Les Mormons, Marianne n° 1138

 

 

   

 

 

 
 

Qui es-tu Mormon ?

Vendredi 8 février 2019

 

 
 
 


Le Journal Marianne n° 1138 du 1er au 10 janvier 2019 publiait un reportage intitulé « Qui es-tu mormon ? ». Ma camarade Christine Sudeix a voulu m’en faire profiter. Elle m’a remis le magazine lors de la manifestation de mardi et je viens de le lire. Il y a là dans cet univers tout un pan très ancien désormais de ma vie qui se situe entre l’âge de 20 et 30 ans.

 

Les images des pages 42 et 43 me sont familières, la première parce qu’y figure celui qui fut un de mes plus proches amis de jeunesse, Neil L. Andersen, avec son épouse, que j’avais rencontré en Floride en 1977 et par ailleurs Gérald Caussé que j’ai vu quelques fois à Paris, ici à la tribune lors de l’inauguration du Temple du Chesnay (80 millions d’euros), en 2017.

 

 

 

Neil L. Andersen fut missionnaire au début des années 70 à Périgueux et il était difficile de ne pas le remarquer et de ne pas l’apprécier. C’est à cette époque que je lui annonçais qu’un jour il serait un des apôtres modernes de cette église et peut-être même son président. L’apostolat est advenu en 2009 et la suite ne revêt aucune improbabilité, puisqu’il est un des deux plus jeunes apôtres actuels, un certain nombre étant plutôt des vieillards. La relève l’y conduira sans doute. Sectaire il est, puisqu’il m’a définitivement fermé sa porte, en 1977, lorsque je lui ai annoncé ma décision de quitter l’église. Pour autant il est un ambassadeur exceptionnel du « mormonisme » en Europe et s’il n’a pas changé depuis son séjour à Périgueux, un personnage éminemment sympathique. Jamais je ne regretterai cette rencontre, malgré son reniement (sans doute égal au mien, vis-à-vis de l’église).

 

J’aurais, si j’en ai le temps, beaucoup à écrire à ce sujet. Comme Georgette et Philippe Lalaus qui témoignent dans cet article, il y a un ensoleillement, une fraternité et de vraies valeurs dans cette église. La seconde photo est celle de deux missionnaires en prière, comme je le fus moi-même dans la région parisienne, à Caen, à Bayonne, à Pau et enfin à Toulouse, durant deux années : 1975 et 1976. À Pau, j’avais un compagnon missionnaire nouvellement arrivé, d’une hauteur physique et morale remarquable, Randall K. Bennett. Il est aujourd’hui une des Autorités Générales de l’Église, membre du Conseil des Soixante-dix. Et s’il existe un seul être au monde auquel il me soit impossible de trouver un seul défaut, c’est bien lui, il m’est agréable de le reconnaître. Ma santé était déjà à cette époque très altérée, sa patience fut à peine croyable pour un garçon d’à peine 20 ans. Il est rapidement devenu Assistant du très estimé Président de Mission, Frère Broschinsky, peu après la fin de ma mission.

 

 

 

Elder Christian Euvrard que j’ai connu lors de ma mission et ensuite lorsqu’il fut missionnaire lui-même à Périgueux, après mon retour, aujourd’hui sociologue des religions dit en outre que les membres de cette église ne boivent pas, ne fument pas, mangent sainement, restent chastes jusqu’au mariage et fidèles à leur conjoint ensuite… leur niveau d’étude est supérieur à la moyenne nationale, 60% votent à droite… 

 

L’église est très riche : 30 milliards de dollars d’après Time Magazine.

 

Ceux qui me connaissent aujourd’hui savent mon aversion pour la droite conservatrice et prédatrice et pour les multinationales. C’était déjà une des raisons majeures, en 1979, de mon divorce. Le Christ si je me souviens bien, selon les écritures, chassait les marchands du Temple à coups de fouet, actuellement dans cette église on milite éventuellement au Medef !

 

Lorsque je quittais l’église en 1979, il existait environ 10 à 15 temples dans le monde. Aujourd’hui l’église en compte, avec les édifices en construction et en projet, près de 200 !

