Cyril Moreno où l’art de cultiver son jardin

 
Manif Périgueux avec nos camarades
 
 
 
 

Cyril ou l’art de cultiver son jardin

 
 

 

Jean Alain Joubert

A la demande de Cyril Moreno pour son départ de la DDTEFP 24 pour celle de  l’Ariège

Février 2019

 
 
 

La nouvelle de ton départ ne m’a pas mis en joie, c’est le moins que l’on puisse dire ! Les choix que font les autres ne sont sans doute pas faits non plus pour m’agréer. Il y a toutefois de vrais motifs de tristesse générés par cette décision.

 

En un temps où nos services passaient discrètement et même un peu plus ouvertement à l’ennemi, sous la direction de serpillières ralliées à l’idéologie dominante du Capital distillant les nocives flatulences de leur slogan-imposture « There is no other way », Carole et moi nous nous interrogions sur la création d’une section syndicale, alors que j’étais contraint, à l’âge de 61 ans, de changer de service, sur un temps de prolongation professionnelle, suite aux successives réformes des retraites !

 

Nous étions en 2008. C’est alors que toi, Mathieu, Laura et Émilie arriviez du Centre de Formation des Inspecteurs du Travail de Lyon chez nous. Cette nouvelle génération dotée de convictions musclées s’affirmât résolue à en découdre avec une hiérarchie avachie, agenouillée, au moment où nous menions notre propre réflexion. Nos intentions et votre volontarisme fusionnèrent et créèrent une dynamique qui ne fut pas du goût de tous et fut même du dégoût de quelques-uns habitués aux paisibles bêlements de la bergerie, pour ne pas dire d’un troupeau d’asphyxiés, de momies en irréversible dessiccation !

 

Alors qu’un jeune renard banqueroutier s’esquivait pour préparer son avènement avec les milliardaires de la place, associés à Mimi Marchand, maquerelle, taularde, reine des nuits parisiennes, une vache hilare le remplaça pour assumer l’hideuse Loi Travail.

 

Un vieux cul confortablement engoncé dans le ramassis de ses insanités se fendit d’un rapport – son unique chef-d’œuvre, apothéose de crétinisme et de mauvaise foi – adressé au Dirrecte, vous fusionnant toi et Mathieu en une curieuse synthèse, sorte de vautour à deux têtes, dangereux relent de bolchevisme. Au point où le Grand Silencieux, le retenu, l’effacé, en devint excédé et se mit à lâcher quelques invectives contre tant de relâchement, de compromissions licencieuses, de dérives insalubres.

 

Nous avions dérangé l’institution en décadence alors que je prenais enfin ma retraite, pas vraiment mécontent de ce tour de cochon joué à la gent porcine de cette étable ! Au milieu de tant de ruptures et de deuils mon départ fut sauvé du naufrage par ce pôle de résistance, c’était pour moi un sacré coup de jeune !

 

Aussi ma tristesse à l’annonce de ce départ ressemble en quelque sorte aux dernières images du film magnifiquement interprété par Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo, Un singe en hiver. Les turbulences, relents d’un temps jeune, laissent enfin place à l’attente d’un train qui conduit le jeune vers son destin et laisse le vieux aller à sa fin.

 

 

Entre temps, moins que tu ne le fis avec ton double, j’étais venu à l’UL de Périgueux et à l’UD CGT où je découvrais de braves gens qui me plurent et quelques épluchures qui me déplurent.

     
     
     
 
Un trio de gaillards   Cyril et son camarade Julien
     
     
     

 

Avant que mon association musicale, en 2016, ne me revint quasiment anéantie sur les épaules, je fis un travail de mémoire avec les anciens qui m’intéressa et que j’ai le plus grand mal à poursuivre aujourd’hui. Cet IHS (Institut d’Histoire Sociale) dont tu as pris la direction avant de l’abandonner aujourd’hui, retrouva sous ta houlette, grâce à tes compétences historiques, à ta rigueur et à ta détermination des couleurs et une vraie signification avec la création de cahiers départementaux hautement bienvenus. C’est ici un autre sujet de préoccupation et de tristesse pour l’avenir de ce projet. Par ailleurs, Je souligne que tu fus le seul à trouver de l’intérêt pour le travail d’enregistrements que j’avais réalisé, ce dont je te remercie.

