Familles Joubert, Lacoste, Siozard, Beyssac

 

 

 

 

 

 

 
 

Jeudi 26, vendredi 27, samedi 28, dimanche 29 septembre 2019

 
 
 

Annie Siozard : ma cousine est comme une rose

 
 
 

Il y a une semaine déjà, Marie Annick et moi prenions le TER à Saint-Astier pour Bordeaux, puis Pessac. Annie nous attendait à la gare de cette banlieue agréable, aérée, calme la majorité du temps.

 

     
     
 
Germaine Joubert-Lacoste   Henri Lacoste
     
     

 

     
     
 
Germaine Lacoste née Joubert  

Madame Bernard, Jean-Paul Bernard (bébé)

Aimée Joubert, Germaine Lacoste

     
     

Annie Siozard, née Lacoste est la dernière des enfants de Jean Henri Olivier Lacoste (Notre-Dame-de-Sanilhac, 27 novembre 1890-28 Février 1938) et de Germaine Joubert (Creyssensac-et-Pissot, 4 avril 1899-20 janvier 1971). Germaine était une des sœurs de mon grand-père Raoul Jean Gabriel Joubert (Creyssensac-et-Pissot, Dordogne, 8 octobre 1900-Paris, 23 septembre 1939). En réalité, ma grand-mère Marie Rosalie Geoffre (Thenon, Dordogne, 4 septembre 1903-Périgueux, 17 février 1981) avait eu mon père avec un capitaine de l’armée originaire de Thenon qui n’a jamais souhaité reconnaître, ni voir son fils, ce qui fut la grande affliction de mon père. Ma grand-mère épousa, le 21 juin 1926, Gabriel, ils eurent un fils, Michel Jean (Périgueux, 4 avril 1927-Périgueux, 3 août 1928), qui ne vécut qu’un an. C’est alors que Gabriel adopta mon père André (Thenon, 24 avril 1922-Coulounieix, 20 février 1991). Gabriel mourut prématurément à 39 ans, victime d’une sorte d’effondrement après avoir été témoin d’un accident particulièrement violent : un homme fut décapité par un ascenseur devant ses yeux. Ma grand-mère veuve, se remaria quelques années plus tard avec Roger Andreaux et élèvera ses deux derniers enfants Christian et Renée.

 

 
 

Jean Gabriel Joubert & Marie Rosalie Geoffre-Joubert

 
 

 

     
     
 

Jean Gabriel Joubert & André Joubert

  Marie Rosalie, Jean Gabriel et Aimée Joubert
     
     

 

 

Germaine et Gabriel avaient deux sœurs Jeanne Léa (1895-1993, mariée Queylat), Marie Aimée (célibataire, 1897-1992).

 

Henri Lacoste disparaît en février 1938 des suites de ses blessures de guerre, huit mois après la naissance de sa dernière fille Annie (12 avril 1937, à Périgueux). Le premier enfant, du couple, Jeanine (14 juillet 1922-3 février 2012), fut suivie par Jean (Jeannot, 10 avril 1924-janvier 1997) et Claudette (7 juin 1927).

     
     
 
Jeanine Lacoste   Raymond & Jeanine Poussou
     
     
     
     
 
Jeannot Lacoste jeune homme   Jeannot Lacoste dans son atelier
     
     

 

     
     
 
Claudette Lacoste   Claudette & Jacques Beyssac
     
     

Malgré la mort prématurée de Gabriel Joubert, ma grand-mère et son fils furent complètement adoptés par la famille Joubert. Aimée vivait avec sa sœur Germaine devenue veuve en 1938 et l’aidait au mieux pour l’éducation de ses quatre enfants. Comme nous, ils habitaient La Cité Bel Air, à Boulazac, rue de la Somme, non loin d’une petite chapelle qui m’attirait beaucoup. Mes parents, mes sœurs et moi, nous vivions rue des Américains, aujourd’hui devenue rue John Kennedy. Si notre père avait des contacts avec l’aînée, Léa et ses enfants, c’était surtout avec Aimée et Germaine et ses quatre enfants que les relations furent étroites. Mes souvenirs de vacances me permettent de me remémorer le rituel hebdomadaire du cimetière Saint-Georges où se trouve la tombe Joubert (qui sera mon ultime destination), qui à l’époque était la sépulture de son époux Gabriel et des parents Joseph et Marie de celui-ci, pèlerinage qui toujours se poursuivait par une visite à mes deux grands-tantes avant de reprendre le bus pour regagner la route de Paris puis la Villa Élina, rue Jeanne d’Arc.