 

Ce qu’on y apprend en mission, Georgette Lalaus le dit bien : « Ça n’était pas facile, mais on grandit tellement vite en mission. On apprend l’humilité, la discipline… » Plus que la discipline, présente sans doute, il faudrait parler d’ordre (Le Royaume des cieux est un royaume d’ordre, phrase chère aux Mormons, et pour moi aussi qui suis un libre penseur : sans ordre il n’y a pas de liberté), de rigueur, de gestion… J’étais dispensé de Service Militaire pour insuffisance pondérale, aussi ce fut l’expérience rigoureuse mais autrement bienveillante qui manquait à ma formation d’adulte. Ma santé était insuffisante pour un tel défit, mais sa défaillance n’incombe pas à l’église.

 

On retrouvera ensuite dans ma vie professionnelle et personnelle cette structure, cette rigueur, ce goût de la justice, de l’équité.

 

Le témoignage d’Alice est intéressant et elle parle à juste titre de dévouement, de vie communautaire, et comme elle, j’ai conservé les principes de la « Parole de Sagesse » qui m’auront permis avec les médecines naturelles de faire un assez long parcours de vie avec bien peu de santé. Ces principes sont excellents pour ceux qui s’y conforment et s’y complaisent.

 

Si on évoque les dirigeants, le rôle secondaire des femmes, je peux avoir des convergences avec les critiques émises et l’avis de Marie Drilhon [Association de défense des familles et de l’individu (Adfi)]. Certes on ne discute pas la doctrine ; mais n’a pas de liberté de penser que celui qui le croit… j’ai connu tant de frères et sœurs avec des modes d’interprétations ou de vies fort divers. De même, le contrôle des personnes est plutôt le fait d’une succession de réunions, de contraintes, d’enrôlements et d’appels (on peut évoquer alors le mot conditionnement). Des dirigeants stupides et assurés que leur sottise était d’inspiration divine, oui cela existe bien, j’en ai connu, j’en ai souffert, mais c’était rare et d’autant plus grotesque. J’ai rencontré dans cette église plus de gens intelligents, bons et bienveillants que de crétins ou de despotes.

 

Et non, ce n’est pas là qu’il faut chercher mon évasion.

 

Je ne crois plus en aucune institution religieuse (certaines sont hautement toxiques, même criminelles), ni même en Dieu et en son Olympe. Et pourquoi ?

 

J’y avais répondu l’an passé dans un texte que j’avais publié sur Facebook et que je reprends ici :

 

Comment croire à l’inspiration d’une église, si on observe ce qui s’y passe ? L’inspiration, la légitimité sont des escroqueries et des aberrations qui sont fort utiles. Karl Marx disait que la religion était l’opium du peuple, je crois qu’elle est l’entraînement, la discipline, le conditionnement à la soumission et à la domination qui ont fait le bonheur des puissants de ce monde. Dans nos difficultés, nous avons besoin de croire, d’espérer quelque chose de meilleur, de recevoir d’un hypothétique Dieu ou Saint ce que les humains nous refusent. Comment croire qu’un Dieu plein de compassion puisse abandonner les peuples, y compris les enfants aux cruautés de politiques tyranniques, voire criminelles ? Aussi comme le philosophe Marcel Conche, Épicure en Corrèze, je ne crois pas à un Dieu muet, insensible et absent, à un Dieu mort comme disait Jean-Paul Sartre ! Marcel Conche avait épousé son institutrice profondément catholique, la cohabitation était sans difficulté. Pour autant, comme lui, nous ne pouvons pas convenir d’un Dieu impuissant, indifférent, cruel, assassin… il nous faut donc convenir d’un Dieu absent qui n’existe que dans nos imaginations et dans nos conditionnements respectifs comme l’expose si remarquablement Krishnamurti qui pourtant, ne l’oublions pas, avait été mis à part par les Théosophes comme étant la Seconde Incarnation de Jésus Christ. C’est lui, à trente ans, qui a démystifié son propre avènement, sa propre divinité et expliqué la supercherie de ces processus de soumission. Ce refus de croire à n’importe quoi n’est pas une agression contre les croyants (j’ai eu besoin de ces béquilles dans ma jeunesse pour accepter de vivre !), mais je suis persuadé que c’est une illusion. Aussi comme Marcel Conche, je m’estime agnostique et avec Jean d’Ormesson en espérance indécise de quelque chose qui nous échappe, mais qui pourrait être moins aride que le vide, qui cependant, si on l’observe, n’est pas si terrifiant (il est repos total). N’y a-t-il pas une réelle beauté dans la non-existence évoquée par le poète Fernando Pessoa dans son poème : « J’éprouve une joie énorme à la pensée que ma mort n’a aucune importance… Je ne vais jamais au-delà de la réalité immédiate. Au delà de la réalité immédiate il n’y a rien » ? □