verdi, partition très mélodique, mais différemment de par sa splendeur orchestrale (comme pour Otello), particulièrement puissante et dramatique. Il faut dire que la prise de son est exceptionnelle de clarté, de profondeur et de présence. La distribution est de premier ordre. « Cet opéra en un prologue et trois actes est l’histoire d’un homme de pouvoir, le doge de Gênes, touché par la vertu et le sens du bien public auquel Verdi attribue, pour renforcer la charge humaine, une histoire familiale difficile : après l’avoir perdue, Simon Boccanegra retrouve sa fille Maria… Comme Rigoletto, Stiffelio, Simon Boccanegra aborde un thème cher à Verdi : la relation père/fille : amour total qui révèle souvent une force morale insoupçonnée. Simon Boccanegra offre un superbe rôle à tous les barytons de la planète lyrique : homme fier au début, dans le Prologue, encore manipulé par l’intrigant Paolo ; puis politique fin et vertueux qui malgré l’empoisonnement dont il est victime, garde sans sourciller l’intérêt du peuple à l’esprit.

La genèse de l’opéra fut longue et difficile. […] Outre l’intelligence des épisodes dramatiques, vraies séquences de théâtre, Simon Boccanegra touche aussi par la coloration marine de sa texture orchestrale, miroitements et scintillements nouveaux révélant toujours le génie poétique de l’infatigable Verdi[3]. »

 
 

 

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Nous avons d’un côté des rombières déclinantes, hautaines, punaises au vitriol, qui se croient être quelque chose au-dessus du rien qu’elles incarnent, quelques-unes asséchées, d’autres résurgence de mastodontes, aussi moches qu’exigeants, vindicatifs et ubuesques, et en face, la grâce presque irréelle qui enchante.

 

Au bureau, nous eûmes une horde de vieilles filles aussi acariâtres les unes que les autres – ce qui amusait beaucoup l’inutile hiérarchie –, colériques, intempérantes, agressives ; mais de ce genre de bétail à fuir absolument, il n’y en avait pas que chez nous. Il y a toujours eu pléthore de ces prédisposées à effleurer, tremper ou tomber dans l’hystérie. Un vrai feu d’artifice pour qui possède la gourmandise de scènes burlesques autant qu’improbables ! Saint-Exupéry l’avait écrit dans Le Petit Prince : « Ne pleure pas renard, ne pleure pas. Ceux qui ne savent pas recevoir sont des plantes asséchées, des instruments sans musique, leur vie est réduite à l’existence. Ils existent sans joie réelle. » Ils ne vivent pas, tout juste survivent-ils !

 

Face à cette horde grimaçante, grincheuse, incontrôlable, caractérielle, il y avait, mais tellement plus rarement, la fleur délicate, jolie et gracieuse. Chez nous c’était l’unique Roselyne Bordas, « une fleur sur un tas de fumier » comme je l’ai déjà écrit ailleurs, ce qui ne put que ravir tous les autres ! Mais encore, juste de passage durant un mois, dans le cadre des échanges « Allemagne France », l’exquise Ramona. J’ai, je le confesse, vécu une bien plus grande abondance sur le marché de Manzac avec Lucette Rabut, Claire Lamargot, Claire Vertongen et la ravissante Isabelle Tavarès, telle une jeune fille en fleur, tout sourire et délicatesse.

 

Mais qui d’autre qu’Isabelle, aurait pu m’écrire des lignes aussi délicates ? Lignes que je prends davantage pour l’expression de sa naturelle gentillesse que pour mes réelles qualités :

 

« Bonsoir, Monsieur Joubert, c’est toujours un plaisir de vous lire. J’aime votre côté bon enfant justement, côté rêveur… Il faut savoir garder une part d’enfant en soi, c’est important, et en ce qui vous concerne cela vous va si bien. Moi-même, je prends soin de préserver cette image enfantine en moi, j’adore les surprises et les découvertes, et garder ma part de pays merveilleux comme on garde un trésor caché. C’est ce qui fait aussi notre force… Bon allez assez parlé, revenons à nos moutons….Alors je vous ai donc fait un petit paquet avec les deux petits pots (un de myrtille framboise et un de mirabelle abricot) et un autre avec le plateau et trois grands pots comme vous me l’aviez demandé la dernière fois. Ne vous étonnez pas je vous ai mis dans chaque paquet un petit coeur de lavande que je fais moi-même (les enfants aiment bien pour les mettre dans leur armoire entre autres). C’est un cadeau pour vous remercier de votre gentillesse, et c’est avec plaisir que je vous l’offre. […] Heureusement comme vous le dites, il existe aussi de très belles personnes, de belles âmes, et c’est toujours un grand plaisir de les rencontrer. Cela ramène de la lumière. […] Je me souviens du petit Tom, vous m’en aviez parlé, nous en avions longuement discuté… Ils ont de la chance de vous avoir, vous êtes une belle personne et vous devez sûrement en plus de les gâter, les faire rire, car il faut le dire, vous êtes aussi une personne très joviale… C’est bien, restez ainsi…» 

 

Je ne saurais cacher comme ces mots offerts avec spontanéité, m’auront touché, car absolument inattendus, jamais entendus, et me semble-t-il parfois même, un peu vrai. Comme quoi, lorsque le ciel est gris, un seul et unique rayon de soleil nous surprend et nous enchante. □

 

[1] Christopher Boehm (né en 1931) est un anthropologue culturel américain avec une sur spécialité en primatologie, qui étudie la résolution des conflits, l’altruisme, les origines morales, les querelles et la guerre. Il est également le directeur du Jane Goodall Research Center à l’Université de Californie du Sud, une base de données interactive multimédia axée sur le comportement social et moral des chasseurs-cueilleurs du monde.

[2] Comme le rappelle fort justement Matthieu Prouillac : « L’anarchie, ce n’est pas l’absence de règle, c’est l’absence de domination. »

[3] Présentation issue du site Classiquenews.com

 
 
 
 
 

 
 
 
 

Dimanche 8 novembre 2020

 
 
 

Malgré le bleu du ciel

 
 
 

Le ciel a beau être tendu de bleu, le soleil nous éclairer et nous chauffer les épaules, nous n’y croyons plus.

 

Cette année aura été détestable de bout en bout, entre les disparitions, la pandémie et sa résurgence intempestive, celles désormais annoncées, les réclusions. On pourrait croire que le ciel et ses démons se font un délice d’être pourvoyeurs de terreur et de peste. Quand ce n’est pas une cruche qui se brise croyant vous avoir délesté ! Et pourtant je suis en forme comme si rien de tout cela ne m’avait touché, ne pouvait me toucher.

 

Les élections américaines ont retenu mon intérêt tant le spectacle était contrasté et loufoque. Observer Donald Trump, tel un gamin gâté auquel rien ne doit résister ou s’opposer, se chier dessus et se rouler dans sa merde, atteint les sommets du burlesque ! Exemplaire pour le Président du plus puissant pays au monde. Le ridicule dépasse l’entendement avec ce rombier borné, grotesque.

 

Ma rencontre, hier en fin de matinée, avec Sylvie Bouton, maire de Montrem, était plus euphorisante que le pitoyable pugilat américain. Je comprends que Mitt Romney, que j’avais brièvement croisé dans mes jeunes années, se soit distancié de la politique de ce pervers narcissique de Trump, bien qu’étant dans le même camp politique.

 

Je lis et découvre de nouvelles facettes de Léon-Paul Fargue, le plus éblouissant des chroniqueurs, et mine de rien des penseurs, de son temps. Sa nostalgie évidemment rencontre la mienne avec bonheur, avec « sorrow », affliction et douleur. Notre monde a disparu lorsque nous dépassons soixante-dix ans. Pouvons-nous nous attacher et participer à celui qui n’est plus le nôtre, mais qui est celui, désormais, le temps des autres ? On peut, je le reconnais, en douter, mais Joe Biden, qui a décliné presque toute la décennie des septante, démontre dans ce combat contre l’imbécillité et les affres terribles de son existence, que c’est possible ; il faut s’intéresser alors aux autres, à ces autres qui ne sont pas de « notre temps » à nous, mais auxquels nous pouvons apporter la richesse de notre expérience sans imposer ce qui relève désormais d’un temps échu !

 

Partout nous voyons apparaître les femmes et c’est sans doute ce qu’il y a de plus réjouissant dans l’élection américaine, celle de la vice-présidente, je veux parler de la ravissante et lumineuse Kamala Harris.

 

Sylvie Bouton possède des convictions, une ambition, une volonté farouche et sera, me semble-t-il, une digne héritière de l’engagement actif des Ranoux, père et fils. La commune a de grands projets qui ne sont pas sans faire penser à ceux de Manzac-sur-vern, projets dans lesquels l’écologie participe et ne peuvent donc que me réjouir. Il est possible que je puisse être témoin de ces réalisations, elles devraient voir le jour ces deux prochaines années.

