Mathieu LE ROCH

 
 
 

 

Introduction à l’AG de rentrée

 

15 septembre 2022

 

Discours de Mathieu LE ROCH

 

 
 
     
   
     
     
     
     

 

Cher-es camarades,

 

 

Nous vous souhaitons la bienvenue dans cette AG de rentrée et votre présence manifeste l’importance que vous attachez à la situation sociale de la période.

 

Avant de commencer, je vous présente la tribune : [présentation]

 

Concernant le déroulement de la matinée, une 1ère partie sera consacrée à l’actualité générale ainsi qu’à la préparation du 29 septembre, journée de mobilisation nationale interprofessionnelle. Puis Christophe vous présentera le revendicatif de la CGT sur les questions de salaires et pouvoir d’achat, au sens où nous l’entendons nous et pas au sens que lui donne le gouvernement dans sa loi « pouvoir d’achat ». Le tout sera bien sûr ponctué de débats et de vos interventions.

 

Commençons par la situation internationale si vous le voulez bien.

 

La guerre entre Russie et Ukraine, résultat d’une agression du gouvernement de Poutine, dissimule pourtant mal une forte implication et une responsabilité dans le conflit, de pays occidentaux rangés sous la bannière de l’OTAN. Comme dans tout conflit armé, ce sont d’abord les travailleurs qui en font les frais. Dernier exemple en date, le parlement ukrainien a adopté une modification de la législation du travail : sont désormais exclus des règles collectives du droit du travail tous les salariés des petites et moyennes entreprises. C’est à dire que toutes les entreprises ukrainiennes de moins de 250 salariés, à savoir l’écrasante majorité d’entre elles, sont autorisées à déterminer les conditions de travail par le contrat de travail et non plus par le droit du travail. C’est donc, dans un contexte de guerre, l’instauration d’une relation individuelle, de gré à gré, entre le travailleur et son patron en Ukraine.

 

Et comme l’indignation internationale se fait à géométrie variable, nous évoquerons également les crimes de guerre d’une armée israélienne suréquipée, qui se sont poursuivis en toute impunité cet été, contre une population civile palestinienne occupée. L’agression israélienne débutée le 5 août dans la bande de Gaza est la pire depuis mai 2021. 250 raids israéliens ont été menés en trois jours avec des destructions massives d’immeubles d’habitation, destructions de terrains agricoles, et même un hôpital touché. 44 morts palestiniens dont 15 enfants.

 

En Italie, la démission de Mario Draghi va entraîner des élections législatives prévues le 25 septembre, et ce sont les partis d’extrême droite qui ont la capacité de prendre le pouvoir par les urnes. Le parti fasciste « Fratelli d’Italia », dirigé par Giorgia Meloni, et nostalgique du régime mussolinien, est en passe de prendre le pouvoir, en étant crédité de 25% des intentions de vote. L’extrême droite, nous en diront un mot supplémentaire dans quelques minutes.

 

En Angleterre, la situation est davantage réjouissante, non pas seulement parce que la reine est morte. Entre parenthèse, nos médias nationaux plutôt que de profiter de l’événement pour rappeler le caractère totalement anachronique et réactionnaire d’un régime monarchique au 21ème siècle ont préféré en chanter les louanges en présentant la royauté comme facteur d’unité nationale. Plutôt que d’opter pour un positionnement critique vis-à-vis du résidu de colonialisme que constitue le Commonwealth, ils ont préféré nous vanter les qualités d’une monarque qui a su maintenir la souveraineté de la couronne anglaise dans différentes zones du monde. Mais, après tout, régime monarchique, régime aristocratique ou régime républicain, visiblement tout se vaut, y’a du bon dans tout, du moment que la reine est sympa et que Charles est triste.

 

Mais heureusement, grâce aux mobilisations populaires, l’Angleterre, c’est bien autre chose. Des perspectives s’ouvrent, malgré les annonces martiales de la nouvelle 1ère ministre, qui se gargarise d’assumer la descendance de Margaret Thatcher.

 

Depuis le 21 août les travailleurs anglais du Port de Felixstowe, où transitent 4 millions de containers par an, ont voté un mouvement de grève de 8 jours. Ils ont été rejoints par la mobilisation de dizaines de milliers d’employés des chemins de fer, déjà dans la lutte au mois de juin, et qui ont cessé le travail, entrainant le 26 août une paralysie totale du réseau de transport de Londres. A la Poste britannique, la grève a été votée par 97 % des 100 000 salariés et dans le même temps 40 000 employés de British Télécom sont entrés dans ce qui est leur première grève depuis 35 ans. Le mouvement s’étend également, et pour n’en citer que quelques-uns, aux raffineries, aux entrepôts d’Amazon, aux centrales électriques.

 

Le gouvernement britannique, qui ne répond en rien aux revendications, a tout de même modifié une loi afin de permettre le recours à des intérimaires pour remplacer les grévistes.

 

Quelques mots sur la situation nationale maintenant.

L’appel de la CGT à la mobilisation le 29 septembre est acté depuis début juillet. Bien que 13 organisations aient signé un communiqué commun dénonçant les mesures prises en faveur du pouvoir d’achat et la prochaine réforme d’assurance chômage, à l’heure où je vous ce sont seulement 7 d’entre elles qui appellent à la mobilisation le 29, dont le CGT, la FSU et sud solidaires. Je n’épiloguerai pas sur les raisons qui font que l’on peut signer l’un sans appeler à l’autre, mais à nous de faire avec, et nous y sommes habitués.

 

Les travailleurs n’ont pas baissé les bras face à ce gouvernement qui ne cache pas sa vision d’une société totalement défaite de repères solidaires et collectifs et livrée au pouvoir de l’argent. La colère et le constat ne sont pourtant pas à eux-seuls suffisants pour changer la donne.

 

Ce « pouvoir d’achat » qui est la principale préoccupation des citoyens de notre pays depuis des mois, a donné lieu à trois semaines de débat au Parlement et a débouché sur l’adoption des deux lois formant le paquet dit « loi pouvoir d’achat ». Tour de force d’une majorité présidentielle qui, dans une loi pouvoir d’achat, parvient au miracle de ne pas se préoccuper une seconde des augmentations de salaires. Ceci dans un climat de « fin de l’abondance et de l’insouciance », annoncée entre deux balades en jet-ski au large de la Côte d’Azur, souhaitant mettre fin à une gabegie qui n’a pourtant jamais commencé pour le plus grand nombre. Alors, c’est quoi ce paquet pouvoir d’achat ?

 

La loi pouvoir d’achat, c’est d’abord une hausse des pensions de retraite (après, précisions le, avoir rejeté un premier vote des députés favorables à un amendement fixant une augmentation égale à l’inflation), et la revalorisation de prestations sociales. Problème pour la CGT : avec le niveau d’inflation enregistré, les revalorisations sont déjà dépassées.