 

     
     
 
Aimée Joubert   Aimée Joubert, couturière, au centre
     
     

 

 

     
 

Soulac-sur-Mer, 1953 : de gauche à droite, Jeanne Léa Joubert-Keylat,

Marie Aimée Joubert, Brigitte & Josette Keylat,

Germaine Joubert-Lacoste, Annie Lacoste

 

Cité Bel Air : les trois filles Joubert : de gauche à droite

Germaine Lacoste, Léa Keylat, Aimée Joubert

     
     

C’était dans les années cinquante et soixante une époque paisible et chaleureuse. J’aimais particulièrement Tata Germaine qui était la bonté même, attentive, généreuse bien que vivant très modestement et qui souffrait du cœur.

 

Vers l’âge de quatre ans, j’avais probablement fait une bêtise (je dois reconnaître que j’étais particulièrement inventif), ma mère se fâcha contre moi et me dit : « Je ne veux plus te voir ». Je décidais donc d’aller chez ma grand-tante Germaine, rue de la Somme, qui fut tout de même un peu surprise de me voir arriver seul, si jeune. À l’époque les automobiles étaient rares. Lorsque je lui eus expliqué la raison de ma fugue, elle dépêcha Annie pour rassurer ma mère. Cependant je restais dîner chez ma tante sans les limitations habituelles imposées par ma mère. Finalement le changement de lieu, d’ambiance et de menu n’était pas pour me déplaire, mais au contraire propice à la découverte et à la gourmandise. Annie me raccompagna ensuite jusque chez mes parents. Elle dit que cela ne m’avait pas fait mal d’enfreindre les dictats alimentaires de ma mère, mais la réalité rapportée par ma mère est tout autre : je fus malade et vomissais d’indigestion dans la nuit… mais c’était juste pour lui faire plaisir et qu’elle n’aille pas s’imaginer que je l’avais trahie outre mesure en me réfugiant chez ma bonne tata Germaine !

 

La petite chapelle de la rue de la Somme, fort modeste il est vrai, avait trouvé grâce à mes yeux, il y avait la Sainte Vierge dont on ne voyait que des statues, une abondance de fleurs blanches de préférence, les habits du prêtre, une ambiance féerique, un peu comme une pièce de théâtre. Nous ne connaissions pas encore le mirage de la télévision et n’allions pas dans les théâtres, réservés à une bourgeoisie dont nous n’étions pas. Entre dix et douze ans j’étais fasciné par les messes du mois de Marie. On pouvait penser avec ébahissement, mes parents les premiers, pas vraiment croyants, que j’allais avoir une vocation de Prêtre, c’était plus probablement une vocation d’artiste ! Un peu plus tard La Belle Hélène ou La Périchole me feraient un effet tout aussi électrisant. Pourtant rendez-vous fut pris pour une visite de l’Abbé Barret, aumônier du Lycée Bertran de Born, afin d’envisager Le Petit Séminaire. Ma primo-infection me priva d’entrer dans cette Troupe de théâtre, l’Abbé eut sans doute peur et ne vint pas ! Très longtemps après, alors que nous trouvions réunis après le décès du père d’un ami de jeunesse, je lui fis part que sa défection m’avait entraîné assez loin de l’Église Catholique. Il me répondit : « Vas-tu me provoquer en duel ? ». C’était l’acte trois de cette pièce de théâtre tragi-comique. Finalement, il est mort début 2019. Ainsi finit la comédie…

     
     
 
Annie et sa mère Germaine Lacoste   Annie Lacoste
     
     
     
     
 
Annie Lacoste
     
     

 

 

 

Annie a donc dix ans de différence avec moi. Elle est la seule des quatre enfants de Germaine et Henri à avoir eu une descendance. En 1955, Annie avait 18 ans, elle était de toute beauté, suivait les cours Pigier à Périgueux où elle côtoyait un jeune homme très charmant de 16 ans, Michel Siozard. Ce jeune homme avait une excellente vue et il fut vite amoureux d’elle ! Les parents de Michel tenaient un magasin de vêtements rue André Saigne et Annie travaillait aussi, en dehors de ses cours, chez sa sœur Claudette Beyssac, dans la pâtisserie très chic qui faisait le coin de la rue Taillefer et de la rue Aubergerie. Michel trouvait du plaisir à apercevoir Annie sur son chemin de retour. Les deux sœurs étaient deux des grandes beautés de Périgueux. Si on se pressait dans cette pâtisserie c’était pour se régaler mais aussi pour se rincer l’œil. Honnêtement c’était plus passionnant que les excellentes pâtisseries de Jacques Beyssac, une crème d’aguicheur. Jeunes on pense à autre chose qu’aux sucreries que l’on abandonne volontiers aux mémères sur le déclin… excellent lot de consolation !