 

Il y a trop de tout[1] est un texte postérieur de dix années à celui qui ouvre celui qui hante toutes les mémoires, de Suite Familière[2]. Fargue y fait référence puis constate : « Depuis, l’abus se transforme en « œdème cachectique », l’excès devient pléthore, laquelle cède de la place à toutes sortes d’hyperboles, doubles emplois, redites, pléonasmes, cumuls et outrance qui font du monde moderne un vaste catalogue de jouets d’étrennes où notre marmaille d’hommes se perd. […] Ors, même dans notre petit univers de cerveaux, dans notre petite ruche d’hommes, classés, on ne sait trop pourquoi, intellectuels, il y a trop de tout. On ne s’y retrouve plus. Il y a trop d’idées, trop de grands problèmes, trop de points de vue, trop de programmes, trop de plans, trop de promontoires. Les boutures et les fourmis de la surabondance, les poux de la superfétation envahissent lentement, suivis de leurs exposants et coefficients, les arts, les lettres, l’université, la mode, les quais, les chapelles, les cafés, le music-hall, le football, le théâtre de guignol, la prosopopée, la flânerie, la conscience, le simple travail et les zones de raffinement, la politique, la musique, l’amitié, le journalisme, la vie sociale et la vie mondaine, la vie de famille et la vie intime, la solitude et l’amour.

Il est temps de tirer d’un poignet véhément et poilu la sonnette d’alarme qui court le long de notre train jusqu’à la locomotive de Dieu le Père et le Responsable. Il faut lui corner aux oreilles et l’obliger à se retourner sur les ébullitions pullulantes et les sillages fermentants que son ingénieuse générosité fait naître ici-bas. Si je n’ai pas le geste assez vif, qu’on me passe des échelles et des porte-voix. Qu’on me donne le la, et que les Hommes de Bonne Volonté embouchent avec moi la trompette à sept pavillons. Car il y a trop de choses, trop d’idées, trop de Tout[3]. »

 

 

Même si effectivement il y a « trop de tout » comme le déplore Fargue, et combien plus aujourd’hui qu’en 1938, nous rendant plus prisonniers encore d’une société sclérosante, autoritaire, malveillante, je voudrais allumer un espoir : l’éteignoir ne sera jamais total tant qu’il y aura un rayon de soleil, des fleurs, des insectes, des oiseaux, un livre, un disque, un sourire ou un mot d’amitié. ◊

 

[1] Léon-Paul FARGUE (1876 -1947) Il y a trop de tout !, publié initialement dans Les Nouvelles Littéraires du 3 septembre 1938, réédité par Laurent de Freitas aux éditions Sous La Lampe, Graveson, 2008.

[2] Léon-Paul FARGUE, Suite Familière, Paris, éditions de la Nouvelle Revue Française, 1929 et Poésie [Tancrède, Ludions, Poëmes, Pour la musique, Espaces, Sous La Lampe], Paris, Gallimard, 1963.

[3] L.-P. FARGUE, Il y a trop de tout !, Ibid., p. 10-12.

 
 
 
 
 
 
 

Dimanche 25 octobre

 
 
 

Je vous porte dans mon cœur

 
 
 

Notre temps est déjà passé. Nous ne sommes que résidus en instance de disparition. Mais en fut-il jamais autrement ? Dès notre apparition et pour tout un chacun, il en est ainsi.

 

Déjà lundi, nous sommes allés avec mes cousins, Pierrette, Jeantou et Annick sur la tombe de Paul et Christiane Rivière, leurs parents. Paul est parti à 58 ans, dévoré par le cancer. Sa vie fut une des plus dures et âpres de toute notre famille. Françoise et Jean Rivière n’avaient pas tant travaillé, ne s’étaient pas tant privés pour qu’il en soit ainsi.

 
 

 

Pour avoir fait, hier, la tournée des cimetières en arc-en-ciel de Château-l’Évêque à Thenon, par les chemins de traverse, sous un soleil de fin de saison, j’en suis revenu comme dépouillé de tout ce qui fut ma vie.

 

 

Elle était là qui m’attendait ! Jackie était déjà à l’œuvre sur le caveau de la famille Rivière, le lien qui nous fait cousins. Dans le petit cimetière d’Eyvirat reposent deux de mes arrière-grands-parents du côté maternel, dans la même allée transversale. D’une part Jean-Léo Lamaud et Catherine son épouse, née Roussarie, parents de mon grand-père, Jean-Léopold Lamaud, à même la terre, sous une pivoine défleurie. D’autre part, dans un caveau imposant de la famille Rivière repose le patriarche Jean Rivière (portant le nom de naissance de sa mère) et son épouse Françoise Parcelier, leur fille Mathilde Rivière décédée de la typhoïde, à 15 ans (sœur de Marcel, Clotilde, Gaston, Henri et André Rivière). Si Marcel, en raison du crétinisme catholique est allé à la fosse commune au cimetière du nord à Périgueux, après son assassinat déguisé en suicide, Gaston est ici avec sa sœur Mathilde et ses parents. Plus récemment Arlette, sœur d’Andrée et de Paul (les trois enfants de Marcel) est venue s’ajouter aux résidents de ce caveau.

 

Au Change, c’était là le plus triste, car Yvette nous a quitté l’an passé je ne l’ai revue que morte et ne l’ai pas reconnue. Ce large espace est soigneusement entretenu, mais j’eus la sensation d’un grand vide.

 

Au cimetière de Thenon, il y a la tombe de mes autres arrière-grands-parents, Philippe et Céline Geoffre, parents de ma grand-mère Marie Rosalie, mère de mon père, non loin du caveau étroit, soigneusement tenu, où repose son frère Adrien Geoffre (leur aîné) et son épouse Marthe Grand (une femme adorable). Puis, dans cette allée, on trouve la vaste tombe d’un autre frère de Mamie, Marcel et de sa sainte épouse Thérèse qui ont élevé mon père quelques années avec leur fille Marcelle. Marcelle repose là avec son époux Lucien et leur fils mort accidentellement, à 14 ans, Daniel. Ce fut la tombe de tous les pleurs, des incessants pèlerinages dominicaux. Cher petit Daniel, dont j’étais le parrain de confirmation, comment t’oublier ? Ta disparition aura été le plus terrible et insoutenable chagrin de notre famille. Cette tombe ressemble plus à un lieu de recueillement, blanches et jaunes pâles sont les fleurs des bouquets toujours fraîchement renouvelés, les graviers d’un blanc absolu, les plaques en pierre rénovées, comme neuves. C’est ici le lieu le plus cruel, malgré les années écoulées.

 

Pour terminer, je me suis avancé sur la tombe d’Édith Pichon et celle des Bappel, tout à fait au fond à droite, familles en liens étroits avec la famille Geoffre.

 

Dans ce cimetière repose aussi le père de mon père qui ne l’a jamais reconnu, qui est mon grand-père paternel manquant à l’appel.

 

 
 

 

Le cimetière Saint-Georges à Périgueux : la semaine prochaine avec Christine nous irons sur la tombe de notre grand-mère Marie Rosalie, épouse de Gabriel Joubert (décédé à 39 ans) puis de Roger Andreaux auprès duquel elle repose, dans un caveau abandonné depuis des années.

 

Dans ce même cimetière, dans l’allée principale, se trouve un autre caveau où je prendrais place, auprès de mes parents, de mon grand-père et de mes arrière-grands-parents adoptifs, ainsi que d’une des sœurs de Gabriel, Aimée Joubert.

 

J’irais aussi porter une coupe sur le vaste caveau Lacoste, dans lequel repose ma grand-tante Germaine Lacoste (née Joubert avec le cœur sur la main), son époux Henri, leur fils Jean (Jeannot), leur fille Jeannine et son époux Raymond Poussou. La plus jeune fille d’Henri et Germaine Lacoste, est une cousine adorable avec laquelle je suis en contact régulier.

 

Enfin, nous nous rendrons à Coulounieix où nos chers grands-parents Lamaud-Rivière reposent. Nous les aimions tant et ils nous aimaient sans doute plus encore.

 

En paraphrasant Victor Hugo, je veux dire à mes défunts que si tous vous n’êtes plus là où vous étiez, vous êtes partout là où je suis. Et j’éprouve une grande gratitude pour vos sacrifices immenses afin que nous, qui allions venir, soyons plus libres et heureux que vous ne l’avez été. ◊

 
 
 
 
 
 
 

Jeudi 22 octobre 2020

 
 
 

Rencontre avec le Petit Prince, un moment de bonheur

 

 
 
 
 

Ce lundi, nous eûmes le bénéfice d’un beau temps d’automne, léger, jusqu’à ce que le vent se lève en soirée, rendant le marché de Bourrou désagréable, l’atmosphère fraîchissant sous la halle ouverte à tous les courants d’air, sur ce plateau dégagé. Toute la nuit, le vent n’eut de cesse de souffler encore, mais sans pluie véritable, ici en tout cas, avant de s’essouffler !

 

Il était presque 11 h 30 lorsque j’arrivais chez mes cousins. Pierrette était seule, seule non, il y avait près d’elle son adorable Vanda, un grand amour de chienne, coupée de Border Collie, Husky et Labrador. Splendeur du jardin de Pierrette longeant cette petite route du Vergt qui grimpe jusqu’aux vignobles du «Rosette», avec ses bouquets géants de Cannes de Provence panachées (Arundo Donax variegata), ses asters, lauriers-roses, petits conifères et surtout des myriades de Gauras qui, comme à Saint-Pierre-de-Frugie, balancent avec grâce leurs quasi perpétuelles étoiles blanches au moindre souffle de brise. Pierrette me montra le fossé où elle fit, la veille, apprentie cascadeuse, je dis apprentie puisque l’arrosoir plein d’eau resta perché lorsqu’elle dégringola d’un coup, d’un seul, sur plus de 1, 50 m dans les orties et autres espèces sauvages abondantes et moelleuses. Nuit blanche, mais allez, on repart comme en quarante. D’après mon enquête, l’arrosoir et son contenu n’étaient pas dans la conspiration, sinon cela eut été dégoulinant ! Malgré ce tremblement de terre imprévu, la magnifique boite aux lettres, réalisée par Jean-Pierre, stupéfaite, resta muette, pendant que les Cannes de Provence, hochèrent quelque peu de la cime en se disant : « Mon Dieu , mon dieu, qu’est-ce qu’il ne faut pas voir ici ! Enfin, il y a pire encore lorsque passe le carrosse de la fée Carabosse, hautaine, merdeuse en diable, peignée et encaustiquée comme un canard laqué ! » Et là, je ne suis pas certain que l’arrosoir n’aimerait pas participer à la conspiration dite de « la perruque de la vieille perruche » !