 

La loi, c’est aussi le versement d’une prime de rentrée exceptionnelle de 100 € mais seulement octroyée aux allocataires de minima sociaux et les bénéficiaires de la prime d’activité et non à tous les salariés. Probablement parce que les autres ménages utiliseraient cette prime pour acheter des home cinéma, mais tant qu’on peut instrumentaliser le clivage chômeurs contre ceux qui se lèvent tôt, pourquoi s’en priver.

 

Le paquet pouvoir d’achat c’est également le triplement du plafond de la « prime Macron » renommée pour l’occasion la « prime de partage de la valeur » et qui peut être versée sur décision de l’employeur. A vot’ bon cœur patrons, bien sûr sans aucune obligation de versement, bien sûr sans payer de cotisations sociales dessus, et bien sûr sans obligation d’augmentation générale des salaires.

 

Citons aussi la défiscalisation des heures supplémentaires pour encourager l’augmentation du temps de travail, parce que, c’est bien connu, la réponse au chômage de masse doit consister dans le recours aux heures supplémentaires. Dans le même sens de détricotage des 35h, évoquons aussi la pérennisation du rachat de RTT par les entreprises, bricolage pour mettre du beurre dans les épinards en renonçant à ses repos.

 

C’est aussi la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires de 3,5%, pourcentage qui ne couvre même pas l’inflation jusqu’en septembre, et encore moins les 12 ans de gel du point d’indice de la fonction publique.

 

Et que dire de l’indemnité carburant, qui met à contribution les impôts et donc le contribuable pour financer le dispositif, et non les compagnies pétrolières.

 

On peut ajouter au paquet la suppression de la redevance audiovisuelle qui aura pour effet de livrer encore plus l’information et la culture aux mains du Capital, tant il lui est nécessaire de faire face à une population abêtie, ignorante, et inconsciente de ses propres intérêts. Au passage, les milliers de postes laissés vacants dans l’éducation nationale, ou partiellement pourvus par des précaires, sûrement bien intentionnés mais pas formés au métier, est tout à fait conforme à cette tendance, car pour les serviteurs du capitalisme, mieux vaut des futurs travailleurs aux têtes vides, plutôt que des jeunes susceptibles de poser lucidement les problèmes.

 

De tout ça évidemment, rien n’émerge qui permette de valoriser le travail, de faire reconnaître les qualifications des travailleuses et des travailleurs. Quant à des augmentations de salaires, il n’y a guère qu’une poignée d’organisations, en 1er lieu la CGT, pour oser y songer.

 

Evidemment, le débat sur la taxation des super-profits n’est pas envisagé par le gouvernement, puisque Bruno Le Maire, ministre de l’économie dit « je ne sais pas ce que c’est que les super-profits ». Il devrait prêter une oreille attentive à certains de nos voisins européens, notamment espagnols, grecs, italiens et même anglais, qui ont eux, ont franchi le cap de cette taxation. Bien qu’une éventuelle taxation de ce type ne solutionne que partiellement le manque de justice fiscale et n’épuise pas le sujet, par exemple sur l’injustice de la TVA ou la suppression de l’ISF. Et bien qu’il serait tout aussi légitime d’exiger, avant la taxation des super-profits, une taxation sérieuse des profits tout court, car quoi d’illégitime à récupérer une partie plus grande du fruit de notre travail qui rentre indûment dans les poches patronales. Aidons cependant le ministre à savoir de quoi l’on parle.

 

L’armateur marseillais de porte-conteneurs CMA CGM, annonce un profit de 15 milliards d’euros au 1er semestre. Début 2022, pour les sociétés du CAC 40 ayant publié leurs résultats semestriels, les bénéfices du premier semestre s’élèvent à 73 milliards € soit une hausse de 70% en 3 ans.

 

 En Europe, les dividendes versés ont augmenté en moyenne de 30 % par rapport à l’année précédente, record que la France pulvérise pour atteindre la somme de 44,3 milliards au 2ème trimestre. Le gouvernement, lui, veut nous contraindre à nous adapter au changement climatique, à économiser l’eau, à adopter des comportements individuels responsables comme, par exemple, à couper la wi-fi, à baisser le chauffage cet hiver de 1 à 2 degrés dans les habitations alors que des millions de personnes souffrent déjà de précarité énergétique. Climatiser les stades de foot au Qatar, ce n’est par contre pas un problème. Dans notre pays 1,2 millions de travailleurs vivent avec moins de 918 € par mois, leur travail ne les protège plus de la pauvreté. 10 millions de français sont sous le seuil de pauvreté. Des 6 millions chômeurs que compte le pays, moins de la moitié est indemnisé. Probablement la société d’insouciance.

 

Ce qui n’empêche pas Gabriel Attal, d’annoncer que les dépenses publiques, et donc le niveau de services public qui en dépend, diminueront de 0,3 % l’an prochain, aidé en cela par une assemblée nationale particulièrement droitière, les républicains forçant encore le gouvernement sur sa droite, lui qui n’en demandait pas tant. Ce qui rend d’autant plus légitime la mobilisation de la CGT santé du 22 septembre sur les questions de services publics. Et le rassemblement national dans tout ça, puisque désormais, même la Dordogne, dans sa circonscription bergeracoise, dispose de son député descendant de la famille des partisans de l’Algérie française et des collaborateurs avec les nazis ? Observons les faits de façon très concrète : parmi d’autres choses, et rien que sur l’été, le RN a voté contre un amendement proposant l’augmentation du Smic, le RN a rejeté la taxe sur les super profits, mais le RN a par contre voté en faveur de la monétisation des RTT.

 

Ce genre de positionnements du RN, et plus généralement de toute l’extrême droite, il est de la responsabilité des militants de la CGT de les faire connaitre aux salariés, qui, dans leur grande majorité, les ignorent. Nous devons rabâcher, et faire entrer dans les têtes que non, le RN n’est en rien une force d’opposition à Macron, que voter pour Le Pen pour s’opposer à Macron, c’est être le dindon de la farce, que oui, il est un allié objectif du macronisme, et partage avec lui la haine des classes populaires et la croyance dans les vertus de l’économie de marché et les bienfaits de la dérèglementation, que oui, le RN en plus d’être raciste, misogyne, homophobe, réactionnaire, est un fidèle serviteur du patronat et de ses intérêts économiques. Il nous appartient de lever le voile sur un parti qui profite du désarroi et du manque de repères d’une part non négligeable des exploités, qui, en le soutenant au prétexte qu’on aurait essayé sans succès tout le reste, se retrouvent à jouer contre leur propre camp. Voilà aussi où mène l’ignorance de l’histoire. Les syndicats de la CGT peuvent, entre autres, s’appuyer sur la note intitulée « La CGT doit s’opposer à la normalisation du Rassemblement National » envoyée le 15 juillet.

 

La rentrée parlementaire en octobre laisse entrevoir que, parmi les projets législatifs discutés, figure la nouvelle réforme de l’assurance chômage, plus régressive que la précédente, qui durcira encore davantage les conditions d’indemnisation en s’appuyant sur des arguments toujours plus malhonnêtes et mensongers, et en proposant de moduler les indemnités chômage en fonction de la situation économique et du niveau de chômage.