 
 
Annie Lacoste & Michel Siozard
 
 

 

 
 
 
Mariage d’Annie & Michel Siozard 
 
     
 

De gauche à droite : Grand-père Émile Siozard, Raymond Poussou, Aimée Joubert,

Martine & Jacqueline Cuménal, Jeannot Lacoste

 

Annie et ses demoiselles d’honneur :

Jeanine Laforêt, Brigitte Keylat, Annie Lacoste, Christine (Titi),

Bernard, Josette Soulier

devant à gauche : Christine Joubert & Martine Cumenal

     
     
     

Annie et Michel formaient un très beau couple qui se remarquait. Un vrai couple, une relation forte pour la vie. Ils se marièrent et eurent deux beaux garçons, sérieux et parfaitement bien élevés : Jean-François (27 décembre 1962) puis quatre ans plus tard Alain (5 mars 1966).

     
     
 

Annie Siozard-Lacoste avec

son fils Jean-François

 

Germaine Lacoste, Aimée Joubert

Alain & Jean-François

     
     

 

 

     
     
 

Périgueux : Claudette Beyssac-Lacoste

Alain & Jean-François Siozard

 

Le Change : Alain Siozard

Raymond Poussou

     
     

Ils habitèrent assez longuement Bassillac, près de Périgueux, où ils élevèrent leurs fils. Mon père, parrain d’Annie, leur rendait visite. Puis ils prirent un bar à Pessac où ils se fatiguèrent beaucoup mais où comme disait Michel, ils voyaient toutes sortes de personnes, de l’intellectuel au paumé, et ce fut une opportunité pour observer le large spectre de l’univers humain.

 

 
 
Annie & Michel Siozard dans leur bar-brasserie à Pessac
 
 

Avec Annie et Michel nous avions des échanges internet ou téléphonique de manière discontinue mais toujours chaleureux. Lorsque ma mère nous a quittés en septembre 2010, j’ai reçu un CD-Rom en forme de condoléances et d’accompagnement dans ce deuil. Michel avait mis en ligne sur son blog certains de mes textes et des photos du jardin. C’était en fait, maintenant que j’y pense, les prémices de ce que je fais aujourd’hui avec Le Jardin d’Épicure. Ces cousins souhaitaient garder le contact, Annie appréciait beaucoup mon père et c’était hautement réciproque. Il faut dire d’Annie qu’elle est la gentillesse même, la douceur, l’affection. En cela elle ressemblait, plus que ses soeurs et son frère, à sa mère, Germaine. Il était facile de l’aimer pour sa grâce, sa nature heureuse et son attention aux autres, une très grande simplicité comme seuls les vrais êtres humains en ont. Aucun déguisement, il lui suffisait d’être belle physiquement et moralement… un peu comme une rose s’y emploie, avec naturel.

 
 

Les 90 ans d’Aimée Joubert

de gauche à droite : Claudette Beyssac, Jeanine Poussou, Annie Siozard, Jeannot Lacoste

 
 

 

Aussi, l’éloignement de leurs deux fils si charmants ne trouvait pas d’explication. Un silence de plus de dix ans. L’enfer pour les parents. Je me suis beaucoup interrogé sur cette situation, sauf à avoir vu la même chose chez certains autres de mes cousins aussi adorables soient-ils. Je suis consolé d’être sans enfants, parce que je n’aurais pas bien vécu ce genre de distance ou de rejet.

 

Ces dernières années, les soucis de santé n’avaient été épargnés ni à l’un, ni à l’autre. Cela en était même impressionnant. Annie a subi plus de trente interventions chirurgicales lui rendant la position debout et la marche délicates. Michel aussi traversait les turpitudes de plusieurs problèmes de santé qui se conjuguaient défavorablement. Toutefois, ils avaient une alimentation saine, une vie calme et une hygiène de vie surprenante. Michel, malgré les troubles occasionnés par la maladie du siècle, se donnait pour objectif de marcher presque deux heures pas jour sur 7 à 8 kilomètres. Un vrai défi.

 

 
 
Michel Siozard
 
 

 

Vers le 15 janvier 2018, Annie m’informa que Michel venait d’être hospitalisé et que sa santé devenait préoccupante. Au point qu’il disparaissait fin janvier après deux semaines particulièrement impitoyables.

 

Naturellement nous communiquions à ce moment-là plus intensément. Annie avait quelques amies, peu de famille et se trouvait seule dans l’impossibilité de contacter ses deux fils.  Nous avions parlé d’Alain qui habitait dans la région Bordelaise ; le médecin avait conseillé à Annie de prévenir ses enfants du caractère transmissible d’une des pathologies de Michel.