 

Mais voilà l’éternel travailleur, Jean-Pierre, sur un de ses nombreux tracteurs, pour lesquels il a une passion, le gris, le vert bouteille, le rouge pompier et je ne les ai pas tous vus ; tous d’époques différentes et qu’il sait faire fonctionner, même après 20 ans, où plus, de douce retraite faite d’un repos absolu ! Jean-Pierre et son adorable Candy, qui ne le quitte ni jour ni nuit, qui l’accompagne partout et fait la sieste lovée contre lui. Candy, comme j’en ai connu dans la famille Barbancey, est un Labrit, chien berger des Pyrénées. Jean-Pierre regonflait (un peu en vain), un vrai ballon de football et le lança à Candy qui, il faut l’admettre, s’amusa follement avec, presque comme une professionnelle, et finalement le rapporta systématiquement à qui le lui avait lancé. Bien que me connaissant peu, j’en fis la concluante expérience. Sacrée Candy !

 

Jeantou et Annick arrivent de Lamonzie-Saint-Martin, après que Julie soit venue récupérer Tom. Ils étaient en forme et chargés. Nous fûmes vite autour de la table où le menu simple et de bon goût fit mon régal, même à long terme ! Je n’aurais pas eu à dégazer au retour ! J’adore les salades d’endives qui ne sont pourtant pas tout à fait encore de saison ! La pizza d’Annick, faite maison, fut un régal. Le magret de canard, une des rares viandes qui me plaisent, était dégraissé et rôti, accompagnés par les derniers haricots verts du jardin et les cèpes des bois de la propriété. Les desserts : un moelleux aux pommes et des éclairs au chocolat comme autrefois, pour clore ce très agréable moment gourmand et sobre.

 

Il y eut une surprise, mais c’était, je m’en doute, un secret uniquement pour moi. Julie était à la porte avec son aîné, un garçon de 5 ans qui fascine par la perfection de ses traits, sa blondeur nordique et son regard de ciel. Tom est le plus bel enfant qu’il m’ait été de voir. Son retrait et son silence interrogeaient, mais il a une maman qui, au-delà de lui avoir transmis sa parfaite beauté, s’occupe magnifiquement de lui. Sa grand-mère et David, son père, y participent activement, ainsi que son petit frère Yann, âgé de deux ans, joyeux et intrépide. Lundi, Tom n’arrêtait pas de parler dans la langue du Petit Prince et de bouger avec vivacité et souplesse, si bien que les photos furent difficiles à réussir. À chaque cliché, Tom me jetait un regard rapide et discret. Il riait beaucoup et son regard était ouvert, tourné vers nous contrairement à autrefois, où souvent, il nous tournait le dos et refusait même parfois que nous l’approchions. Puisque je ne cessais de le regarder et de le photographier, se demandait-il, il se peut, bien qu’il me voit peu, si je ne pouvais pas être un bon copain pour ses jeux ? Sur les genoux de sa maman nous l’écoutâmes réciter avec excitation l’alphabet, tout doucement, comme si c’était un secret, une confidence. Il sait tout, mais le garde pour lui. Il a tellement de succès que de vouloir séduire par la parole ne présente pour lui aucun intérêt. Dans les magasins, parfois encore, il fait des fixations sur des images, des vidéos, ou remet soigneusement en place dans le rayon approprié les objets déplacés, mais si on veut aller plus loin, l’empêcher de regarder ce qui le subjugue, il peut avoir de vives colères.

 

Pour lui permettre de réaliser une de ses activités préférées, on lui mit a portée de main un seau avec 20 cm d’eau, il s’installa aussitôt devant et commençât à y lancer les plus gros graviers qu’il trouvait. Comme je le poursuivais avec mon Nikon, ne pouvant le saisir dans la dextérité de ses mouvements, d’une vertigineuse souplesse, il mit quelques graviers dans ma main et attendit que je fasse comme lui. C’était la première fois qu’il m’invitait à partager une de ses grandes passions. Autant dire que j’étais ravi. D’ailleurs, parfois il me semble ne pas avoir beaucoup plus de 5 ans !

 

À l’intérieur de la haie qui longe cette route de campagne, il y a un passage de type labyrinthe qui permet de voir l’endroit ou Pierrette a meurtrie mille orties qui n’avaient rien demandé. J’y conduisis Julie et Tom nous y suivit. Après quelques mots de consolation adressés aux végétaux dépités, nous revînmes vers la maison, c’est alors que Tom me pris la main pour me conduire de nouveau à cette cachette qui s’ouvre sur la route et ce fossé. Il répéta trois fois le désir de refaire cette visite toujours en prenant ma main. Adorable ! Au moins cette fois je me souviendrais de la place d’où surgit cette anecdote qui nous amusa beaucoup. Le haut du dos de Pierrette étant nettement moins enthousiaste !

 

Et ce fut l’heure de se quitter, Julie devant récupérer chez sa gardienne, son second fils, Monsieur Yann ! Et Tom fit la bise à chacun de nous avant de rejoindre la voiture.

 

Ce fut un moment de grâce ou nos prières intérieures se voyaient exaucées. Ce que c’est tout de même d’avoir une maman aussi attentive, combative, tendre et aimante, qui réussit à sortir son petit ange de sa réserve et de son mutisme.

 

Laissant Jean-Pierre retourner à ses occupations, nous fîmes une petite escapade. Et après un temps de recueillement au cimetière de Colombier sur le caveau de Paul et Christiane Rivière nous fîmes halte route d’Eymet au pied d’un colossal plaqueminier, dont les fruits verts, jaunissants, débutent juste leur mûrissement. Pierrette aurait bien souhaité grimper jusqu’au sommet voulant peut-être surpasser le vertige de sa chute dans le fossé de la veille ! Pour les kakis, il nous faudra attendre encore un peu.

 

De retour à Lembras, Jeantou et Annick reprirent leur voiture pour regagner leur domicile. Un bon moment je restais encore avec Pierrette. Le marché de Bourrou m’attendait. Une bien belle journée chaleureuse, et même miraculeuse, puisque Tom progresse tant que tous les espoirs sont désormais permis, non pas de le voir devenir conforme à la norme, mais de développer le plein potentiel de son intelligence, de ses dons et d’être heureux dans son existence. C’est là mon plus considérable espoir.

 

 

* * *

 

 

Dimanche matin, avant l’hommage à Samuel Paty, et avec Jean-Michel, nous avons marché de 9 h 30 jusqu’à midi, depuis Les Moulineaux jusqu’au Chambon de Marsac, et retour en boucle après avoir rejoint ‟Le Gué de la Roche”. Au Chambon, nous avons rencontré l’épouse de Manu à proximité de leur résidence, avec son chien et un petit canard dans la poche qu’elle couve et dorlote. Plus loin, sur une pancarte, je lis ‟ Terre & Lumière ”, maraîchage bio. Surpris, le curieux que je suis, nous conduira à rejoindre, par une rue perpendiculaire, l’entrée de ces vastes terres en bordure de l’Isle dont Thomas et Diana exploitent une belle surface en pleine terre et aussi sous d’imposantes serres. On les trouve sur le marché de Périgueux le mercredi et le samedi matin. S’y ajoutent deux soirs de ventes sur réservation, sur la propriété. Thomas nous remet sa carte. Il est peut-être le fournisseur de légumes et de fruits de La Vie Claire de Chancelade. Je saurais m’en enquérir auprès d’Hélène. Il est possible que ses pommes anciennes à prix raisonnable, qui font mon régal, viennent de là !