 

En matière politique, rien n’est jamais naturel ni soumis à la fatalité, contrairement à ce que veulent bien nous expliquer les libéraux. Même lorsque c’est la nature qui se déchaîne, comme avec les incendies de cet été, ce sont bien des choix politiques qui sont déterminants sur les conséquences de telles catastrophes. De la Gironde, aux Alpes de Haute Provence en passant par l’Aveyron, ce sont plus de 60 000 hectares qui ont été dévorés par les flammes. Les effets de la sécheresse et du changement climatique ne sont pas les seuls responsables de ces catastrophes. C’est bien l’absence de politique pour la forêt et d’investissement dans les services publics nécessaires, qui sont à l’origine de l’ampleur des dégâts environnementaux et humains engendrés. Après des années de coupes sombres dans les effectifs, il ne reste plus que 8000 agents à l’ONF. Ceci dans un contexte où 75% de la forêt française relève de la propriété privée. Les suppressions de fonctionnaires, les choix politiques d’investir dans des avions de chasse, pour faire la guerre, plutôt que dans des canadairs pour éteindre les feux, se traduisent au final par des milliers de riverains hébergés dans des gymnases ou chez l’habitant plusieurs jours durant, ce sont des maisons qui brûlent et leurs occupants qui ont tout perdu. Des propositions de la CGT relatives à la forêt, il y en a pléthore : ce ne sont pas celles qui ont été retenues. Soulignons que même le très libéral Biden aux Etats-Unis a réussi à faire adopter son plan pour le climat par le congrès américain à hauteur de 430 milliards de dollars, financés pour l’essentiel par une taxation accrue des plus fortunés et des entreprises.

 

Et pour citer Marx, rappelons que, je cite, « Le capital épuise les deux seules sources de toute richesse : la Terre et le travailleur ».

 

Pour finir, durant l’été, la CGT, nationalement et départementalement, n’a pas chômé. La mobilisation du 29 septembre n’est en effet pas une surprise : un communiqué commun CGT / sud est sorti dès le 7 juillet et a été porté à la connaissance des syndiqués du département le 26 juillet, expliquant la démarche et compilant plusieurs envois, notamment un tract sur les 10 mesures d’urgence et un 4 pages contact sur les retraites. Ce seront donc, en Dordogne, 3 lieux de rassemblement. A Périgueux, la manifestation se finira par un casse-croûte fraternel de l’UD au niveau des allées Tourny, les syndicats cheminots et des activités postales, ainsi que l’UL, nous prêtant main forte pour sa bonne tenue.

 

Dans l’été, l’UD a transmis aux syndicats le kit des 10 mesures d’urgence de la CGT et le tract confédéral « toutes et tous mobilisé-e-s pour plus de justice sociale » appelant d’ores et déjà à s’inscrire, le 22 septembre prochain, dans la journée nationale d’action pour la santé. Puis le 2 septembre, un mail aux SG de syndicats avec le kit complet salaire et le tract confédéral pour le 29 septembre. Sur ces 10 mesures, Christophe vous en dira plus long dans quelques minutes.

 

Le 7 septembre, les ULs ont été avisées par l’UD de l’arrivée des affiches pour une campagne de collage, puis ont envoyées aux syndiqué-es le 8 septembre le tract départemental pour le 29 et les modalités de mobilisations. Vous n’hésiterez pas à vous exprimer sur le sujet dans le débat qui arrive. Durant l’été, un bulletin d’UD spécial congrès départemental est aussi paru.

 

Les syndicats et UL ont aussi occupé le terrain :

 

  • Stand pour les saisonniers par l’UL de Sarlat, plusieurs distributions de tracts pour Périgueux, journée départementale de déploiement du 7 juin à Bergerac et Périgueux, réfection des locaux à l’UL de Bergerac.

  • Mobilisation des agents des écoles à Bergerac en 2 temps (juin puis septembre), soutenu et organisée par le syndicat CGT des territoriaux de Bergerac, face à l’intransigeance totale du maire

  • Mobilisation des ATSEM le 5 septembre à l’appel de la CGT

  • Communiqué commun CGT Eurenco / UD suite à l’explosion à la poudrerie de Bergerac début août,

  • distribution de tracts de la CGT éducation nationale à Boulazac pour la venue du ministre début juillet,

  • rassemblement à l’appel de l’USR 24 devant la carsat début juillet

  • rassemblement pour le droit avortement à l’appel de l’UD début juillet

  • grève aux papillons blancs à la mi-juin pour le ségur

  • mobilisation de la santé action sociale 17 juin

  • manifestation régionale des cheminots à Bordeaux le 20 juin, avec présence des cheminots de Périgueux et de l’UD24

  • Grève au centre courrier de Lalinde 8 juin,

  • AG du syndicat d’Hermès le 9 septembre.

  • Mobilisation à l’appel de la Cgt mines-énergie le 13 septembre

 

Je profite de cette assemblée pour vous faire sortir vos agendas dès aujourd’hui : la CE de l’UD a acté la tenue d’une journée d’étude de l’UD sur les questions d’égalité femmes-hommes, dont l’organisation a été confié à notre collectif égalité. Vous pouvez noter que nous la tiendrons le 6 décembre en matinée.

 

Voici qui laisse un aperçu de l’activité des militants de la CGT même durant l’été, sans compter toutes les distributions ou informations dispensées par les camarades sur leur lieu de travail.

 

Pour conclure dans la même veine, c’est bien la preuve que, si nous éprouvons parfois de la fatigue ou de la lassitude, jamais nous ne nous laissons aller à la résignation. Nous n’avons pas d’autres choix, faute de méthode miracles, que de nous adresser aux salariés et de les convaincre, parfois un par un.

 

C’est à la CGT, à ses militantes et militants, qu’il appartient de créer les conditions de l’action collective, et d’ancrer dans les mentalités que le combat de classe est une réalité et que le changement de société est inévitable pour que le plus grand nombre accède enfin à une réelle dignité humaine.

 

J’en terminerai ici, et vous laisse la parole pour un débat totalement libre.

Merci de votre attention.

 
 

     
 
 
 
   

 

 
 

Intervention de clôture 51e congrès UD CGT Dordogne

 

20 mai 2022

 
 
 

Mathieu LE ROCH

 
 
 

 

Mes cher-es camarades,

 
 

 

Avant d’entrer dans le vif de la conclusion, je tiens à procéder à quelques remerciements. Merci à ceux qui ont, aidé à préparer ce congrès : membres de la CE sortante qui ont rédigé les documents, les camarades qui ont d’une façon ou d’une autre œuvré à son organisation, de la réservation de la salle en passant par la mise sous pli des documents, la constitution des dossiers congressistes, l’installation de la salle, le suivi des devis, le calcul des mandats de vote, l’accueil des congressistes, les contacts téléphoniques et bien d’autres choses.