 

Nous avions décidé de nous retrouver chez elle, à Pessac. C’était le 21 février 2018. Tout au long du voyage je réfléchissais à sa situation et à rechercher ce qui pourrait le mieux l’aider dans cette épreuve. Ce qui revenait le plus souvent, c’était l’éventualité de retrouvailles avec ses deux fils. Rien n’est plus précieux pour une mère que le soutien de ses enfants si longuement chéris. Moi qui avais oublié la prière, j’en étais à effleurer son principe pour réclamer pour Annie cette bénédiction. Après une péripétie survenue sur la ligne du tram que je pris dans le mauvais sens, j’arrivais inquiet devant sa porte. Je sonnais et qui m’ouvrit ? Alain en personne. Non seulement elle avait retrouvé son fils, mais aussi Quentin, son petit-fils qu’elle n’avait pas vus depuis dix-sept années, dix-sept longues années. Lorsque nous nous mîmes tous les quatre autour de la table j’eus cette réflexion : « Il ne manque que Dieu autour de cette table ! », tant tout me paraissait incroyablement idéal, alors que la vie l’est, habituellement, si peu.

Quentin veut être cinéaste, il est tout le portrait de son père en plus réservé. Ainsi Michel trouve en lui un reflet de ce qu’il fut jeune homme. Il est vrai qu’Alain lui ressemble particulièrement. Pour moi, c’est Michel qui de sa résidence spirituelle a voulu ces retrouvailles et qui les a offertes à sa tendre moitié qui se trouvait dans l’épreuve d’une séparation particulièrement douloureuse. Il a fait en sorte que son départ un peu brutal soit plus supportable pour celle qu’il a aimée depuis ses 16 ans.

 

Alain a pleinement retrouvé la porte et le cœur de sa mère qui le mérite tant. Tout le monde n’a pas une mère et une grand-mère, Germaine, aussi aimantes. Annie n’est plus seule dans sa solitude qu’elle retrouve cependant souvent le soir après les activités de la journée. Alain l’appelle, vient lui rendre visite, l’invite aux fêtes familiales, l’amène en voyage… Enfin, je peux dire que mon espérance a été idéalement exhaussée, me sentant en droit de crier Alléluia ! Car cette fois c’était pleinement justifié.

 

 

Ce jeudi 19 septembre 2019, Annie voulut nous inviter Chez Léon de Bruxelles. J’ai tant mangé de moules qu’il n’y avait plus de place dans mon estomac gargantuesque. Mais moules frites est un de mes péchés mignons. Il faut dire qu’une de mes relations dans les années 80 avait été restaurateur en Belgique et que c’était une de ses spécialités. Lorsqu’il m’annonça ce menu un jour où je passais chez lui à Saint-Pompon, je lui demandais s’il n’avait pas autre chose à me proposer, effrayé par ce mélange qui me paraissait peu orthodoxe. Il me dit : « Goûte d’abord et puis ensuite si vraiment ça ne te plait pas, je te ferais autre chose. » L’alternative ne fut pas nécessaire, pour la première fois de ma vie je me régalais de manière totalement inattendue ! Depuis, si j’ai le choix, je ne préfère pas autre chose. Et Chez Léon, qui est un spécialiste européen de la moule, on est servi royalement. Marie Annick préféra du poisson et se régala tout autant que je le fis, Annie, elle avait commandé des moules à la moutarde. Curieux, j’en goûtais une, pas plus, là je n’étais nullement convaincu !

 

 
 

Annie Siozard & Jean Alain Joubert

devant la brasserie Léon de Bruxelles

photo Marie Annick Faure

 
 

 

     
     
 
Moules à toutes les sauces © Marie Annick Faure   Le plein de moules © Marie Annick Faure
     
     

 

     
     
 

Annie et ses moules à la moutarde

Photo Marie Annick Faure

  Dessert glacé © Marie Annick Faure
     
     

 

Nous avons passé une très agréable journée avec ma chère cousine et pour finir nous avons regardé toutes les photos de famille dont elle est dépositaire et j’eus le privilège d’en emporter, selon mon choix, un gros paquet que je commence à scanner, nettoyer et restaurer. Ainsi le grand album familial s’édifie semaine après semaine. Personne ne devrait être oublié. J’ai vraiment du plaisir à redonner vie à tout ce monde qui fut le mien et qui fut bon pour moi et les miens en des temps plus difficiles qu’aujourd’hui. Et cette tendresse est toujours d’actualité !

 

Les cousins heureux de l’être © Marie Annick Faure

 
 
 

 

Si nos morts nous voient, ils ne devaient pas être mécontents de cette rencontre lors de laquelle ils furent évoqués et purent se sentir aimés. J’ai tant de cousins auxquels nous ne prenons pas toujours, ou assez, garde… bien qu’ils soient tous très attachants. Et la belle et douce Annie est certainement une des plus délicieuses roses qui fleurit sur notre arbre généalogique ! ♦