 

Ils content leur histoire sur leur site [http://legumesbiomarsac.fr/] : « Nous, Diana et Thomas, sommes arrivés en Dordogne en 2013-2014. Tous deux non originaires de Dordogne et venus pour suivre un BTS en gestion et protection de la nature, nous sommes tombés sous le charme du département. Tous deux engagés en missions civiques en 2016, Thomas a découvert le jardinage au sein d’une association de sensibilisation au bien-vivre alimentaire tandis que Diana participait à plusieurs missions au pôle restauration collective de l’association locale de développement de l’agriculture biologique. En 2017-2018, nous suivons des formations pour nous initier à la culture biologique de légumes et effectuons nos premières expériences de maraîchage au Chambon, à Marsac-sur-l’Isle. Trouvant le lieu agréable, bordé par la rivière de l’Isle, et apprenant que l’exploitation maraîchère est à céder, nous décidons de la reprendre en 2019 afin de nous lancer dans la production de légumes pour la population locale. »

 

Leur vision ou credo est affiché sur la page d’accueil de leur site : « Très attachés à la préservation de la nature avec laquelle nous vivons, nous accordons beaucoup d’importance dans la qualité des légumes que nous produisons. Nous avons fait le choix de cultiver nos légumes avec soin et bienveillance, et sommes certifiés par Ecocert en AB afin de vous garantir une certaine qualité. Faisant pousser nous-mêmes nos plants de légumes, nous faisons aussi le choix d’utiliser en grande majorité des graines issues de semences paysannes et/ou anciennes et de plusieurs variétés au sein d’un même légume, afin que vous y retrouviez goût et originalité. Avoir une grande diversité d’espèces animales installées dans nos champs est primordiale pour nous, garantissant un lieu de vie agréable pour eux comme pour nous, heureux de les voir. Nous essayons de favoriser leur présence, car ils sont nos précieux alliés afin de pouvoir vous proposer des légumes bons, beaux et sains. »

 

J’ai joué au détective comme j’aime le faire et l’ai fait si souvent dans ma vie professionnelle. J’étais donc content d’avoir découvert encore d’autres jeunes engagés dans le bien-être commun pour la planète et ses habitants. ◊

 

 
 
 
 
 
 
 

Vendredi 16 octobre 2020

 
 
 

 

Voici un moment que j’avais remisé ce carnet, que je jugeais provisoire.

 

La situation sanitaire avec une embellie en juillet et août, puis une rechute dont on ne sait si elle est exagérée ou réellement inquiétante, propre à museler les esprits en colère pour de multiples et justes raisons.

 

Une écologie collective retient plus mon attention désormais et je trouve beaucoup de raisons de se réjouir et d’espérer dans les publications du magazine trimestriel VILLAGE.

 

Notre balade à Saint-Pierre-de-Frugie, avec Jean-Michel, aura été une révélation ayant pour extension une relation qui s’est nouée avec Gilbert Chabaud, l’heureux artisan de la résurrection de son village qui était en train de s’étioler, pour disparaître. Je l’ai largement relaté par ailleurs.

 

À Manzac-sur-Vern, le maire, jeune et déterminé est en train de faire une révolution écologique sur le modèle de celle qu’il a observé, avec intérêt lui aussi, à Saint-Pierre-de-Frugie.

 

Pour le reste nous sommes de nouveau en semi confinement, même si le couvre-feu ne s’applique pas – du moins encore – à nos campagnes. Par contre les réunions familiales de plus de 6 personnes sont proscrites.

 

J’ai débuté aujourd’hui réflexions et achats pour les cimetières, hors ceux de nos parents et grands-parents, qu’en principe je gère avec mes sœurs, et en particulier Christine.

 

Cette sortie sur Chancelade m’aura permis de revoir la si charmante Florine à la Biocoop ‟Le Grain d’Or” où désormais, en sa qualité de naturopathe, elle anime le rayon Hygiène & Santé, et, comme Benoît Perret, recommande la gemmothérapie ! Elle fut un des fleurons de l’heureux temps de Bio-Périgord, un lieu que j’ai adoré, où officiaient trois déesses et même quatre, lorsque la jolie pharmacienne Arlette Couder s’y joignait. Florine a cinq petits-enfants qui lui donnent un sourire radieux qui même avec l’usage d’un masque floral, comme il se doit, brille en ses yeux illuminés de tendresse. Florine est une des plus belles personnes que je connaisse.

 

Reçu aujourd’hui un message de Benoît Perret : « Salut Jean Alain, j’espère que tu vas bien. Je prends beaucoup de plaisir à te lire. C’est vraiment super ce que tu fais. Tu participes autant que moi et tant d’autres à véhiculer des connaissances, valeurs, infos nécessaires à la construction d’un monde meilleur. Merci à toi et merci pour la pub que tu me fais.

Juste une chose, l’abeille domestique ne joue qu’un rôle mineur dans la pollinisation des végétaux comparativement aux plus de 850 espèces d’abeilles sauvages. L’abeille domestique est surtout à saluer pour les produits de la ruche qu’elle nous offre si généreusement. Mais concernant les pesticides, toutes les abeilles, sauvages ou domestiques, en subissent les conséquences dramatiques que nous observons depuis trop longtemps. Les pesticides n’étant qu’un aspect du problème.

Peut être à l’avenir pourrais-tu rendre hommage à toutes les ‟abeilles” sauvages qui profitent allègrement des jachères fleuries et des gîtes à insectes. Belle journée à toi et au plaisir de te voir, Benoît. »  

 

Loin d’avoir les immenses connaissances de Benoît, et avant même d’en acquérir un minimum, j’ai modifié mon texte sur Le jardin se met au vert à Manzac-sur-Vern, en citant la phrase de Benoît au sujet des 850 espèces d’abeilles sauvages.

 

Hier, la découverte d’un texte de Marc Moulin[1] sur le Facebook toujours extrêmement instructif et stimulant de Laurent Bessière, en raison, mais pas uniquement, de son talent de photographe de la faune et de la flore, m’a sidéré. Ce musicien, chroniqueur de grand talent pouvait s’avérer prophétique. Par exemple dans cette chronique de 2003, intitulée Vers la civilisation du couvre-feu :

 

« Je nous vois déjà dans 20 ans. Tous enfermés chez nous. Claquemurés (j’adore ce verbe, et ce n’est pas tous les jours qu’on peut le sortir pour lui faire faire un petit tour). Les épidémies se seront multipliées: pneumopathie atypique, peste aviaire, et toutes les nouvelles maladies. Et l’unique manière d’y échapper sera de rester chez soi. Et puis il y aura toujours plus de menaces extérieures: insécurité, vols, attaques, rapts et agressions — puisqu’on aura continué de s’acharner sur les (justes) punitions en négligeant les (vraies) causes. Et le terrorisme, avec les erreurs à répétition des Américains, sera potentiellement à tous les coins de rues. La vie de « nouveaux prisonniers » que nous mènerons alors sera non seulement préconisée, mais parfaitement possible, et même en grande partie très agréable. Grâce au télé-travail qui nous permettra de bosser à la maison tout en gardant les enfants (qui eux-mêmes suivront l’école en vidéo-conférence). Grâce à Internet qui nous épargnera bien des déplacements: on n’aura plus besoin ni de poster les lettres, ni d’acheter un journal «physique», ni d’aller faire la file dans les administrations. (…). Dans les rues, il ne restera plus que des chiens masqués qui font seuls leur petite promenade (pas de problème, sans voitures), et du personnel immigré sous-payé en combinaison étanche, qui s’occupera de l’entretien des sols et des arbres. D’autres s’occuperont de la livraison de notre caddy de commandes à domicile.

Alors nous aurons enfin accompli le dessein de Big Brother. Nous serons des citoyens disciplinés, inoffensifs, confinés, désocialisés. Nous serons chacun dans notre boîte. Un immense contingent de «je», consommateurs inertes. Finie l’agitation. Finie la rue. »

 

Après cela, que dire ? Nous savons déjà que les fameuses « 30 Glorieuses » seront qualifiées par ceux nous suivent de « 30 désastreuses ». ◊

 
 

[1] Marc Moulin (1942-2008), pianiste, compositeur, animateur, producteur radio, humoriste, chroniqueur et touche-à-tout belge. Il suit des cours de musique à l’Académie de musique d’Ixelles. Parallèlement à sa formation musicale, il est licencié en sciences politiques et en sciences économiques. Animateur radio, il est également chroniqueur au Télémoustique où il signe chaque semaine une chronique acide de l’actualité illustrée par Pierre Kroll, sous le titre Les humœurs de Marc Moulin. Pianiste de formation, fondateur du groupe de jazz fusion Placebo, il connaît ses plus grands succès au sein du groupe électronique Telex. Il est, par ailleurs, producteur de nombreux artistes : Lio, Alain Chamfort, ou le groupe américain Sparks. Il est un des artistes majeurs de la scène lounge. [Source : Wikipédia].

 

 
 
 
 
 
 
 

23 au 28 juillet 2020

 
 
 

 

Les jours neufs s’installent !

 
 
 

 

Tôt, ce jeudi 23 juillet, était mon premier retour sur le marché de Saint-Astier, depuis le confinement.

Tristesse : Marjolaine a perdu la semence de la tomate blanche que je lui avais donnée il y a deux ans et qu’elle avait produite en abondance en 2019 ; cette tomate était mon plus grand régal !

 

J’ai interrompu le casse-croûte de Sylvain et de Jean-Claude Dartenset, pour faire couper au camarade fromager une tranche de tome de chèvre parmi ses fromages d’Auvergne choisis avec la plus généreuse subtilité.

 

Il n’y avait presque personne dans le bar où Pierre retrouvait ses nièces chaque jeudi vers 9 h 00. Maudit mois de mars 2020 où Pierre quatre jours avant ses quatre-vingt-dix ans s’en est allé. Saint-Astier, sans Pierre Jouin, n’est plus ce qu’il représentait pour moi, je n’y ai plus mes repères, peut-être, n’y ai-je plus d’attache. Comment n’ai-je pas voulu voir qu’il allait nous quitter ?

 

Heureusement, Isabelle Tavares, gracieuse et charmante, avait apporté sa toute nouvelle confiture de fraises et chocolat noir. Au stand de la dame du coin de la place du 14 juillet, j’ai fait provision de cerises noires, de nectarines, d’abricots et d’un melon. J’ai blagué avec le pépiniériste Plaçot de Saint-Médard-de-Mussidan que je vois le samedi à Neuvic sur l’Isle.