 

Merci aux congressistes qui se sont organisés pour être présents sur ces deux jours et à leurs syndicats, qui ont organisé leur délégation, et qui ont ainsi manifesté leur attachement à la CGT interprofessionnelle.

 

Merci à nos invités, qui je l’espère, ne se seront pas sentis trop étrangers à nos discussions et qui, je l’espère aussi, se seront sentis bien accueillis.

 

Et enfin merci à Karine (pour celles et ceux qui ne la connaissent pas ou ne la connaissent que téléphoniquement, Karine, c’est la salariée de l’UD). Merci à elle, non seulement pour sa contribution à ce congrès, qui a un peu chamboulé son quotidien professionnel ces dernières semaines, mais aussi pour tout le reste. Je sais son attachement affectif à Corinne et le petit déchirement que constituera pour elle son départ, même si le fait de quitter ses responsabilités n’est pas synonyme de quitter l’UD.

 

À chaque changement de direction d’UD, et même s’il s’agit rarement de ruptures brutales et si quelques éléments de continuité subsistent, ce sont de nouvelles façons de faire, de nouvelles organisations, de nouveaux tempéraments, et il n’est pas forcément simple de s’y adapter. Mais Karine a vu de nombreux changements, elle qui travaille pour l’UD depuis qu’elle a 16 ans. Si la place d’une salariée dans la CGT est toujours ambiguë, tout le monde aura fait le même constat : elle sait parfaitement trouver l’équilibre entre les exigences et les sollicitations des uns et des autres et n’oublie jamais qu’elle n’est pas salariée d’une boite comme une autre, mais celle de la CGT. Et nous savons parfaitement que ceci demande des compétences très pointues, notamment en termes de relations aux autres. Nous avons totalement conscience de la chance que nous avons de l’avoir à nos côtés, cela même si ses presque 40 années au service de la CGT n’auront jamais levé ses doutes quant à ses propres capacités et ses angoisses de mal faire. Donc merci à elle d’être cette cheville ouvrière pour notre organisation, depuis si longtemps.

 

Nous voici donc arrivés au terme de ce 51e congrès. Il aura abouti à une adoption très largement majoritaire du document d’orientation. Au-delà des documents, des votes, j’espère qu’il aura permis au plus grand nombre des congressistes de repartir avec des questionnements, des pistes de réflexion sur leurs propres pratiques syndicales, de quitter Trélissac avec des convictions politiques raffermies, et un peu plus de clairvoyance sur le sens de leur propre engagement dans la CGT. Il aura confié à 24 camarades le mandat de membres de la CE, c’est-à-dire celui de prendre les décisions les plus à même de renforcer notre organisation et de peser de tout son poids en faveur des salarié-es. Très lourde responsabilité. Mais, et au risque de prêcher pour ma paroisse, parmi les tâches à remplir dans la CGT quoi de plus intéressant que d’y mener des activités interprofessionnelles ? Car oui, et c’est suffisamment heureux pour être souligné, en l’absence de droits syndicaux interprofessionnels qui permettraient de mener au mieux l’activité dans les Unions locales et départementales, heureusement que des syndicats prennent leur responsabilité et mettent à disposition des organisations territoriales des militants ou des dirigeants qui permettent que l’activité syndicale prenne toute son ampleur en dehors de l’entreprise. Mais non, ne nous racontons pas non plus d’histoire, les Unions locales et départementales restent de façon chronique les parents pauvres de la CGT. En tout cas, les parents pas suffisamment bien dotés pour tenir notre ambition d’être la CGT de tout le salariat, comme, je crois, l’illustrent fortement ces deux jours de débats. Mais aucune fatalité quant à cet état de fait. À nous de retrouver collectivement de véritables réflexes d’organisations, de démocratie syndicale, de contact direct avec les salariés de nos établissements, à nous de consacrer autre chose que des miettes à nos unions locales ou de cesser de considérer que x jours donnés à l’UL, ce sont x jours de perdus pour le syndicat, à nous de discuter, et de discuter parfois fermement, mais toujours loyalement, pour aboutir à la meilleure décision possible, mais en le faisant en partant de nos réalités, en partant de nos syndiqués et des salariés tels qu’ils sont réellement, en le faisant sur la base de NOS repères revendicatifs, mais aussi de LEURS préoccupations de salariés. Nous aurons besoin de toutes nos forces, potentiellement dès cet été, au vu du risque important d’annonces estivales de contre-réforme des retraites au beau milieu des périodes de congés, et donc de la nécessité de préparer rapidement la mobilisation de rentrée. Les annonces de campagnes de Macron sur le sujet, ainsi que l’identité de la nouvelle 1re ministre rendent ce scénario fort possible.

 

Pour ce qui me concerne plus personnellement, je suis évidemment très honoré de me retrouver à cette responsabilité dans la CGT. En même temps que très intimidé par le poids que représente la charge symbolique de s’inscrire dans la continuité de ce qu’a été la CGT depuis 127 ans. Et la CGT laisse un très lourd héritage, qui ne demande qu’à être encore élargi. Pas de congés payés sans CGT, pas de sécurité sociale sans CGT, pas de salaire minimum sans CGT, pas de journée de 8h ou de semaine de 40h sans CGT, pas de conventions collectives sans CGT, pas de statuts de la fonction publique sans CGT, pas de retraite par répartition sans CGT, pas de représentation du personnel ni d’organisations syndicales dans l’entreprise sans CGT.

 

Mais que dire aussi de combats moins visibles et moins connus, mais qui laisseront des traces tout aussi indélébiles, que ceux menés par la CGT depuis des décennies, et toujours en avance sur son époque, en faveur par exemple de l’émancipation des femmes, ou contre le travail des enfants afin de les extraire des griffes patronales par leur scolarisation à l’école laïque, publique et gratuite, ou contre les discriminations raciales, ou contre le colonialisme et l’impérialisme, ou contre le fascisme, ou pour la démocratie sociale, pour l’égalité des droits et l’égalité matérielle, pour la laïcité (et je parle de celle de 1905, pas celle des islamophobes du XXIe siècle), sans oublier ses combats sur le terrain culturel pour arracher le monopole de l’accès à la culture à une petite aristocratie. En résumé, la CGT a réussi non pas encore à faire tomber ce système économique injuste et inique, mais à lui mettre de durables coups de boutoir.

 

Ce leg, il est évidemment massif, d’autant plus quand on se penche sur l’état des forces actuel, qu’on pourra trouver insuffisant, et qui pourrait nous faire conclure un peu hâtivement que tout ça, c’est derrière nous. Mais cet héritage est tellement porteur de sens, qu’il nous fait dire : voici aussi de quoi l’humanité est capable.