 

Malgré notre volonté farouche de résister à l’inacceptable, après l’avènement en 2017 d’un « démarcheur scélérat », serpillière du CAC 40 « dont le but obstiné était de nous fourguer sa camelote », nos combats incessants et répétés furent vains, conduisant à un recul social sans précédent. Il fallut le surgissement spontané des Gilets Jaunes fin 2018 pour contrarier à peine les plans du petit banquier et de ses alliés, n’hésitant pas à mutiler honteusement cette horde « d’illettrés » et de « feignasses » qui n’ont que le tort de ne pas être des adeptes du capitalisme vorace, ogre insatiable et calamiteux qui les lamine au profit des Premiers de cordée ruisselants d’indécence et de crapulerie.

 

Après un passage érotique sur coussins d’air qui n’en manquaient pas ‒ on sait que l’eau de Vichy est particulièrement gazeuse ‒ ta rencontre avec Patricia, fut le soleil qui se lève sur les zestes d’errements post-adolescents. C’était l’amour et le temps de l’âge adulte avec deux enfants qui n’étaient pas les tiens mais pour lesquels tu investissais ta responsabilité, rôle de protection et de gestion, implication que tu assumas magnifiquement et qui te fait grand honneur. Puis vint l’enfant attendu après celui de ta sœur Aline et avant celui de Mathieu. Joies et devoirs de la paternité pleinement assumés, grand bonheur de vivre droit, exemplaire et attentif au profit d’un autre être. Tout le monde pouvait observer le grand bonheur que signala l’arrivée de Julian dans votre famille, lien indélébile entre Patricia, vos enfants, et toi.

 

Lorsque la sagesse est possible, elle se doit d’être. Ce départ en Ariège qui nous chagrine, ce retour à tes sources, est le prolongement de l’épopée de ton existence. Tu vas rejoindre tes parents vieillissants qui auront beaucoup plus de bonheur désormais en profitant de leur petit-fils. C’est profondément juste. De plus, vivre loin des tourments vécus par Patricia et dans un contexte que ne développe pas suffisamment la CGT, d’auto suffisance écologique et vivrière, avec un jardin, des volailles, de quoi exister dans un système vacillant, victime de ses innombrables injustices, est une riche idée.

Nos parents vécurent ainsi. Ce fut tout l’esprit de ma jeunesse. Les loisirs ont refermé les portails des jardins qui assuraient notre indépendance.

Tu as choisi justement de re-ouvrir ces lieux d’émerveillement, signe d’une maturité que les éberlués du système ont déserté. Pour autant, les combats professionnels et syndicaux méritent d’être menés sans lassitude avec conviction et détermination.

 
 
 
Le pot de départ de Cyril à la DDTEFP 24
 
 

 

Sans doute retiendrons-nous de toi, une fois les mois passés, le temps invitant brumes et brouillard sur le passé, l’image d’un homme intègre, droit, déterminé à lutter pour le plus grand bien de tous. Et encore ceci : un bon père de famille attentionné et protecteur donnant aux siens, en ce temps où déferlent les craintes et l’insécurité, un mode de vie intelligent, autosuffisant, constructif, à l’écart des illusions d’un monde en décomposition.

 

Nous te souhaitons Cyril une belle route, à toi, à Patricia, à Léa, à Alexis et à Julian. Il me semble que tu as pris les justes décisions, ce qui n’empêche que nous te regretterons… c’est notre droit qui est peut-être aussi bon signe ! ♦

 
 
 
Tenue de rigueur pour l’Ariège