 

Dans cet après-midi de jeudi, très chaud une fois encore, la surprise vient de l’intérêt de Yannick Rolland pour une photo de Laurent Bessière sur mon Facebook, il s’agit d’une inflorescence de carotte sauvage photographiée de manière à paraître telle une joaillerie de petits diamants. Yannick me demande de le mettre en relation avec Laurent. Le passeur s’exécute, heureux de penser que cette rencontre, pourrait générer, plus tard, une exposition magnifique à Manzac.

 

Mon texte d’hommage à Lawrence Ransom progresse doucement. Christine Cosi m’a re adressé la photo prise par son frère Martin, le jour même de sa disparition brutale, le 31 juillet 2016.

 

J’ai repris les marches le long du canal de Saint-Astier, ce fut le cas vendredi 24, lundi 27 et mardi 28. Dimanche 26, ce fut une belle ballade avec Jean-Michel sur la Voie Verte entre ‘Les Moulineaux’ et ‘Le Gué de la Roche’, jusqu’à l’île derrière le château de La Roche Beaulieu. J’ai fait un reportage photographique. Lundi 27, j’ai revu pour la première fois Alonzo qui en fut fort content.

 

Mardi 28, lors de ma marche, j’ai interrogé Alaric, qui travaillait dans ses champs, sur la disette de poivrons originaux : pourpres, mauves… D’une semaine l’autre, on peut réserver un panier bien trop important pour une seule personne comme j’en avais fait l’expérience il y a quelques années, paniers prioritaires et qui bénéficient du peu de production de poivrons cette année étrange en tout. Puis, pour la première fois aussi, j’ai remis les pieds dans le magasin de la Picandine, le long de la Voie Verte y trouvant mon bonheur en fromages de chèvre et un jus de pomme bio qui vient de chez Christian Lachaize, Couturas, Saint-Vincent-de-Connezac, excellent comme celui de David Dupuy, un peu plus sucré que celui produit par Alaric ; je m’habitue à ce breuvage tellement loué dans Le Voyage dans la lune de Jacques Offenbach auquel j’ajoute l’eau fraîche avec éventuellement une note d’Antésit Anis, en particulier pour mes marches.

 

La découverte du Temps mord de Doris Lessing est loin de me laisser indifférent et me fait penser à la très belle et militante Viviane Forrester (Attac France). Doris Lessing observe toute les routines et forfaitures de nos sociétés :

 

« Dans ce que nous appelons le monde libre, la tyrannie mentale la plus puissante est celle du politiquement correct, qui est à la fois omniprésent et aussi invisible qu’un gaz toxique, car son influence s’exerce souvent loin de sa source et prend l’aspect d’une intolérance généralisée[1]. »

 

Sous une atmosphère brûlante, le marché associatif et bio de Bourrou, de lundi 27 au soir, était assez restreint en fournisseurs. C’est Marianne, l’épouse de David Dupuy qui distribuait le pain et leur excellent jus de pomme. Surprise : je revois depuis des lustres, Madame l’Inspectrice d’Académie, Françoise de Saint-Mayme-de-Pereyrol, épouse d’un photographe émérite, Denis Cauchois. Discuté encore, mais plus tardivement, avec Brigitte Jeannin, dont la morsure du 14 juillet, n’est pas guérie. La brise se lève et le retour est enfin respirable !

 

Ce mardi, une invitation familiale est tombée pour dimanche. Ainsi, nous allons bien remettre le nez dehors autour d’une vaste table.

 

Le marché du mardi 28 à Manzac, où j’ai retrouvé Luc Bahin, ses fils, sa compagne, prend une heureuse extension – non sans quelques tensions –, car il n’y a plus uniquement du local et du bio. Pour autant, on peut, enfin, espérer sa pérennisation à trois kilomètres de la maison ! Une vraie vie de village comme autrefois. Curieusement plus on vieillit, plus on revient vers cet autrefois, que nous avons volontiers renié (le rêve américain ou The american way of life), mais qui semble tel un retour à la vie simple et chaleureuse d’antan. On doit en féliciter l’action du maire, Yannick Rolland et de Claire Vertongen qui possède l’art et la manière… la classe en plus, sans la moindre ostentation. Si ce souffle nouveau, à l’opposé de la morgue du très grand et ridicule Macron, pouvait se répandre, on en serait ravi. Le premier ministre, bien qu’il se situe à l’opposé de mes convictions, s’adresse à des citoyens et non à des subalternes, à des gens sans importance. □

 
 

[1] Doris LESSING, Le temps mord (French Edition). Flammarion. Édition du Kindle.

 

 
 
 
 
 
 
 

 

21 & 22 juillet 2020

 
 
 

 

Le passé refermé accueille un riche présent. J’ai connu fort peu de séparations dans ma vie, qui fut faite d’un grand nombre de relations et d’amitiés, que seule la mort vient interrompre. Aussi, lorsque se produit une rare rupture avec une relation qui s’avère malsaine, étouffante, sclérosante, j’en admet la nécessité, afin d’ouvrir les portes à la vie réelle et non imaginaire – celle que sécrète des cerveaux altérés. Le dictat balourd est aussitôt remplacé par de nouvelles rencontres qui se manifestent à l’opposé de toute possessivité névrotique. Il n’y a plus d’ombres, de peurs, d’obsessions caractérielles sous-jacentes. La lumière vient du caractère non-équivoque de la relation. Car trop d’entre-nous succombent à ce qu’exprime de manière percutante Nihil Messtavic[1] : « On ne vit pas, on s’empêche de mourir. Voilà bien l’héritage humain. » Autrement dit : « La mort n’est pas la plus grande perte que nous subissons au cours de notre vie. La plus grande perte, c’est ce qui meurt en nous pendants que nous vivons… ». Et là, c’est souvent une terrifiante hémorragie !

 

La pandémie aura bouleversé toutes nos habitudes ; pour moi, celle de la marche journalière sur la Voie Verte à Saint-Astier. Mais vendredi, puis dimanche et aujourd’hui mercredi, plus tôt le matin, en raison de la chaleur, j’ai repris mes habitudes. Nécessité vitale et besoin physique et physiologique qu’exprimait idéalement Albert Camus dans ses Carnets I (1935-1942) : « Il me faut écrire comme il me faut nager, parce que mon corps l’exige. »

 

Surprise, alors que Jean-Michel était venu lundi pour m’aider, j’ai reçu un appel fort sympathique du Camarade Robert Puydebois, personnage généreux, fraternel que nous apprécions tous beaucoup. Il est la ‟Mascotte” et l’animateur des défilés et festivités de la CGT Dordogne. Autre moment rafraîchissant et bienfaisant.

 

Toujours lundi, chaleur étouffante, écrasante (j’accuse le coup !) pour le marché associatif bio de Bourrou auquel je confirme mon adhésion. Pain d’épice pur miel de la ferme apicole d’Hervé Poirier à Issac, un vendeur qui propose sa production sans pré commande. Par contre, les champignons de Paris bio de Chancelade correspondent impérativement à une pré commande du mois antécédent. La distribution n’a lieu qu’une fois par mois. Ma commande de déclinaison du porc faite par Internet, mardi dernier, à la Ferme du Bourdil, est dans son entièreté honorée. David Dupuy a apporté le pain réservé la semaine passée ; la fromagerie du domaine d’Eyssal n’a pas oublié ma réservation de la semaine passée.

Brigitte est venue, mais sa blessure s’avère relativement sérieuse et elle est placée sous antibiothérapie, interdite de randonner avant le début août.

Je salue Stéphane Wagner, puis le cantonnier de Beauregard et Bassac qui a pour prénom Jean-Baptiste. C’est son fils qui porte le prénom de Joseph.

 

Une belle rencontre : Jordan. J’avais remarqué sur le marché de Manzac sa manière d’aller vers les autres et d’ouvrir le dialogue toujours avec le sourire. Il était passé ici, nous avions parlé, c’était un jour de pluie. Pour la première fois, il est venu pour une journée de travail, découvrant un peu le jardin et tous ses recoins secrets.

Notre repas au jardin, sous l’érable pourpre, semblait enchanter le jeune homme. Il y a chez lui une vraie gentillesse, le désir de faire plaisir : il est arrivé avec la production variée de son jardin, dont une courgette jaune qui a immédiatement eu les honneurs de la cocotte en fonte avec un pâtisson, une grosse tomate rouge et des oignons. Bien qu’âgé de 27 ans, Jordan possède une philosophie dont il a fait son mode de vie : tolérance (son attitude vis-à-vis de choix qui interrogent est proprement magnifique), humanité, humour et dédicace. Il sous-estime la qualité de son travail ; attentif et amoureux de la nature, il a fait siennes les conceptions de l’écologie, sans agressivité, exclusivité, mais comme une espérance pour la vie sur notre planète. Il vit ses convictions et participe au renouveau spirituel de notre civilisation qui n’est pas, il ne faut pas le croire, que le fait de banquiers, de tricheurs et d’usurpateurs. Certains ont choisi l’authenticité, la sobriété heureuse et ludique. Il a le goût de préparations qui réjouissent les papilles tout en résultant de mélanges simples, naturels et savoureux. La rectitude qui le détermine n’est pas une flagellation, une ascèse, mais une manière harmonieuse de vivre à titre personnel, au sein de son couple et dans la collectivité.