 

Quant aux autres traces indélébiles à mettre au crédit de la CGT, et de celles que nous ne pourrons pas trouver dans les manuels d’histoire, ce sont les marques que l’organisation laisse sur ses militants et les transformations profondes qu’ils subissent à son contact, de celles qui constituent leur émancipation individuelle. Combien de militants, pourtant fâchés avec l’école et la culture scolaire, auront trouvé dans la CGT la bouée de sauvetage intellectuelle qui leur aura permis de devenir des amateurs de lecture, de devenir des individus capables de décrypter avec lucidité le monde qui les entoure, de leur faire connaître tout un pan de la culture ouvrière qu’ils ignoraient, alors mêmes qu’il s’agit de leur propre culture et de leur propre histoire, qui les aura rendus capables de s’exprimer en public, ou leur aura permis de canaliser leur colère et leur sentiment d’injustice et les rendre moins stériles en œuvrant collectivement ? Quel militant ne s’est jamais dit que les choix essentiels qu’il ou elle a pu faire dans sa vie, y compris dans la sphère la plus privée, n’étaient pas grandement liés à ce qu’il ou elle avait acquis dans la CGT ?

 

Le monde est bien différent lorsque, grâce à la CGT, on ne le voit plus avec les yeux du patron, et il est même beaucoup plus grand et beaucoup moins mesquin.

 

Merci donc aux militants du département que je regrette évidemment de ne pas pouvoir tous énumérer, aux syndicats, aux membres de la CE sortante d’avoir œuvré en ce sens. Et un merci plus particulier aux membres du secrétariat sortant, non pas qu’ils soient plus méritants que les autres, mais parce que c’est à leur contact que j’ai passé l’essentiel de mon temps ces trois dernières années. Merci à Corinne, notre trésorière, de tenir avec autant de fiabilité les ressources financières que 4000 adhérents font l’effort de verser mensuellement, merci parce que j’ai conscience du caractère pas toujours gratifiant et pourtant si fondamental, de tenir politiquement et financièrement les ressources communes de l’organisation, mais aussi parce que j’ai conscience de la difficulté que représente un mandat dans un secrétariat d’UD lorsque l’on aime aussi peu qu’elle, se mettre en avant. Merci à Fred d’avoir fait tourner au quotidien l’union départementale, au milieu des multiples casquettes syndicales qui sont les siennes, notamment fédérales et à l’institut d’histoire sociale, et j’espère qu’il nous pardonnera de l’avoir utilisé à l’UD de façon tout aussi multitâche, sans forcément de véritables attributions officielles, mais souvent au gré des besoins ponctuels et immédiats de l’organisation.

 

Nous tenons également à saluer l’entrée de Christophe dans le secrétariat de l’UD. Nous en sommes très fiers, car voici un camarade que nous avions repéré il y a plusieurs années lors d’un important conflit à la papeterie Munskjo Rottersac, à Lalinde. Nous avions déjà noté chez lui la présence de qualités qui sont celles que développent les bons militants : la capacité à raisonner, à garder la tête froide, à ne pas déterminer ses positionnements sur la base de considérations affectives ou en fonction du sens du vent. La suite de son parcours nous a prouvé qu’il ne s’agissait pas d’un coup d’éclat passager : il a su se bonifier sur le long terme, ce qui a logiquement conduit à une montée en responsabilité sur le champ interprofessionnel. De la réflexion et de la constance : ceci sera très utile à la direction de l’UD. Et je profite de la présence de délégués de son syndicat à notre congrès pour leur dire notre reconnaissance envers la CGT Munskjo pour avoir renoncé partiellement à Christophe afin qu’il puisse se rendre utile à la CGT départementale.

 

Pour terminer, nous évoquerons Corinne, qui a fait le choix d’en rester là avec les responsabilités à la CGT. Mais qui a fait savoir qu’elle se tiendrait disponible pour certaines petites tâches qui pourraient encore être profitables à l’organisation. Nous la recroiserons donc régulièrement dans les locaux, dans la rue, mais aussi dans le collectif de formation ! Après 20 ans passés dans différents mandats interprofessionnels, le choix est mûrement réfléchi et elle a considéré que sa réintégration professionnelle était l’alternative la plus adaptée. Même si cette réintégration s’effectuera dans des conditions peu dignes et que je trouve injustifiables pour une camarade qui s’est trouvée, plusieurs années durant, à la tête d’une organisation de 4000 adhérents.

 

Évidemment, personne n’est irremplaçable, mais certains départs pèsent lourd et celui-ci se fera sentir. Parce que son excellente connaissance de l’organisation, et sa grande préoccupation pour les considérations très matérielles et très pratiques auront très sérieusement contribué à raccrocher certains syndicats à l’UD et à légitimer l’action de l’UD auprès d’eux. De même que son attachement à un syndicalisme de proximité et son peu de goût pour la théorisation hors sol ou le dogmatisme. Qualité précieuse lorsqu’on connaît les limites d’un syndicalisme d’incantations, qui, sous couvert de radicalité, n’a pour but que de tenter de contourner les difficultés du travail syndical quotidien. Si la CGT est basée sur un syndicalisme de luttes de classe, elle aura eu a cœur que cette exigence ne dérive pas vers un syndicalisme élitiste, où seule l’action d’une avant-garde éclairée entre en jeu, reléguant les salariés aux seconds rôles. Parmi les priorités de Corinne, celles de la question de l’après ont toujours été présente : que sera la CGT 24 après moi ? Elle aura, par elle-même, constaté les désastres qui sont générés par le manque d’anticipation syndicale, par des carences dans le tuilage des directions syndicales des plus anciens vers les plus jeunes, ou carrément par les réticences qui existent parfois à confier des responsabilités aux jeunes militants. Elle aura été capable de choix très fermes et très tranchés, sur cette question, comme sur d’autres.

 

Et puisqu’il s’agit ici d’un hommage, nous n’esquiverons pas les considérations plus personnelles, même si je ne suis pas adepte de la chose. Évidemment, ce qui nous vient à l’esprit en premier en évoquant Corinne, c’est son goût prononcé pour l’échange, pour la discussion, ceci pour le bonheur des uns ou au grand dam de ceux qui aspirent à un peu de calme. On sait que sa présence dans les locaux est souvent synonyme d’environnement, disons «vivant», voire «bruyant», diront les mauvaises langues. Ce goût pour l’échange en fait une formatrice syndicale appréciée et reconnue, amenée à intervenir régulièrement dans nos stages, exercice qu’elle apprécie particulièrement.

 

La présence d’une femme à la tête de l’UD, qui plus est, arrivée au poste de SG non pas par défaut, mais suite à une grande légitimité qu’elle aura acquise au fil des ans dans le département, ainsi que sa sensibilité personnelle sur les questions féministes, auront fait évoluer dans le bon sens la CGT départementale, et auront permis, même si la route est encore longue, d’atténuer un environnement toujours potentiellement orienté vers la relégation des femmes, et aura facilité le fait que les femmes se sentent davantage à leur place dans l’organisation. Il y aurait encore des tas de choses à en dire, mais le temps tourne, et Corinne, sois certaine que les signes de reconnaissance qui te seront manifestés aujourd’hui ne s’arrêteront pas à ce discours !