 

Après une douche indispensable et rafraîchissante à l’issue de cette journée cuisante (33° à l’ombre), j’arrive un peu plus tard qu’habituellement sur le marché de Manzac (vers 17 h 45).

Lucette repart, (provisions faites) avec sa famille, l’aîné de ses petits-fils et sa très jolie maman de 90 ans, j’ai juste l’opportunité de faire deux photos de ces adorables Dames.

Je commence par saluer Claire, Simone et son joyeux époux, Isabelle Tavarès, tous les autres dont le tourneur sur bois. Je débute de minces courses du soir, David me pèse quelques tomates aux coloris variés. Après plusieurs tests de dégustation sur le stand d’Isabelle, j’emporte finalement une gelée d’Hypocras, qui va se révéler une merveille pour accompagner les fromages des Alpes de Nicolas et en particulier le Beaufort, mais il en sera de même avec ceux d’Auvergne de Sylvain ; Sylvain que j’espère revoir jeudi à Saint-Astier, pour mon premier retour sur ce marché depuis le mois de mars. Le second pot, une gelée également, devrait être tout aussi idéale pour accompagner les fromages : mélange de figues rouges et de framboises. La semaine prochaine la confiture de fraises bios et chocolat noir sera de nouveau disponible ; Isabelle a épuisé ses stocks. Les framboises du couple Dartenset font avec l’onctueux yaourt d’Eyssal de sobres et délicieux desserts.

Jordan arrive enfin avec son père, d’allure très jeune, et Marie. Quelle chance d’avoir un fils comme Jordan qui m’apporte, un pot de basilic, qui me faisait gravement défaut cette année. On rentre content de trouver un peu d’ombre et de fraîcheur. La température de ces deux derniers jours est vraiment éprouvante.

 

Cent cinquantenaires de la disparition de Josef Strauss, le 22 juillet 1870. Vaste dynastie, principalement reconnue pour le père, Johann Strauss Senior (1804-1849) auquel est attribuée la paternité de la valse viennoise, gloire qu’il partage avec Joseph Lanner (1801-1843). Toutefois, la renommée mondiale de cette danse enivrante revient à Johann Strauss I et à trois de ses fils, Johann Junior ou Johann II (1825-1899), le plus célèbre, Josef (1827-1870) et Eduard (1835-1916). La descendance d’Eduard s’illustra également dans l’univers musical, mais de manière moins flagrante.

 

Josef surnommé ‟Pépi” n’avait pas été destiné à une carrière musicale par son père, mais à une carrière dans l’armée autrichienne. Il travaille d’abord comme ingénieur et concepteur (il présente, en 1853, un projet de véhicule de nettoyage de rue), avant de rejoindre l’orchestre familial dans les années 1850, afin de remplacer son frère Johann gravement malade. « De santé fragile, il s’évanouit en dirigeant son pot-pourri musical lors de sa tournée en Pologne et meurt peu après, à Vienne. Le diagnostic final rapporte seulement une décomposition du sang qui a soulevé des rumeurs comme quoi il aurait été battu par des soldats Russes éméchés, après leur avoir refusé de jouer pour eux. Mais, sa veuve refusant toute autopsie, on n’en sut pas plus. » (source WikipeadiA)

Josef a composé 283 numéros d’opus, recelant un certains nombre de valses restées célèbres et souvent attribuées à son frère Johann dont Sphären-Klänge (Musique des sphères), Delirien, Transaktionen, Mein Lebenslauf ist Lieb’ und Lust, Dorfschwalben aus Österreich, (Hirondelles des villages d’Autriche), des polkas (dont la plus célèbre est la Pizzicato Polka composée avec son frère Johann). Jacques Offenbach était tout autant célébré et joué à Vienne qu’à Paris, et Josef a composé un certain nombre de quadrilles sur les représentations à Vienne des Géorgiennes, Les Bergers, Barbe-Bleue, La Grande Duchesse de Gérolstein, Geneviève de Brabant, Le Château à Toto, Vert-Vert

 

Marco Polo a enregistré l’intégrale de l’œuvre de Josef Strauss en 26 disques. Autant dire, que très amateur de musique viennoise et de valses, danse souveraine, j’ai un faible pour l’élégance des partitions de Josef Strauss, remarquable mélodiste et musicien. Il y a dans cette somme mille merveilles inconnues du public. Il arrive qu’un chef d’orchestre plus curieux, aille chercher une de ces perles pour la donner lors du très prisé Concert du Nouvel An à Vienne. La disparition prématurée à 43 ans, de Josef Strauss, demeurée inexpliquée, est un drame pour le répertoire viennois dont il demeure un des fleurons majeurs.

 

 

Pourquoi ne pas trouver avec Jean Giono, cette joie dionysiaque qu’il inscrit si haut dans Les Vraies richesses ou méditer avec Paul-Émile Victor sur cette infinie gratitude qui semble plus légitime que de maugréer sans cesse :

 

 

Vivre, c’est se réveiller la nuit dans l’impatience du jour à venir,

c’est s’émerveiller de ce que le miracle quotidien se reproduise pour nous une fois encore, c’est avoir des insomnies de joie.

 
 

[1] Auteur assez mystérieux. Sa page Facebook : https://www.facebook.com/Nihil.Messtavic

 
 
 
 
 
 
 

 

18 juillet 2020

 
 
 

 

 

Comme on se sent libre lorsqu’une relation morne, mortifère même, s’éloigne de son plein gré ! 

 

Et ce temps léger, frais et beau est un enchantement. Un vrai bonheur !

 

Certes, il y a cette menace, en plein été, de résurgence du virus. Voici une année où nous aurons vécu dans la crainte permanente, de la mise en sourdine de la vie ordinaire, si bien que certains disjoncteront, ne parvenant plus à dissimuler leur trouble. On peut les comprendre. Cette funeste pandémie aura des séquelles psychologiques impossibles à mesurer à long terme.

 

Le marché de Neuvic, ce matin, était bien agréable. J’ai salué le poissonnier, Magali et ses olives, Lothar qui vend le vin du beau-frère de mon cousin, Pierre Rivière.

 

Pour la première fois, depuis le confinement, hier matin, de 9 heures à 10 heures, j’ai marché en solitaire sur la voie verte de Saint-Astier. Alaric était dans ses champs et s’apprête, si je ne m’abuse pas, à investir toute cette immense parcelle, en bordure de rivière. C’est un charmant et sérieux garçon qui a un immense succès à Neuvic, son stand ne demeure jamais sans clientèle. Je l’ai revu ce matin comme la jeune femme en reconversion bio qui vend des bouquets de différentes variétés de basilics qui se conservent admirablement dans un petit vase. Aujourd’hui, j’ai choisi la variété ‟feuilles de laitue” qui se mange crue (un peu rêche tout de même !), comme de la salade. Nicolas avait oublié le fromage à l’ail que son épouse était allée chercher, la semaine passée, en Savoie, et sa réserve de fromages de chèvre au thym, d’un goût si subtil, était épuisée.

 

Vaste poème symphonique en quatre parties, la Jeanne d’Arc de Moritz Moszkowski (1854-1925), grand virtuose du clavier, enregistré chez Toccata Classics, ne possède pas le souffle des symphonies de Gustav Mahler (1860-1911), Jean Sibelius (1865-1957), Vaughan Williams (1872-1958), Martinů (1890-1959)… Cependant, ce Polonais qui a vécu en France, comme plus tard Alexandre Tansman (1897-1986), mérite d’être écouté, la somptuosité de son orchestration surprend pour un concertiste.

 

 

L’épopée des enfants de Marcel Rivière, puis de leurs descendances, leur courage indomptable, en particulier les trajectoires de Pierrette et Jean-Pierre, d’Annick et Jeantou, de Jacky et Jean-Pierre, évoque pour moi l’illustration de cette citation extraite des Misérables de Victor Hugo :

 

« Il faut, pour la marche en avant du genre humain, qu’il y ait sur les sommets, en permanence, de fières leçons de courage. Les témérités éblouissent l’histoire et sont une des grandes clartés de l’homme. L’aurore ose quand elle se lève. Tenter, braver, persister, persévérer, s’être fidèle à soi-même, prendre corps à corps le destin, étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait, tantôt affronter la puissance injuste, tantôt insulter la victoire ivre, tenir bon, tenir tête ; voilà l’exemple dont les peuples ont besoin, et la lumière qui les électrise. Le même éclair formidable va de la torche de Prométhée au brûle-gueule de Cambronne. » ◊

 
 
 
 
 
 
 

16 juillet 2020

 
 
 

 

 

Mémorable fête populaire du 14 juillet à Manzac sur Vern. Chapeau Claire, Yannick, le conseil municipal, les cantonniers… pour cette monumentale organisation, gérée à la perfection. Claire est une maîtresse femme : tout sourire et générosité et pour rien gâcher belle à ravir !

 

Les averses, non prévues, juste avant l’ouverture de ce marché gourmand retenaient notre désir de s’y rendre. Brigitte venait de repartir chez elle mordue par le chien de Fabiola qui a eut peur ! Brigitte incarne l’authentique. En plus de Manzac qu’elle habite, fidèle à son marché, elle co-gère les lundis de Bourrou.

 

Le pays m’attache de plus en plus : là sont nos espaces, nos paysages, nos racines. Grande affluence qui m’a sidéré. La jolie et gracieuse Delphine Labails était venue apporter son soutien à Yannick, maire le moins conventionnel que j’ai connu, si ce n’est mon vieil instituteur, Jacques Mougnaud à Savignac-Les-Églises ou Jean Bellot à Melle.

 

L’élitisme, nous le trouvons chez ceux qui installent leurs stands, travaillent, produisent pour notre plaisir et notre plus grand bien. Voici ceux que j’appelle des Premiers de cordée, puisque nos vies dépendant de leur activité, de leur investissement. Nous ne les saluerons jamais assez. J’éprouve un immense respect pour eux.

 

J’eus le grand plaisir de faire la connaissance du père de David à qui je disais qu’il n’y a pas un seul homme qui ne serait fier d’avoir un fils tel que David. J’ai passé un peu de temps avec Delphine, davantage avec Matthieu Prouillac, Jordan et sa ravissante petite amie, David et Airelle, Suzy et Christian Bonnet venus avec leurs deux fils, et aussi avec ce cantonnier – un sacré personnage – de Beauregard et Bassac (ex attaché parlementaire) rencontré à Bourrou lundi soir, accompagnée par sa douce et admirative compagne et leur petite fille.

 

Hier, j’ai récupéré la fatigue de la soirée de mardi, de l’ivresse que procure la fréquentation des braves gens et aussi partagé 150 photos avec Claire.

 

Dans l’après-midi, j’ai longuement bavardé avec Marie-Françoise et, en soirée, avec Marie Rose… finalement nous avons beaucoup rit ce qui était bienfaisant pour elles comme pour moi. ◊

 
 
 
 
 
 
 

Lundi 13 juillet 2020

 
 
 

L’été fait bouger

 
 
 

 

Apparition de bonne heure, hier matin, de Jean-Michel

Et ce sera le grand ménage de printemps et trois lessives, travail d’une journée entière !

 

Visite spontanée de Pierrette, Annick, Jeantou et Jean-Pierre, s’en revenant d’Eyvirat où ils avaient déjeuné avec Jean-Claude qui vieillit (79 ans) et fait soucier Pierrette. L’itinéraire de travail de Jean-Pierre depuis le décès de son père impressionne. Dès l’âge de 16 ans, il n’a pas cessé, jour après jour, de travailler. Incroyable !

 

Au moment du départ de mes cousins, les Parisiens – Daniel et sa fille aînée, médecin – descendaient le chemin. Ils s’installent ici pour 15 jours.

 

Sandrine publie une superbe photo de sa mère, de ce temps où je l’ai connu, vue et aimée. Quel regret j’ai de ne pas lui avoir rendu visite avant la triste échéance de l’an passé. C’est sans doute lié aux fâcheries et froissements, communs dans cette vaste famille, qui m’ont retenu alors que je veillais à distance sur André, à la demande d’Éric.

 

Samedi en fin de journée, je m’étais avancé saluer Philippe et sa charmante nouvelle compagne, avant la fête annuelle qu’il donne au jardin, jusqu’à tard dans la nuit avec musique tonitruante qui ne m’a nullement gêné, j’ai passé la fin de soirée à réécouter le disque consacré à Albert Roussel dans la collection « Les indispensables » de Diapason.

 

Visite à Daniel et Marie-Hélène arrivés de la veille. Furent évoqués une ancienne relation, le retour d’Olivier, la visite surprise de Chantal et la santé de Pierre ; Pierre à qui ils s’en allèrent tout aussitôt rendre visite.

 

Après une douche salvatrice, me voici à Bourrou pour le second lundi, en soirée, afin de récupérer deux pains auprès de David Dupuy, un jus de pomme fameux et d’envisager une commande à la Ferme du Bourdil de Bergerac.

 

Discussions animées avec Matthieu Prouillac qui se prépare à être papa et qui est un des êtres les plus sympathiques que j’ai rencontré dans mon existence. Vraiment dommage que je n’apprécie pas son breuvage. En possession d’une conscience vive, il réussit magnifiquement avec ses bières qui connaissent un succès étourdissant, puis avec une jeune femme de ses ferventes clientes ; ensuite avec un jeune colosse qui irradie la santé et qui ayant fait des études de Sciences Politiques, a abandonné les riches ressources d’un attaché parlementaire pour vivre une vie simple et authentique à Bourrou ! L’association fondée il y a 12 ans, est présidée par Sébastien qui a remplacé Stéphane Wagner que j’ai connu au temps de la mise en place du bio au restaurant administratif. J’y retrouve Brigitte qui est trésorière de l’association et ses copines dont l’épouse de Matthieu Gary qui est on ne peut plus charmante, avec leur petite fille de 6 mois !

 

Le soleil de fin de journée d’été rase et dore les champs jusqu’à mon retour aux Rolphies. ◊

 

 
 
 
 
 
 
 

Vendredi 10 juillet 2020

 
 
 

 

Au téléphone, Lionel me rappelait un titre moins populaire de Jean Ferrat, La Leçon buissonnière, où il est, entre autres, d’être involontairement le « bon dieu des rombières ». Nous avons beaucoup ri de l’art que déploient certaines personnes pour s’empaler idéalement, en parfaite autosuffisance. Certains n’envisagent pas d’autres relations que le binôme, la relation exclusive. Le groupe leur est toujours un obstacle paralysant, instillant un mal-être trop lourd à porter. Être plus de deux, brouille leur aspiration à la sécurité de manière rédhibitoire. Le couple dit morganatique n’y résiste pas, une irradiante jalousie génère la tempête.

 

Toute rupture désordonnée, capricante, emportée… fait aussitôt surgir de meilleures opportunités. Je l’ai maintes fois constaté. C’est comme une loi supérieure.

 

Ainsi, hier, fut la journée de l’inattendu. Une autre Chantal, apparue il y a deux ou trois mois sur Facebook, était devant la porte, dans la matinée, avec un pot de miel. Douceur contre acidité. Une conversation passionnante, vivante, culturelle et humaine. La vitalité contre l’empaillage. Olivier qui travaillait à proximité m’en fit l’éloge.

 

Denise ensuite m’appelait pour Jean Michel que j’ai eu un immense plaisir à revoir aujourd’hui et qui reviendra dimanche. Nous avons ri en évoquant des anecdotes sur nos vieilles amies dont les dernières années de vie furent agrémentées par nos assemblées si conviviales, festives et parfois fort joyeuses.

 

La grande chaleur d’hier m’a échappé, j’ai passé la débroussailleuse en début d’après-midi, sans en ressentir le moindre trouble pendant qu’Olivier terminait la taille en topiaire. Ce n’est qu’en soirée que j’ai ressenti un coup de chaud ! ◊

 
 
 
 
 
 
 

Mercredi 8 juillet 2020

 
 
 

 

Comment dire la liberté de ne plus être entravé par un zeste spécieux, contrariant, terrorisé et grincheux ? Finalement, j’ai l’impression d’avoir rajeuni de dix ans !

 

En fin d’après-midi, hier, sur le marché de Manzac, David et moi nous fûmes éblouis par une blonde hyper-canon dont nous devinâmes qu’elle devait être la fille de Claire, ce que celle-ci, très fière, nous confirma peu après. Le trouble de David était totalement naturel pour un jeune homme, aussi aucun reproche ne put lui en être fait, quant à moi, la conjonction de l’âge et de la chaleur servit d’alibi à mon éblouissement !

 

La beauté, c’était le cas, n’égale cependant pas la grâce, le charme. Et lorsqu’une femme ne possède ni l’un ni l’autre de ces atouts, elle est condamnée, fort injustement et cruellement à n’être point regardée ou recherchée. Elles n’y peuvent rien ces vieilles filles chez qui l’aigreur, la jalousie, même soigneusement dissimulée, recouvre d’un linceul leurs désirs et plus désespérément encore, toute aptitude aux simples relations humaines. Les autres n’en sont ni responsables, ni coupables. Les tempêtes d’une mégère sortent du champ de nos compétences thérapeutiques, et sont génératrices d’une profonde indifférence.

 

Hier soir, Josette a bien failli ne pas pouvoir repartir du marché. Heureusement, Lothar était en possession des câbles de démarrage. Avec l’aide de David, Josette put s’en revenir, du moins nous voulons l’espérer !

 

Un petit moment de causette avec Cosette qui se remet calmement de l’opération du premier œil de la cataracte.

 

Moins d’une heure de tondeuse, en deux fois, aura suffi à me mettre en nage et à m’épuiser ! ◊

 

 
 
 
 
 
 
 

1er & 2 juillet 2020

 
 
 

 

La ronde des jours

 
 
 

 

Hier, mardi 30 juin, c’était le troisième marché auquel je participais, organisé à Manzac-sur-Vern, depuis le déconfinement. Ce marché mise plus, aujourd’hui, sur les manzacois que sur le passage de l’axe routier entre Saint-Astier, Périgueux et les territoires au-delà de Manzac, entre 17h00 et 19h00. Le nouveau maire Yannick Rolland et le conseil municipal sont convaincus, contrairement au précédent, de l’intérêt de ce marché de fin de journée. Leurs présences et participations systématiques lui donnent une impulsion évidente. La très charmante Lucette n’a pas eu cette chance. C’est désormais Claire Vertongen, ma presque voisine, qui assure son intendance avec une heureuse efficacité. Elle allie détermination, charme, disponibilité, trouvant de nouveaux exposants, semaines après semaines.