 

C’est par ces réflexions que nous clôturerons notre congrès. Oui cher-es camarades, c’est tout à votre honneur que vous ayez choisi de militer à la CGT dans une période où tout est fait pour vous en dissuader, que vous ayez décidé de continuer à affronter le contre-courant, dans une période où les électeurs se sont massivement tournés vers l’abstention ou l’autoritarisme, dans une période où la solution naturelle aux malheurs sociaux semble être le système D ou le repli sur la sphère privée, quand il ne s’agit pas d’en imputer la responsabilité à des boucs émissaires qui se trouvent toujours être ceux qui sont en bas de la hiérarchie sociale. C’est tout à l’honneur de nos militants que de continuer à lever la tête, à mener le combat, à faire de la solidarité l’antidote à la concurrence et à la bêtise, à redonner de la dignité à ceux qui en sont quotidiennement privés.

 

Nous continuons et nous continuerons, parce que nous savons que nous avons raison et savons que rien de ce que nous ferons ne sera vain.

 
 
 

 

MERCI À VOUS ET VIVE LA CGT

 
 
 

 
 
 
   
 
 

Mathieu LE ROCH

 

Dimanche 11 février 2018

 

 
 
 

 

Je vais dire quelques mots de Mathieu Le Roch, ce jeune inspecteur du travail qui remplaçait, en 2008, il y a donc 10 ans, une jeune inspectrice, Nathalie B., que j’appréciais beaucoup pour sa fraîcheur et sa gentillesse, mais aussi pour sa fermeté, sa détermination professionnelle et celle à être heureuse et dont le père, médecin, était comme moi un admirateur de l’écrivain Joseph Delteil.

 

J’ai d’abord pris Mathieu pour un Top-modèle narcissique alors que j’avais eu professionnellement, peu avant, les patrons pervers narcissiques en ligne de mire ‒ les malmenant sérieusement, faisant fermer leurs entreprises où les envoyant faire un petit séjour en prison ou en psychiatrie. Nathalie avait vivement contesté mon assertion de rejet : « Tu as tord Alain, Mathieu est aussi quelqu’un de très engagé dans son travail ». C’était au moment où finissait le contrôle de la recherche d’emploi sous la férule du ministère du Travail, et que j’investissais le poste de responsable du personnel contre mon grès. J’ai eu l’occasion de passer Mathieu sur le grill pour voir s’il était un Play-boy égaré chez nous comme quelques autres inutiles ou opportunistes ou s’il était un vrai défenseur des exploités.

 

Premièrement, j’observais vite, chez lui, une intelligence supérieure, totalement exempte de vanité. C’était la toute première fois de ma vie où j’ai vu s’édifier devant nous un authentique syndicaliste. J’en avais connu d’ambitieux à la CFDT (dont j’ai été brièvement adhérent vers 30 ans) et qui tous ont réussi admirablement ! J’avais connu une cégétiste combinarde, intrigante, fainéante et malveillante, un autre ouvrant grand son parapluie syndical pour buller tranquillement… et quelques ‟couilles molles” engagées dans des dérives syndicales dont on se demande à quoi cela pouvait bien servir, si ce n’est à promouvoir son cul ! À vrai dire, au fond, j’étais même hostile aux syndicats, très distant pour ne pas dire méprisant vis-à-vis de ces agitateurs épisodiques dont les actes et les comportements n’avaient pas de rapport avec leurs slogans.

 

Au départ, je fus même effrayé de voir l’action de Mathieu et celle de son presque jumeau, Cyril. C’était neuf et inattendu chaque jour. Un engagement forcené, jamais tourné vers eux-mêmes, mais vers la sauvegarde des services du ministère (très menacés) et les catégories les plus défavorisées. L’élitisme renversé. À part Yvan, dans les années 70, je n’ai jamais vu d’inspecteurs manifester autant de respect, d’attention et de bienveillance aux catégories d’exécution. Leurs actions étaient nombreuses et vigoureuses au moment où le ministère se fissurait de partout sous l’impulsion du Libéralisme économique – un lâcher le renard dans le poulailler !

 

C’est alors que je rejoignais le syndicat, ce qui fit du bruit vu ma position au service du personnel et à quelques mois de la retraite. J’ai voulu soutenir ce qui est juste et droit contre ce qui est tordu, calamiteux et honteux. Au moment de partir à la retraite, nous perdions nos primes, relativement importantes, mais une exception fort habile fut instituée pour les directeurs qui eux partaient avec leurs primes ‒ entre 1000 et 2000€ par mois ‒ en plus de leurs salaires pour garder le silence, ce qui fut redoutablement efficace : je n’ai entendu aucune contestation s’élever sur ce qui se passait, à partir de l’octroi de cette gratification !

 

Mathieu était né pour être un syndicaliste, probe, solide, déterminé, juste et humain. Il a une vraie empathie avec les travailleurs, les plus modestes, tout en possédant une intelligence hors normes. Cette volonté farouche, déterminée, n’est pas pour tout le monde, je serais totalement incapable moi-même de mener le combat qu’il a entrepris : assainir le syndicalisme, le construire dans un esprit de rigueur, de lucidité par des formations pointues, en édifiant un indispensable esprit de résistance auquel les Français ne sont plus habitués. Sa tâche comme celle de Corinne est très lourde et même me ferait fuir, mais je sais qu’il ne fuira pas et que par son exemple il communiquera la vraie foi syndicale, rigoureuse, intègre, humaine, à d’autres, pour un syndicalisme non opportuniste, mais de classe sociale afin que le Capital manipulateur, arnaqueur, trouve des limites à sa soif de gains et de domination (tenir les travailleurs à sa merci).

 

J’étais invité, sans l’avoir désiré ou souhaité, à une grande école, celle de ceux qui conscients et lucides, s’engagent pour les autres, les exploités, les défavorisés, les arnaqués, et parfois les broyés. J’ai sans aucun doute été fortement marqué par l’engagement spirituel et je le suis toujours, mais le travail de ce jeune homme trempé dans l’acier, n’est-il pas une application directe et considérable des écritures : servir son prochain, quand le capital ne fait que s’en servir, ce qui, rappelons-le, est le plan de Lucifer ou de Mammon (dieu de l’argent, de l’avarice et des enfers) ! □

 

 

 
 
 

 
 
     
   
     

 

 

 

 
 

 

Paul Nizan, l’émergence du surhomme

 
 

 

À mon camarade Mathieu, pour ses trente ans

 
 
 

 

Ce sont les maîtres des hommes qu’il faut combattre et mettre bas.

Les belles connaissances viendront après cette guerre.[1]

 

 

La liberté est un pouvoir réel et une volonté réelle de vouloir être soi.