 

Pour la seconde fois, Isabelle Tavarès de Saint-Astier, sous l’enseigne « Au temps d’Isabelle » nous propose ses confitures à l’ancienne, cuites de longues heures en chaudron de cuivre (quelle patience !), réalisées avec une majorité de fruits, plantes et aromates. La confiture de cerises est préparée avec 73% de fruits, parfumée avec parcimonie aux cinq baies (3 poivres : noir, blanc et vert, coriandre, baies roses, piment de la Jamaïque). On voudra goûter, entre autres, la confiture de fraise-chocolat noir, pour savoir si elle est aussi savoureuse que celle que nous eûmes le privilège de déguster chez Annie Bailargeau, Couette et potager d’antan, à Pouffonds dans les Deux-Sèvres, village situé à proximité de Melle et de son ‟Chemin de la découverte”. Chemin que nous visitions, il y a bien des années, avec La Société botanique du Périgord. Immense rencontre que celle de Jean Bellot, qui fut longuement son maire, charcutier et botaniste. De grands et merveilleux souvenirs. Mais la confiture d’Annie Bailargeau est un miraculeux mélange de chocolat noir et de framboise et non de fraise !

 

Lothar et sa cave d’Obelix est de retour après des ennuis de véhicule puis de santé. C’est à Neuvic que je le revis et Claire Vertongen le conviât tout aussitôt, selon ses vœux à nous rejoindre. Les fidèles de toujours, Josette et son camion richement pourvu, David et ses légumes bios avec des tomates approchant le kilo. On se lance du coup dans les farcis en début de saison.

 

En l’absence de «L’Happycultrice», Claire Lamargot, se préparant pour un heureux évènement, les miels et produits de la ruche sont représentés par Emmanuelle Vacher ou son compagnon que je voyais sur le marché de Saint-Astier, non loin de Françoise David-Testut et dans la rue où la jolie Marjolaine déploie son étal. Ils sont apiculteurs récoltants à Grignols. Ce village qui possède une Cagette gérée par notre excellent camarade Matthieu Prouillac.

 

Troisième semaine, pour Gérard Pouyade, ‟La Ferme de Fontroubade” sise à Manzac-sur-Vern qui propose toutes les déclinaisons de la viande de canard dont un des plus fabuleux foi gras du pays, dit Nicolas de ‟Fromages et terroirs”.

 

Madame Simone Rollet, couturière, propose un vaste choix de masques pour femmes, hommes et enfants. Ce n’est presque plus une protection, mais le dernier chic, la nouvelle mode des années 20. Le mien arbore la croix occitane et celui de Monsieur le Maire, les couleurs de la République !

 

Pour la seconde fois un stand iconoclaste propose un large éventail de fruits, mais aussi des bouées, ballons et articles de plage dispensant sur cette vaste place un air de grandes vacances, tout en connaissant un réel succès auprès des visiteurs !

 

Dernière arrivée, la marchande d’olives variées, se trouve à proximité de Lothar, inspirant une idée nettement apéritive, lorsque approche les 19 h 00 ! Et d’autant que le boulodrome – qui longe le ruisseau des Chabannes parfois débordant d’enthousiasme – vient d’être refait à neuf…

 

Claire va quérir à Coursac des baguettes bios qu’elle confie à la belle Isabelle (la belle confiturière), et ainsi chacun peut repartir avec tout ce qu’il faut pour dîner idéalement. Pour ma part, ayant longuement fuit le pain pour des questions digestives, j’ai repris l’habitude d’en consommer avec Laura sur le marché de Saint-Astier ou à Neuvic le samedi matin, vendu par Alaric. Il y a aussi le pain de Clément et Manon de Beleymas que Fabrice nous procurait autrefois… lorsque nous avions le bonheur de voir furtivement venir livrer son pain, la plus jolie boulangère au monde. On les retrouve l’un ou l’autre, le samedi matin, sur le marché de Mussidan. Il y a aussi la Vie Claire à Chancelade avec d’excellents pains moulés, mais encore un paysan boulanger, l’excellence même, David Dupuy, qui lui vend ses pains sur le marché de Sainte-Alvère et à Bourrou le lundi soir à 18 h 30, sous condition de pré commande… Je vais tenter d’y faire un tour lundi prochain !

 

On ne peut qu’admirer l’intendance de Claire qui accueille et doit gérer défaillances, petites jalousies… mais qui sait y remédier avec classe, élégance, fermeté. Le marché a trouvé sa reine ! Nous n’oublions cependant pas la jolie Princesse Lucette à qui nous devons cette initiative et ce lieu de convivialité, au cœur de nos campagnes.

 

 

Dimanche, j’eu l’heureuse surprise d’apercevoir devant la porte deux de mes cousines, Annick Rivière et Pierrette Martinet. Évidemment, les bras chargés de cadeaux comestibles exceptés pour les plans de Gaura, une vivace étoilée et gracieuse, absolument magnifique. Pour ne rien laisser perdre de cette récolte de saison, il me fallut partager avec Sophie et Jérémy, mes jeunes voisins, qui en furent ravis. C’est toujours un plaisir de retrouver mes si dynamiques cousines du côté de ma mère et de ma grand-mère Clotilde, elle-même née Rivière. Pourtant bien que née Rivière, elle ne fut pas pour Jean Léopold Lamaud, mon adorable grand-père, un long fleuve tranquille. Les anecdotes savoureuses abondent ! Nous avons passé un long moment fraternel et chaleureux, ce qui n’est pas de trop en un temps où mon environnement s’effrite et où les rapports sociaux sont nettement amenuisés en raison de la pandémie. C’était une bonne idée de venir me surprendre ; la solitude qui s’imposait depuis tant de mois fomentant une insidieuse inquiétude. Pierrette qui a quatre sœurs, a beaucoup plus d’affinités avec sa belle-sœur qui en retour en a mille fois plus avec elle qu’avec sa propre soeur. Les affinités ne sont pas forcément liées aux liens du sang. L’important est de trouver des résonances chez quelques personnes autorisant la confiance et d’heureux moments de partage, ce qui est le cas pour moi avec Annick comme avec Pierrette et Jacky, un trio de cousines en or !

 

 

Facebook offre parfois des rencontres insolites, imprévisibles, qui sinon n’auraient jamais existées. C’est manifestement le cas pour moi avec Laurent Bessiere et ses réflexions sur le cours de la vie comme sa passion pour la photographie en milieu naturel, de l’éphémère beauté des choses, que ce soient fleurs, insectes, en particulier les abeilles sont un terrain de concordance qui insuffle espoir en la vie. Une vraie poésie transparaît derrière tout ce qu’il observe avec minutie, car il possède le don de capter le fragile instant qui transfigure ce monde hideux qui trop souvent nous opprime, nous emprisonne. La beauté existe, il faut aller à sa rencontre et savoir la saisir, la pérenniser pour le bonheur des regards moins investigateurs ou attentifs.

 

 

Avec Pierre-Yves Besse, Facebook ne fait que confirmer une relation de jeunesse, perdue longuement et retrouvée à l’orée de la vieillesse. Tout récemment il éveillait ma curiosité en invoquant un écrivain qui m’était totalement inconnu, René Frégni. Mon insatiable curiosité qui n’ignore pas que Pierre-Yves est particulièrement doué pour l’écriture, m’engage alors dans des recherches qui me laissent sidéré. Comment ai-je pu ignorer un talent aussi patent de l’écriture, orfèvre du verbe comme le furent Léon-Paul Fargue, Paul Morand, Julien Gracq, et aujourd’hui, avec une absolue rigueur, Pierre Bergougnioux… L’action de René Frégni auprès des prisonniers est inaccoutumée ‒ peut-être notre chère Annie Delpérier s’en était-elle inspirée pour ses interventions à la prison de Mauzac. Ému, de lire ce qu’il leur proposait en lieu et place des armes, de la violence : « …prendre un stylo, c’est comme prendre un bateau, c’est le début d’un grand voyage[1]. »

 

J’en sais un peu quelque chose de ce grand voyage immobile, mais s’ouvrant sur l’immensité de l’univers. Nous reparlerons de René Frégni et de ses nombreux ouvrages empreints de tant de poésie, de sensations, de frémissements.

 
 

 

« Si l’amour cessait d’exister du jour au lendemain notre planète s’éteindrait.

L’amour, toutes les folies de l’amour, rien que l’amour,

le reste n’est qu’inutile poussière de vanité.[2] »

 

 

 

[1] René FRÉGNI, (2017-05-31T23:58:59). Le chat qui tombe (Regards croisés) (French Edition). Aube (De l’). Édition du Kindle.

[2] René FRÉGNI, Elle danse dans le noir (French Edition) (p. 14). Editions Gallimard. Édition du Kindle.

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 

« J’aime être aimé, mais au sens large, où l’amour est sympathie, affection, amitié, dévouement, gentillesse, plutôt qu’au sens étroit, où il devient passionnel, exigeant, possessif. L’amour large vous met à l’aise : on est compris, accepté tel que l’on est, on donne ce que l’on peut, pas plus, on est bien. L’amour étroit vous met mal à l’aise : on vous demande trop, on vous croit un dieu ou je ne sais quoi, on n’est pas soi, on est un autre. L’amour large est clairvoyant […] l’amour vous accueille, vous fait fête, précisément parce qu’il vous comprend. »

 

Marcel CONCHE, Vivre et philosopher