Une puissance pour bâtir, pour inventer, pour agir, pour satisfaire

 à toutes les ressources humaines dont la dépense donne la joie.[2]

Paul Nizan, Aden Arabie

 
 
 

Je me souviens de ce 8 février 2011, du cadeau inattendu de Mathieu, ce jeune inspecteur du travail, arrivé chez nous à l’âge de 24 ans. J’étais désormais retraité, depuis le mois de juillet 2010, mais j’étais devenu Cégétiste peu avant la fin 2009, le rejoignant lui et quelques camarades dans une rébellion contre la réforme et le délitement de nos services. Cela faisait mauvais effet, le « chef du personnel » adhérant en fin de parcours professionnel à ce syndicat qui se signalait par un ton vif, incisif, peu flatteur vis-à-vis d’une hiérarchie engagée comme un seul homme dans un consensus d’une lamentable lâcheté ayant pour objectif de démolir l’indépendance de nos services, trop voués à la défense des droits des salariés, constamment bafoués. Désormais seul devait compter le marché ! La renonciation à toute résistance se faisant à grand renfort de subsides. Ainsi « l’élite » décrite par le philosophe Alain (Émile Chartier) usée par leurs génuflexions, compensée par l’octroi de gratifications avantageuses et d’avancements, ressemblait à une cohorte de courtisans, cauteleux, défaits… à de vieux renards pris dans la nasse de l’avidité et du conformisme ! « Ils sont là pour arrêter les hommes fidèles à bien des vieux espoirs, ils sont là pour écraser les uniques défenseurs de l’avenir des hommes »[3]. Consolation à leur désertion, ils arborent « des rubans à leurs revers comme de vieux gendarmes retraités »[4].

 

 

Et sans l’arrivée chez nous de ces jeunes intrépides, probes et intègres, j’aurais vécu, au départ du monde des actifs, une gabegie, une débâcle de tout ce que j’avais connu et appris à comprendre et aimer.

 

 

Mes amis libraires disent qu’ils n’ont jamais vu autant de livres dans une maison. Certes, je les ouvre tous, puis les abandonne assez vite au profit d’une activité, d’une nécessité, d’un nouvel achat, de la rédaction d’un texte… Malgré cette surabondance, Paul Nizan m’est inconnu ! Mathieu, loyal, taiseux, sait ce qui pêche chez son vieux camarade et édulcore encore son engagement, alimente ses hésitations. Mathieu exige de lui-même et de ses camarades de payer comptant, sans regret, le prix de la dignité et de l’honneur.

 

 

 

Le récit d’Antoine Bloyé se déroule pour l’essentiel à Périgueux, dans des paysages, des lieux, que je connais depuis mon enfance. [Périgourdins, nous ignorons que la chanteuse Francesca Solleville est née à Périgueux, que Paul Nizan a vécu sa jeunesse chez nous … sauf peut-être quelques initiés… Plus tard, j’en rencontrerai !]

 

 

Alors cet Antoine Bloyé, vais-je le lire jusqu’au bout ?

 

 

Saisi par le caractère lugubre, ténébreux des premières pages qui se situent loin de Périgueux, au moment de la fin de la vie d’Antoine Bloyé, « c’était une maison où il y avait un mort »[5] et la description grimaçante du cirque des conventions sociales : « Le vicaire cessa de rire : le rire tomba de son visage comme un masque de carnaval, son visage laissa éclater avec une grande bassesse le mépris d’un marchand pour un chaland qui refuse sa marchandise »[6], ma curiosité était piquée au vif.

 

 

Je jubilais à la lecture de la description du cimetière, cette autre grande ville, avec ses « squelettes de banquiers, d’armateurs, de généraux, de femmes du monde qui reposaient au fond de ces reliquaires… »[7] Voilà ce que j’avais toujours ressenti, mais ici exprimé si férocement, irréfutablement, par Nizan. Un trait tiré sur l’insignifiance des coteries de classes sociales. Lorsque le corbillard de Monsieur s’avance, perdure encore une illusion de différence de classe sociale, mais en terre s’alignent les néants les plus exceptionnels, influents ou redoutés.

 

 

Puis, « Dieu, c’est la même chose que le hasard et les gouvernements. C’est tout ce qui écrase »[8]. En quelques mots se résumait l’absurdité de ma jeunesse entière vouée aux inquiétudes religieuses, confessionnelles, soumission ridicule à un dieu aveugle et muet, à des conceptions réfutant la vie elle-même. « Personne à adorer, à fléchir en priant, à remercier par des offrandes. Dans cette absence des dieux et des anges, j’étais dépouillé des symboles de la piété et des lois, des catéchismes, des cultes, des mots d’ordre »[9], exultant d’être délivré des « verroteries de la Religion »[10].

 

 

Le jeune Antoine Bloyé avait connu la fascination de l’expansion économique : « une sorte de fièvre attirait vers les quais, les chantiers, les échafaudages, les hommes en quête d’ouvrage et les capitaux en quête de profits…. Antoine vivait ce grand remue-ménage de fondation ; il était entraîné par la croissance de cette ville : dans une époque où les hommes mûrs s’abandonnaient à l’ivresse de construire, les jeunes gens se laissaient émerveiller à moindre frais »[11]. Nous subissons tous un envoûtement pour une forme ou une autre de la réussite, éducation et mirage des années 70 ! Comme Antoine, j’avais en attente – certes sur le tard, car par trop rebelle et irrévérencieux – « …dans mon cartable… un diplôme en blanc de bourgeois »[12]. J’« espérais que par la culture je ne serais point méprisé. Cette illusion me faisait oublier cette idée qui n’est pas bourgeoise, qu’un homme vaut un homme »[13]. Ainsi, « Je faillis être de peu bourgeois. Je fus candidat à la bourgeoisie. Je suis aujourd’hui ce mauvais exemple, ce mauvais clerc, un bourgeois qui trahit la bourgeoisie au moment même d’y pénétrer… »[14]. Pourquoi trahirais-je les hommes dont je viens ? « Un pas en arrière et je suis de plain-pied avec eux, je marche à leur pas, je suis dans la tradition sévère du prolétariat… »[15].

 

 

La contamination de l’esprit bourgeois n’est point un vain risque[16]. André Maurois, écrivain qui résidait, des années durant, en un château proche d’Excideuil en Dordogne, en est, selon Nizan, une des plus sournoises et perfides émanations. En définitive, tout son art consiste à conforter tout ce qui statufie l’ordre moral en dispensant le faux « …bon grain dans des têtes plus molles que la boue »[17].  

 

 

Observons l’analyse que Nizan fait du processus d’insidieuse déliquescence que dissimule une aimable politesse : « Il ne pense qu’après que des autorités ont pensé. Il tremble d’être un jour original, de réfléchir par lui-même […] Quand il redescend sur la terre, il trouve finalement qu’elle est assez aimable pour un homme comme lui, qui a de la lecture, des revenus et le sens du relatif. »[18] « La littérature bourgeoise est aujourd’hui une « flatterie ». M. André Maurois est l’un des maîtres de cette flatterie. […] C’est le monde où les vérités sont apprivoisées comme des chiens distingués que des dames promènent. […] L’intelligence de M. Maurois est remarquable par ses propriétés : elle reste à la surface, elle ne veut jamais saisir, absorber la réalité, parce qu’elle la fuit, la redoute. Elle effleure le monde. […] Tel est le monde auquel M. Maurois n’a pas cessé de rêver. C’est un monde « patriarcal » de la guerre, de la concurrence, où un État providentiel met les polices au service des industriels[…] Le libéralisme est mort. Il va bien falloir devenir fasciste. M. Maurois est trop poli pour dire le mot : il se contente d’évoquer la chose. Et le bonheur qu’il esquisse à la fin, c’est un petit bonheur tranquille, respirant modestement dans un fascisme de val de Loire, d’Île de France… »[19] Fascisme édulcoré, feutré, délice des prudents !

 

 

Trouble fête, Nizan possède, jusqu’au vertige, l’art de démasquer les mauvaises intentions. Sans trêve, il nous tend, le miroir de nos distorsions. Il est de ces rencontres majeures qui sauvent d’une vie frelatée, empruntée. En 1962, Max-Pol Fouchet avouait : « Je ne suis pas fort pour les confidences […] il faut pourtant que je vous en fasse une : à ma grande honte, je n’avais jamais lu, jusqu’à ces jours derniers, Paul Nizan. Nizan c’est un jeune homme en colère, en colère contre toutes les mutilations qu’impose le monde dans lequel il vit, et je ne vois pas pourquoi il serait d’un autre avis aujourd’hui… Il est en colère contre les philosophes […] qui parlent de l’Homme avec un grand H, mais jamais de l’homme avec un petit h, des hommes qui meurent de faim, qui meurent assassinés dans les guerres ou tabassés tout simplement dans tous les commissariats de police du monde. Il est en colère contre les grands écrivains bourgeois libéraux de son temps […] Nizan, et bien, c’est quelqu’un qui est là pour réveiller. C’est pour ça que je vous conseille de le lire et peut-être que vous me direz : “ce jeune homme que vous avez présenté, pourquoi est-il si désagréable avec nous ? » Et bien, c’est parce qu’il est désagréable qu’il faut le lire, les écrivains bien élevés nous n’en manquons pas, mais ce qu’il nous faut, ce qui nous manque, ce sont des écrivains désagréables” »[20].

 

 

Nizan conscient du mensonge institutionnel, des supercheries politiques, des rapts et des crimes de toute une classe dirigeante, nous invite à le rejoindre dans une fronde contre les usurpateurs et leurs laquais. « Nizan, c’était un trouble-fête. Il appelait aux armes, à la haine : classe contre classe ; avec un ennemi patient et mortel, il n’y a pas d’accompagnements ; tuer ou se faire tuer : pas de milieu. Il avait répété toute sa vie, avec une gracieuse insolence, le regard baissé sur ses ongles : ne croyez pas au père Noël… »[21] Nous avons aujourd’hui perdu tout sens de l’intégrité. La corruption, le compromis, « le savoir composer avec » s’exercent presque systématiquement au bout de nos fugaces réflexions. La tisane soporifique de l’éthique bourgeoise est devenue le filtre des ardeurs indécentes et criminelles du libéralisme. Nizan nous secoue, nous réveille, nous arrache à notre torpeur, à notre désertification du réel, à cet avoir qui nous possède tel un démon vorace, insatiable, consumant tout esprit de liberté, de dignité en nous. Il nous convie à une douloureuse, mais très salutaire lucidité. Il nous appelle à vivre en Homme et non en valetaille soumise, mitonnant secrètement rage et amertume, rêvant d’une revanche exemplaire, miroir exact de ce que l’on endure aphone, vaincu, et que l’on pourrait enfin faire subir bruyamment aux oppresseurs ! Le propos et la manière d’être de Nizan étaient tout autres, il « …militait pour sauver sa vie […] Il ne restait que la révolte… puisque tout trahissait les hommes, il préservait ce peu d’humanité qui reste en disant non à tout »[22].

« …Il fallait, en tout cas, ruiner l’ordre établi… »[23]

 
 

Jean Alain Joubert

Décembre 2013 & janvier 2014

Révision 18 juin 2022

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[1] Paul NIZAN, Aden Arabie, Paris, La Découverte/Poche, 2002, p. 108.

[2] Ibid., p. 87.

[3] Paul NIZAN, Les chiens de garde, Marseille, Agone, Contre-feux, 2002, p. 120.

[4] Paul NIZAN, Aden Arabie, Paris, La Découverte/Poche, 2002, p. 58.

[5] Paul NIZAN, Antoine Bloyé, Paris, Les Cahiers Rouges Grasset, 2008, p. 23.

[6] Ibid., p. 34.

[7] Ibid., p. 39.

[8] Ibid., p. 45

[9] Paul NIZAN, Aden Arabie, Paris, La Découverte/Poche, 2002, p 98.

[10] Jean-Paul SARTRE, préface de 1960 pour les Éditions François Maspero à Aden Arabie, Paris, La Découverte/Poche, 2002, p. 26.

[11] Paul NIZAN, Antoine Bloyé, Paris, Les Cahiers Rouges Grasset, 2008, p. 63. On pense ici au « … rêve imbécile de vos pères… » de Georges Bernanos, « Révolution et liberté », La liberté pour quoi faire ?, Paris, Gallimard, Folio essais, 2002, p. 149.

[12] Jean-Paul SARTRE, préface à Aden Arabie de Paul Nizan, Paris, La Découverte/Poche, réédition, 2002, p. 29.

[13] Paul NIZAN, « Secrets de famille » 1931, Articles littéraires et politiques, volume I (1923-1935), Nantes, Éditions Joseph K., 2005, p. 134.

[14] Ibid., p. 132.

[15] Ibid., p. 133.

[16] « […] Il peut y avoir des « bourgeois » tout aussi bien parmi les nobles que parmi les ouvriers et les pauvres. Je reconnais le bourgeois non point à son costume et à son niveau social, mais au niveau de ses pensées, et, pour simplifier, j’appellerais bourgeois « quiconque pense bassement » […] a la haine du gratuit, du désintéressé, de tout ce dont il ne peut se servir. Il ne saurait admettre l’art ou la littérature qu’utilitaires, et hait tout ce qu’il ne peut s’élever à comprendre. », André GIDE, Journal, une anthologie (1889-1949), Paris Gallimard Folio, 2012, p. 367 et 368.

[17] Paul NIZAN, « Présentation d’une ville », Paul Nizan intellectuel communiste, I, Paris, FM/Petite collection Maspero, 1979, p. 162.

[18] Paul NIZAN, Articles littéraires et politiques, volume I (1923-1935), Nantes, Éditions Joseph K., 2005, p. 206, 207.

[19] Ibid., p. 409-412.

[20] Max-Pol FOUCHET, Lecture pour tous, 1967, document INA, repris dans Les Nouveaux Chiens de garde, film documentaire réalisé par Gilles Balastre et Yannick Kergoat, 2012).

[21] Jean-Paul SARTRE, préface de 1960 à Aden Arabie de Paul Nizan, Paris, La Découverte/Poche, réédition, 2002, p. 8.

[22] Ibid., p. 50-51.

[23] Ibid., p. 19.